33
2
AME
bord elle n'eíl que végétative
&
femblable
it
celle
d'une plante; qu'enúúte elle devient fenfitive en fe
perfeétionnant;
&
qu'enfin elle eíl rendue raifonna–
ble par la coopération de Dieu. Une chofe
co~po
relle ne peut devenir incorporelle : fi
l'ame
ralfon–
nable eílla m&me que la fenfitive, mais plus épu–
rée, elle eíl alors matérielle néceífairement. C'eíl
la le fyíleme des Epicuriens,
a
~ela
pres que l'
am~
chez les Philofophes payens aVOlt en elle la faculte
de fe perfeétionner; au lieu que chez les Philofo–
phes chrétiens, c'eíl Dieu qui par fa puiífance la
conduit
a
la perfeilion : mais la matérialité de
['ame
eíl toíljours néceífaire dans les deux opinions. Ceux
(lui difent que l'embryon eíl: animé jufqu'au quaran–
tieme jour, tems auquel fe fait la conformation des
par1:ies , pretent, fans le vouloir, des armes a ceux
qui fOlltennent la matérialité de l'
ame.
Comment fe
peut-il faire que la vertu féminale, qui n'eíl: fecou–
rue d'allcun principe de vie, puiífe produire des ac–
tions vitales? Or fi vous accordez , continuent-ils ,
qu'il y a un principe de vie dans les femences capa–
ble de produire la confOlmation des parties, d'aair ,
de mouvoir ; en perfeétionnant ce principe
&
lui don–
nant la liberté d'augmenter
&
d'agir librement par
les organes parfaits , il eft aifé de voir qu'il peut
&
doit meme devenir ce qu'on appelle
ame,
qui par
conféquent eft matérielle.
.
Spinofa ayant une fois pofé pOllf principe qu'il
n'ya qu'une fubftance dans l'uruvers, s'eíl
VII
for–
ce par la fuite de fes principes
a
détruire la fpiritua–
lité
de
l'
alm.
Il ne trouve entre elle
&
le corps e1'au–
tre différence que celle qu'y mettent les modifica–
tions e1iverfes, moelifications qui fortent néanmoins
e1'une m&me fOllTce,
&
polledent un méme filjet.
Comme il eíl un ele ceux qui parolt avoir le plus
étudié cette matiere , qu'il me foit permis ele donner
ici un précis de ron ryíleme
&
des raifons fur lef–
quelles il prétend l'appuyer. Ce Philofophe prétend
done qu'il y a .une
ame
univerfelle répandue e1ans
toute la matiere ,
&
furtout dans l'air, de laquelle
toutes les
ames
particulieres font tirées; que ceHe
ame
lU1iverfelle eíl: compofée d'une matiere déliée
&
propre au mouvement , telle qu'eft celle du feu; que
cette matiere eíl: tolljOurS prete a s'unir aux ·ú¡jets
difpofés
a
recevoir la vie , comme la matiere de la
f1amme eíl: prete
a
s'attacher aux chofes combufti–
bIes
qui
font dans la e1ifpofition d'etre embrafées.
Que cette matiere unie au corps de l'animal y en–
tretient, du moment qu'elle
y
eíl iníU1uée juíqu'a
celui qu'elle l'abandonne ,
&
íe réunit
a
fon tout, le
dOllble mouvement des poumons dans lequella vie
confifte ,
&
qui eft la mefure de fa durée.
Que cette
ame
ou cet efprit eft conftamment ,
&
fans variation de fubftance , le m&me en quelque
corps qu'il fe trouve , féparé Ol! réuni ; qu'il n'ya
enfin aucune diverfité de nature dans la matiere ani–
mante , qui fait leS
ames
particulieres raifonnables ,
fenfitives, végétarives , cornme il vous plaira de les
nommer; mais que la différence qui fe voit entr'el–
les ne confú1:e que dans celle de la Illatiere qui s'eíl
trouvée animée,
&
dans la différence des organes
qu'elle eft employée
a
mOllvoir dans les animanx,
ou dans la différente dlfpofition des parties de l'ar–
bre ou de la plante qu'elle anime; femblable
a
la
matiere de la flamme unifoffile dans íon eífence ,
mais plus ou moins brillante on v;ve, fuivant la fubf–
tance
a
laquelle elle fe trouve réunie ; en effet
elle parolt belle
&
nette , lorfqu'elle eíl: attachée
a
une bougie de cire purifiée; obrcure
&
languiífan–
te , lorfqu'elle eft jointe
a
une chandelle de ftúfgrof–
íier. Il ajOllte que meme parmi les cires, il yen a
de plus nettes
&
de plus pures ; qu'il Y a de la cire
¡aune
&
de la cire blanche.
II y a auffi des hommes de différentes qualités; ce
AME
qui feul conftitue plufieurs degrés de perfeél:ions dans
leur raifonncment, y ayant une différence infinie
la–
deífus. On peut meme , ajollte-t-il , perfeétionner en
l'homme les puiífances de
l'ame
ou de I'entendement,
en fortifiant les organes par le fecours des Sciences,
de l'é"ducation, de l'abftinence , de ceftaines nour–
ritmes ouboiífons; oules dégrader parllne vie deré–
glée, par des paffions violentes, les calamités , les
maladies,
&
la vieilleífe : ce qui eft meme une preu–
ve invincible , que ces puiífances ne font que l'effet
des organes du corps conftituées d'une Cel1:aine ma–
niere.
La p011:ion de
l'ame
univerfelle qui aura fervi
l
animer un corps hllmain, pOlllTa fervir
a
animer ce–
lui d'une autre efpece ;
&
pareillemenr celle dont
les corps d'autres arúmaux anront été anirnés ,
&
celle qui aura fait pouífer un arbre ou une plante.
pourra etre employée réciproquement
a
arumer des
corps humains ; de la m&me maniere que les parties
de la f1amme qui auroient embrafé du bois pour–
roient auffi embrafer une autre matiere co·mbuíl:ible.
Ce Philofophe modeme pouífe cette penfée plus
loin ,
&
il pretend qu'il n'y a pas de moment
011
les
ames
particulieres ne fe renouvellent dans les corps
animés, par des parties de l'
ame
univerf,:Ue qui fuc–
cedent aux
ames
particulieres ; ainfi que les particu–
lesde lalumiere d'une boilgie oud'une autre f1amme
font fuppléées par d'autres qlÚ les chaífent ,
&
font
chaífées
a
leur tour par d'autres_
La réunion des
ames
particuliercs
a
la genérale,
a
la mort de l'animal , eft auffi prompte
&
auffi en–
riere que le retour de la f1amme
a
fon principe auíTi–
tot qu'elle efi féparee de la matiere a laquelle elle
étoit unie. L'efprit de vic dans lequelles
ames
con–
fiíl:ent, ¿'une nature encore plus fubtile que celle de
la f1amme,
íi
elle n'eft la meme , n'efi ni filfceptible
d'une féparation permanente de la matiere dont
ir
efi tiré , ni capable d'etre mangé ,
&
efi immédiate–
ment&eífentiellementuni dans l'animalvivantavec
l'air, dont fa refpiration eíl entretenue. Cet efprit
eft porté fans intermption dans les pOtU110ns de l'am–
mal avec l'air qui entretient leur mouvement ; il eíl:
pouífé avec lui dans les veines par le fouille eles
poulmons; il eíl: répandu par celles-ci e1ans tomes les
autres parties du corps. II fait le marcher
&
le cou–
cher dans les unes, levoir, l'entendre , le raifonn.::r
dans les
autres.llelonne lieu aux diverles paffions de
l'animal. Ses fonétions fe perfeéti91ment
&
s'afioi~
bliífent, felon l'accroiífement OH diminution des for–
ces dans les organes , elles ceífem totalement;
&
cet
efprit de vie s'envole
&
fe rétmit au géneral, lorf–
que les difpofitions qu'il maintenoit dans le particu–
lier viennent
a
ceífer.
Avant de bien pénétrer le fyficme de Spinofa,il faut
remonter jufqu '3 la plus haute antiquité, pour favoir
ce que les anciens penroient de la fubílance.
11
pa–
rOlt 'lu'ils n'admettoient qu'tU1e feule fubfiance , na–
tmelle, infinie,
&
ce qui furprendra le plus, indivi- -
fible , quoique pOlU1:ant divifée en trois partics;
&
ce font elles, 'lui réunies
&
jointes enfemble , for–
ment ce que Pythagore appelloit
te
tout,
hors dl1qnel
il n'y a riell. La premiere p¡¡rtie de cette fubfiance )
inacceffible aux repards de tous les hommes, efi pro–
prement ce qui determine l'eífence de Dieu , des
Anges
&
des génies; elle fe répand de-la fur tom le
refte de la nat1lrc. La feconde partie compore les glo–
bes céleíles , le foleil , les étoiles fixes, les planetes,
&
ce qui brille d'une lumiere primitive
&
originale.
La troifieme enfin compofe les corps,
&
générale–
ment tout l'empire fublunaire , que Platon d.ans le
Timée nomme
le¡éjour du
chang~ment,
la mere
~
la nourrice du fenjible.
Voila en gros quelle idée on
avoit de la fllbftance unique dollt 011 croyoit que les
&tres tiroient le fond meme de leur nature, cha\:tln