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AME

"bu que je méditc (ur le néant, je pen(e , ¡e rai(oh–

ne, jc (ais des réflexions,

&

toutes ces opérations,

en tam qu'aüion de mon

ame,

fom ab(olument (em–

blables

&

parfaitement uniformes. Dira - t - on que

la penfée eft un aífemblage de ces atomes

?

Mais

fi

'C'ea

un aífemblage de dix atomes, ces atomes, pour

fomler la pen(ée, (eront en monvement ou en repos:

s'ils (ont en mouvement, je demande de gui ils ont

reS:ll

ce

mouvemem: s'ils l'om rec;:u de

1

'obJet, on en

aura la penfée autant de

tems

que. durera eette im–

preffion ; ce (era comme une boule ponífée par un

mail, elle produira tout le mouvement qu'elle aura

rec;í'I; or cela

ea

manifeftement contre I'expérience.

Dans toutesles penfées des cho(es indifférentes

011

les

pallions du creur n'ont aucun intéret, je penfe quand

JI

me plait,

&

qnand il me plalt je quitte ma penfée;

jela rappeIle quand

je

veux,

&

j'en choiíis d'autres

a

ma till1taiíie.

Il

feroit encore plus ridicule de s'ima–

giner qne la penfée confúHit dans le repos de l'aífem–

blage de ces petits corps,

&

on ne

s'an~tera

pas

a

rétitter cette imagination.

Il

faut done reconnoltre

néceífairement dans l'homme un principe, qui a en

:lui-meme

&

dans fon eífence la faculté de penfer , de

délibérer, de juger & de vouloir. Or ce principe que

j'appelle

ifPrit,

recherche, approfondit les idées , les

compare les unes avec les alltres, & voit leur con–

formité ou leur cü

(proportion.Le

néant, le plll· néant,

quoiql1'il ne puiífe produire aUClme impreffion , par–

ee

qn'il ne peut agir, ne laij[e pas d'etre l'objet de la

penlec, de meme que ce qui exifte. L'e(prit, par (a

propre vertu

&

par la faculté qu'il a de penfer, tire

le néant de l'abyfme pour le confronter avec l'etre,

&

pour reconnoltre que ces deux idées du

néant

& de

l'irre

fe détrui{ent réciproquement.

J

e voudrois bien qu'on me dit ce qui peut condui–

re mon efprit

.¡\

s'appercevoir des chofes qui impli–

<!uem contradiüion : on conc;oit que

1

'elprit peut re–

<:cvoir de différens objets, des idées qui font con–

traires

&

oppofées: mais pOllr juger des chofes im–

pollibles, il faut c¡ue l'e/prit aille beaucoup plus loin

que la

011

la feule perception de l'objet le conduit;

il faut pour cet effet que l'e{prit humain tire de (on

propre fonds d'autres idees que eelles-lit fenles que

les objets peuvent produire. Done il y a une cauCe

fupérieure a toutes les imprefiions des objets, qui

<lgit

&

qui s'exerce fur fes idées, dont la plllpart ne

fe forment point en lui par les impreffions des objets

extériems, telles que (ont les idées univerCelles, mé–

taphyfiques

&

abfiraites, les idées des choCes paf–

{ées & des chofes futures , les idées de l'infini, de l'é–

ternité, des vertus,

&c.

En un infrant mon efprit rai–

fonne

(m

la difiance de la Terre au Soleil; en un

infiant il paffe de l'idée de l'Univers

a

celle d'un

atome , de l'etre au néant , du corps

a

l'efprit ; il

railonne {llr des axiomes

c¡ui

n'om rien de corpo–

rel. De quel corps efi-ü aidé dans tous ces rai[onne–

ruens, puifc¡ue la nature des corps eíl: emierement

oppofée

a

ces idées ? Done,

&c.

Enfin, la maniere dont nous exerc;ons la faculté ele

communic¡uer nos penfées aux autres, ne nous per–

met pas de mettre notre

ame

au rang des corps. Si ce

qui penfe en nous étoit une mariere fubtile, qui pro–

duisit la pen[ée par [on mouvement, la communica–

tion de nos penfées ne pourroit avoir lieu, qu'en

mettanr en autrui la matiere penfante dans le meme

mouvemenr

011

elle eft chez nous;

&

achaque pen–

fée que nous avons, devroir répondre un mouve–

ment uniforme dans celui auquel nous voudrions la

tranfmettre: mais une portion de matiere ne fauroit

en roucher lme autre, fans la toucher m 'diatement

ou Immédiatement. Per(onne ne foutiendra que la

matiere .qui peme en nous agiífe immédiatement fm

ce~:

'1

m

'p~nfe ~n

autnu.

Il

fa~ldroit

donc que cela

fe .It

a

1

alde d une autre mauere en mouvement.

Tom, l.

AME

337

NOlls avons trois moyens de faire part de nos pen–

fées aux aurres, la parole, les íign's

&

l'écritme.

Si l'on examine attentivemenr ces moyens , on verra

qu'il n'y en a aucun qui pluffe mettre la matiere pen–

(ante d'autrui en mOllvement.

Il

ré(ulte de tout ce

que nous avons dit, que ce n'eft pas l'incompréhen–

fibilité feule, c¡ui fait refll(er la penfée a la matiere,

mais que c'efi l'impoffibilité intrinfeque de la chofe,

&les contraditions

011

l'on s'engage, en faifantle prin–

cipe matériel pen{ant. Des-la on n'eft plus en droit

de recourir

a

la toutc-pujj[ance de Dieu, pour établir

la matérialiré de l'ame. C'efi pourtant ce qu'a fair M.

Locke: on fait que ce PhiJofophe a avance, c¡ue nou

ne ferons peut-etre jamais capables de connoltre

fi

un

etre purement matériel pen{e, on non. Un des plus

beaux e(prirs dece íiécle, ditdans un defes ouvrages,

que ce difcours pamt une déclaration fcandaleuCe,

que

l'ame

efi matérieUe & morteLte. Voici cOmme iI

en parle:

«

Quelques Anglois dévots

a

leur maniere

»

fonnerent l'alarme. Les fuperftitieux font dans la

»

fociété ce que les poltrons font dans une armée ,

»

ils ont & donnem des terreurs paniques: on cria

»

que M. Locke vouloit renverfer la Religion;

il

ne

»

s'agjj[oit pourtant pas de religion dans cette affai–

»

re : c'étoit une queffion purement philofophique ,

»

tres-indépendante de la foi

&

de la révélation.

Il

»

ne falloit qu'examiner fans aigreur s'il ya de la con–

»

tradiüion a dire,

la maliere peal penpr,

&

ji

Diel!

»

peur communiquer la penfée

a

la matiere. Mais

»

les Théologiens commencem fouvent par dire

»

que Dieu en outragé, quand on n'efi pas de leur

»

avis; c'efi reffembler aux mauvais Poetes , qui

»

crioient que De(preaux parloit mal du Roi, par–

" ce qu'il fe moquoit d'eux. Le D oüeur Stilling–

»

fleet s'eft fait une réputation de Théologien modé–

»

ré, pour n'avoir pas dit poíitivement eles injures

a

" M.

Locke.

Il

entra en lice contre lui : mais il fllt

" battu, car il raifonnoit en Doüeur,

&

Locke en

»

PhiJofophe infiruit de la force

&

de la foibleífe de

»

l'efprit humain , & qui fe battoit avee des armes

" dont il connoiífoit la trempe

».

C'efi-a-dire , íi l'on

en croir ce célebre Ecrivain, que la quefrion de la

matérialité de l'

ame,

portée au tribunal de la raifon,

[era décidée en faveur de M. Locke.

Examinons queUes font [es raifons ;

1<

J

e fuis corps ;

»

dit-il, & je penfe; je n'en fui pas davantage. Si je nc

»

confulte que mes foibles lumieres, irai-je attribuer

»

a

une caufe inconnue ce que je plUS

fi

aifément

" artribuer

a

la ¡eule caufe feconde que )e connois

" un peu ?'rci tous les Plúlofophes de l'ecole m'ar–

»

retent en argumentant,

&

difent :

Il

n'y a dans le

»

corps que de l'étendue

&

de la folidité,

&

il

nc

" peut y avoir que du mouvement

&

de la figure:

»

or du mouvemem, de la figure, de l'étendue

&

" de la folidité, ne peuvent faire une penfée; dOne

»

l'ame ne peut pa etre matiere. T out ce grand rai–

" fonnemem répé

nt de fois fe réduir unique–

»

ment

a

ceci :

J

e ne connois que rres-peu de chofe

»

de la matiere, j'en devine imparfairement quel–

»

ques propriétés ; or je ne fai point dll tout

fi

ces

" propriétés peuvem etre jointes

a

la penfée; done

" parce que je ne (ai rien du tour, j'affw-e poíitive–

" ment que la matiere ne fauroit penfer. Voila net–

" tement la maniere de raifonner de l'école. M.

" Locke diroit avec úmplicité

a

ces Meffieurs: Con–

" feffez que vous etes allffi ignorans que moi ; votre

" imaginarion

&

la mienne ne peuvent concevoir

" comment un corps a des idées;

&

comprenez–

" vous mieux comment une fubfiance telle qu'eUe

" foit a des idées? Vous ne concevez ni la matiere

" ni l'e{prit; comment ofez-vous afITLTer quelque

»

chofe? Que vous importe ,\,-Ie l'ame (oit un de ces

»

etres incompréheníibles

cr,1

on appette

matiere,

ou

" un de c s etres incomprehenftbles qu'on appelle

Vv