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732

GRA

lui donoer un fens tout contraire.

11

y

a une égale li–

berté fur le choii des moyens que l'on peut emplo–

yer, pnur ex primer la corrélation des mots daos l'or–

dre de l'énonciation,

&

celle de leurs idées daos l'or–

dre analytique de la penfée. Mais les convemions une

fois adoptées, c'efl une obligation indifpenfablc de les

foivre daos tous les cas pareils;

&

il n'efl plus permis

de s'en départir que pour fe cooformer :\ quelque au–

tre convention égalemeot auten:iqoe, qui déroge aux

premieres daos quelque point parriculicr, ou qui les a–

broge enrieremenr. De-la la poffibilité

&

l'origin~

des

ditférentes langues qui

001

été, qui foor,

&

qui 1eront

parlées fur la rerre.

La

Grammaire

admet done deux forres de priocipes.

Les uns fonr d'une vérité immuable

&

d'un ufnge u–

niverfel; ils tiennent

a

la nature de la penfée m€me;

ils en fuivent l'anal yfe; ils n'en font que le réfulrat.

Les autres n'ont qu'une vérité hypothétique

&

dépen–

dante de conventions libres

&

muables,

&

ne font d'u–

fage que chez les peuples qui les ont adoptés libre–

mcnt, fans perdre le droit de les changer ou de les

abandonner, quand il plaira

a

l'ufage de les modifier

o u de les profcrire. Les premiers cooflitueot la

Gram –

maire g lnlrale,

les autres font l'ob¡et des diverfes

Gram–

maires parthulitreJ.

La

Grammaire ginirale

cfl done la fcience raifon–

nóe des principes immuables

&

généraux de la parole

prononcée ou écrite daos toutes les langucs.

Une

Grammair. partiw/iere

efl l'arr d'appliquer aux

principes immuables

&

généraux de la parole pronon–

cée ou écrite, les inflitutions arbitraires

&

ufuelles d'u–

ne lnoguc patriculiere.

La

Grammaire glnlrale

efi une

fcimce,

paree qu'

elle n'a pour ob¡et que la fpécularion raifonnée des prin–

cipes immuables

&

généraux de la parole; une

Gram–

maire

particr~lier~

efl un

art,

paree qu'elle envifage

l'application pratique des inflitutions arbitraires

&

ufuel–

les d'une langue particuliere aux principes généraux: de

la parole (

voyez

A

R

r) .

La fcience grammaticale erl

'.!Otérieure

a

tOutCS Jes Jangues, paree que fes principes

font d'une vérité éternelle,

&

qu'ils oe fuppofent que

la potlibilité des langues: l'art grammatical au conrrai–

re el! pollérieur aux langues, paree que les ufages des

Jaogaes doivent exill<r avant qu'on les rapporte arciti–

ciell<ment aux principes généraux. Malgré cerre diClin–

a ion de la fcic nce grammaticole

&

de J'art gramma–

tical , nous ne prétendons pns infinuer que

1'

on doive

ou que l'on puilfe ml'me en féparer l'étude. L'art oe

peur donner aucune certitode

a

la pratique, s'il n'efl

éclairé

&

dirigé par les lumiercs de la fpéculation; la

fcience ne peut donoer aucone confiflance :\ la théoric,

1i

elle n'obferve les uí.1ges combinés

&

les pratique¡ dif·

férentes, pour s'élever par degrés jufqu'3 la généralifa–

tion des principes . Mais

ji

n'en erl pas moins raifonna–

bl< de dillioguer J'un de l'autrc' d'alligoer

¡¡

!'un

&

a

J'autre fon objet propre, de pr<fcrire leurs bornes refpe–

a ives .

&

de déterminer leur ditférences .

C'cfl pour les avoir confondues qoe le P. Buffier

(

Gramm. fr.

n°.

&

fuiv.)

regarde comme un abu;

introduit .par diven Grammairiens, de dire :

l'ufage

eft

'"'

ce .P•mt _op¡>ofl

la Grammaire . .,

Puifque la

Gram–

"

marr•,

d1t-1l

:1

ce fujer, o'efl que pour fnuroir des

regles ou des réf!exions qui apprennent

a

parler com–

'' me

o~

parle;

quelqu'une de ces regles ou de ces

ré6ex1ons ne s accorde pas :\ la maniere de parler

comme on parle, il ell évident qu'eiles foot faulfes

" &

doivent etre changées " ..

11

eft tri:s-clair que no–

tre Grammairien ne penfe ici qu'a la

Grammaire

par–

ticuliere d'une langoc,

a

celle qui apprend

a

parler com–

me on parle,

3

celle enfin que l'on défigne par le no

m

d'r~faxe

dnns l'expreffion cenfurée . Mais cet ufage a toil–

jours un rapport nécelfaire aux lois immuables de la

-Grammairc glnirale,

&

le P . Buffier en convieot lui–

meme daos un autre endroit . "

11

fe trou ve eiTtntiel-

lement daos too tes les langues, dir-il, ce que la Phi–

lufophic y confiderc, en les regardant comme les

, elpreffions naturelles de nos penfées: car comrne la

, nawre a m is un ordre

o~ceffaire

daos nos penfées,

, elle a mis, par une conféquence infaillible, un ordre

, nécelfaire daos les langues , . C'efi en etfet ponr ce–

Ja que dons tontes on troove les memes efpeces de

m ors; que ces mots

y

font aflu¡enis

~-peu-pres

aux

m~mes .efpeces d'accidens; que le difcours

y

efl fOtirnis

a

la tnple _fyotaxe, de concordance, de régime,

&

de

cooOruébon,

&<.

N

e doit-il pas réfulter de tout ceci

1110

corps de dothine indépeodant des déciúons arbi-

GRA

traires de tous les ufages,

&

dont les priocipes font des

lois égalernent univerletlts

&

immuables?

Or c'efl

a

ces lois de la

Gr.:zmmaire giniralc,

que

les ufages particuliers des langu•s peuvent

le

confor–

mer ou ne pas fe conformer quant

il

la Jeme , quoi–

qu'effeétivement ils en fuivent tolljours

&

nécellaire–

mcnt l'efprit . Si l'on trouve done que l'ufage d'une

lnnguc autoriCe quelq ue pratique contraire

il

quelqu'un

de ces principes fondarncntaux , on peur le dire C.1ns a–

bus, oo p!Otót il

y

auroit abus

a

oe pas le dire nette–

ment;

&

rien n'efl moins abufif que le mot de Cicé–

ron

(oral. n.

47·)

Impetralt<m efl

J

co>Jf,utttdine u&

pucare [t<avi:atiJ cauui liceret:

c'ell

a

l'ufage qu'il

attribue les fautes doot

il

parle,

impetratrtm eft

con–

fuetttdine;

&

conféquemrnent

il

reconooit une regle

indépeodaote de l'ufage

&

fupérieure

a

l'ufage; c'efl la

nature méme, dont les décilions relatives :\ l'art de la

parole formen! le corps de la fcience grammaticale .

Confultoos de bonne foi ces décilions,

&

comparons–

y:

Caos préjugé les pratiques ufuelles; nous ferons bien–

tót eo état d'apprécier l'opinion du P. Buffier. Les idio–

tifmes fuffiroient pour la fapper jufqu'aux fondernens ,

(j

nous voulioos nous perrnettre une digreffion que nous

avons condamnée ailleurs

('/Joya.

G

AL L 1

e

1

s

M E

&

1

D

ro

T 1

s

M E):

mais il ne nous faut qu'un exemple

pour p11rvenir

il

notre but,

&

oous le prendrons daos

l'Ecriture. Que lignifient les plaiotes que nous emen–

dons faire tous les ¡ours fur les irrégularités de notre

alphabet , fur les emplois multipliés de la meme Jeme

pour repréfemer divers élémens de la parole, fur !'a–

bus contraire de donner

a

un meme élément plufieurs

caraaeres ditférens. fur celui de réunir plufieurs cara–

acres pour repréfentcr un élément fimple,

&c.?

C'efl

la comparaifon fecrete des inflitutions ufuelles avec les

principes nature ls, qui fait naitre

ces

plaintes; on voit,

quoi qu'on en pui/fe dire, que l'ufage autoriCe de vé–

ritables fautes contre les principes immuables diétés par

la nature.

Eh! comment pourroit·il fe faire que l'uf.1ge des lan–

gues s'accordat toíljours avec les vOes générales

&

lim–

pies de la nature? Cet ufage efl le produit du concours

fortuit de tanr de circon(lances quelquefois tres-difcor–

dante!. La diverlité des climars; la confiitution poli–

tique des Ernts; les révolutions qui en changent la fa–

ce ; l'état des fciences, des arts, du commerce ; la

religion

&

le plus ou le moins d'attachement qu 'on

y

a;

les

prétenfions oppofées des oations, des provinces,

des villes. des familles m eme : tout cela con tribue

a

faire envifager les chofes, ici fous un point de vOe

1~

fous un autre, au¡ourd'hui d'une fac;on, demain d'u:

ne maniere toute ditférente;

&

c'efi !'origine de la di–

verfité des génies des langues. Les diilerens réCultats

des combioaifons infioies de ces circonflances, prodoi–

fent la ditférence prodigieofe que l'oo trouve entre les

m ots des diverfes laogues qui expriment la meme idée

entre les moyens qu' elles adoprent pour défigner le;

rapports énonciatifs de ces mots, en

u

e lts tours de

phrafe qu'elles autorifent, entre les licences qu'elles fe

permettent. Cette iotluence du concours des circonOan–

ces etl frappaote,

{j

l'on prend des termes de compa–

raifon tres-éloignés, ou par les lieux, ou par les rems

comme de l'oricnr

a

l'occident,

o

u du regne de Char:

lemagne

a

celui de Louis le bien- aimé: elle le fera

moins, fi les points font plus voifins, comme d'lralic

en France, ou du ficcle de Frsnc;ois

l. :\

celui de

Louis

X IV :

en un mot pius les termts comparés fe

rapprocheront, plus les d'tfércnces paroltront diminuer ·

mais elles ne feront Jamais totalement

an~anties:

elle;

demeureront encore fenfibles entre deux

0

ations comi–

gucs, entre deux provinces limitrophes, entre deux vil–

les voilincs, emre deux

quaniers

d'une mCme ville , en·

tre deu

x

familles d'un méme quarrier: il

y

a

plus, le

meme homme varie fes fac;ons de parler

d'~g~

en 3ge

de JOUr en jour. De-Ja la diverfité des diaJeaes d'u:

ne meme langue, fuite narurelle de l'ég>lc liberté

&

de la ditférentc pofition des peuples

&

des Etats qui

compofenr une m eme natioo: de-

lii

cette mobiliré

cette fuccellion de nuaoces, qui moditie perpétuellemcn:

les laogues,

&

les rnétamorphofe infcnfiblemenr en d'au–

tres toutes ditféren tes : c'dl encore une des principales

caufes des difficoltés qui peuvent fe trouver daos

I'é–

rude des

Grammairo partiwliern .

Rien n"efl plus aifé que de fe mépreodre fur le vé–

ritable ufage d'une langae. Si elle efl morre, on ne

peor que con¡eéturer; on erl réduir a une portion bor–

née de rémoignages conlignés daos les livres du meil–

leur fiecle . Si elle efi vivante, la mobilité

p~rpéruelle

de