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GRA
lui donoer un fens tout contraire.
11
y
a une égale li–
berté fur le choii des moyens que l'on peut emplo–
yer, pnur ex primer la corrélation des mots daos l'or–
dre de l'énonciation,
&
celle de leurs idées daos l'or–
dre analytique de la penfée. Mais les convemions une
fois adoptées, c'efl une obligation indifpenfablc de les
foivre daos tous les cas pareils;
&
il n'efl plus permis
de s'en départir que pour fe cooformer :\ quelque au–
tre convention égalemeot auten:iqoe, qui déroge aux
premieres daos quelque point parriculicr, ou qui les a–
broge enrieremenr. De-la la poffibilité
&
l'origin~
des
ditférentes langues qui
001
été, qui foor,
&
qui 1eront
parlées fur la rerre.
La
Grammaire
admet done deux forres de priocipes.
Les uns fonr d'une vérité immuable
&
d'un ufnge u–
niverfel; ils tiennent
a
la nature de la penfée m€me;
ils en fuivent l'anal yfe; ils n'en font que le réfulrat.
Les autres n'ont qu'une vérité hypothétique
&
dépen–
dante de conventions libres
&
muables,
&
ne font d'u–
fage que chez les peuples qui les ont adoptés libre–
mcnt, fans perdre le droit de les changer ou de les
abandonner, quand il plaira
a
l'ufage de les modifier
o u de les profcrire. Les premiers cooflitueot la
Gram –
maire g lnlrale,
les autres font l'ob¡et des diverfes
Gram–
maires parthulitreJ.
La
Grammaire ginirale
cfl done la fcience raifon–
nóe des principes immuables
&
généraux de la parole
prononcée ou écrite daos toutes les langucs.
Une
Grammair. partiw/iere
efl l'arr d'appliquer aux
principes immuables
&
généraux de la parole pronon–
cée ou écrite, les inflitutions arbitraires
&
ufuelles d'u–
ne lnoguc patriculiere.
La
Grammaire glnlrale
efi une
fcimce,
paree qu'
elle n'a pour ob¡et que la fpécularion raifonnée des prin–
cipes immuables
&
généraux de la parole; une
Gram–
maire
particr~lier~
efl un
art,
paree qu'elle envifage
l'application pratique des inflitutions arbitraires
&
ufuel–
les d'une langue particuliere aux principes généraux: de
la parole (
voyez
A
R
r) .
La fcience grammaticale erl
'.!Otérieure
a
tOutCS Jes Jangues, paree que fes principes
font d'une vérité éternelle,
&
qu'ils oe fuppofent que
la potlibilité des langues: l'art grammatical au conrrai–
re el! pollérieur aux langues, paree que les ufages des
Jaogaes doivent exill<r avant qu'on les rapporte arciti–
ciell<ment aux principes généraux. Malgré cerre diClin–
a ion de la fcic nce grammaticole
&
de J'art gramma–
tical , nous ne prétendons pns infinuer que
1'
on doive
ou que l'on puilfe ml'me en féparer l'étude. L'art oe
peur donner aucune certitode
a
la pratique, s'il n'efl
éclairé
&
dirigé par les lumiercs de la fpéculation; la
fcience ne peut donoer aucone confiflance :\ la théoric,
1i
elle n'obferve les uí.1ges combinés
&
les pratique¡ dif·
férentes, pour s'élever par degrés jufqu'3 la généralifa–
tion des principes . Mais
ji
n'en erl pas moins raifonna–
bl< de dillioguer J'un de l'autrc' d'alligoer
¡¡
!'un
&
a
J'autre fon objet propre, de pr<fcrire leurs bornes refpe–
a ives .
&
de déterminer leur ditférences .
C'cfl pour les avoir confondues qoe le P. Buffier
(
Gramm. fr.
n°.
9·
&
fuiv.)
regarde comme un abu;
introduit .par diven Grammairiens, de dire :
l'ufage
eft
'"'
ce .P•mt _op¡>ofl
,¡
la Grammaire . .,
Puifque la
Gram–
"
marr•,
d1t-1l
:1
ce fujer, o'efl que pour fnuroir des
regles ou des réf!exions qui apprennent
a
parler com–
'' me
o~
parle;
!¡
quelqu'une de ces regles ou de ces
ré6ex1ons ne s accorde pas :\ la maniere de parler
comme on parle, il ell évident qu'eiles foot faulfes
" &
doivent etre changées " ..
11
eft tri:s-clair que no–
tre Grammairien ne penfe ici qu'a la
Grammaire
par–
ticuliere d'une langoc,
a
celle qui apprend
a
parler com–
me on parle,
3
celle enfin que l'on défigne par le no
m
d'r~faxe
dnns l'expreffion cenfurée . Mais cet ufage a toil–
jours un rapport nécelfaire aux lois immuables de la
-Grammairc glnirale,
&
le P . Buffier en convieot lui–
meme daos un autre endroit . "
11
fe trou ve eiTtntiel-
lement daos too tes les langues, dir-il, ce que la Phi–
lufophic y confiderc, en les regardant comme les
, elpreffions naturelles de nos penfées: car comrne la
, nawre a m is un ordre
o~ceffaire
daos nos penfées,
, elle a mis, par une conféquence infaillible, un ordre
, nécelfaire daos les langues , . C'efi en etfet ponr ce–
Ja que dons tontes on troove les memes efpeces de
m ors; que ces mots
y
font aflu¡enis
~-peu-pres
aux
m~mes .efpeces d'accidens; que le difcours
y
efl fOtirnis
a
la tnple _fyotaxe, de concordance, de régime,
&
de
cooOruébon,
&<.
N
e doit-il pas réfulter de tout ceci
1110
corps de dothine indépeodant des déciúons arbi-
GRA
traires de tous les ufages,
&
dont les priocipes font des
lois égalernent univerletlts
&
immuables?
Or c'efl
a
ces lois de la
Gr.:zmmaire giniralc,
que
les ufages particuliers des langu•s peuvent
le
confor–
mer ou ne pas fe conformer quant
il
la Jeme , quoi–
qu'effeétivement ils en fuivent tolljours
&
nécellaire–
mcnt l'efprit . Si l'on trouve done que l'ufage d'une
lnnguc autoriCe quelq ue pratique contraire
il
quelqu'un
de ces principes fondarncntaux , on peur le dire C.1ns a–
bus, oo p!Otót il
y
auroit abus
a
oe pas le dire nette–
ment;
&
rien n'efl moins abufif que le mot de Cicé–
ron
(oral. n.
47·)
Impetralt<m efl
J
co>Jf,utttdine u&
pucare [t<avi:atiJ cauui liceret:
c'ell
a
l'ufage qu'il
attribue les fautes doot
il
parle,
impetratrtm eft
,¡
con–
fuetttdine;
&
conféquemrnent
il
reconooit une regle
indépeodaote de l'ufage
&
fupérieure
a
l'ufage; c'efl la
nature méme, dont les décilions relatives :\ l'art de la
parole formen! le corps de la fcience grammaticale .
Confultoos de bonne foi ces décilions,
&
comparons–
y:
Caos préjugé les pratiques ufuelles; nous ferons bien–
tót eo état d'apprécier l'opinion du P. Buffier. Les idio–
tifmes fuffiroient pour la fapper jufqu'aux fondernens ,
(j
nous voulioos nous perrnettre une digreffion que nous
avons condamnée ailleurs
('/Joya.
G
AL L 1
e
1
s
M E
&
1
D
ro
T 1
s
M E):
mais il ne nous faut qu'un exemple
pour p11rvenir
il
notre but,
&
oous le prendrons daos
l'Ecriture. Que lignifient les plaiotes que nous emen–
dons faire tous les ¡ours fur les irrégularités de notre
alphabet , fur les emplois multipliés de la meme Jeme
pour repréfemer divers élémens de la parole, fur !'a–
bus contraire de donner
a
un meme élément plufieurs
caraaeres ditférens. fur celui de réunir plufieurs cara–
acres pour repréfentcr un élément fimple,
&c.?
C'efl
la comparaifon fecrete des inflitutions ufuelles avec les
principes nature ls, qui fait naitre
ces
plaintes; on voit,
quoi qu'on en pui/fe dire, que l'ufage autoriCe de vé–
ritables fautes contre les principes immuables diétés par
la nature.
Eh! comment pourroit·il fe faire que l'uf.1ge des lan–
gues s'accordat toíljours avec les vOes générales
&
lim–
pies de la nature? Cet ufage efl le produit du concours
fortuit de tanr de circon(lances quelquefois tres-difcor–
dante!. La diverlité des climars; la confiitution poli–
tique des Ernts; les révolutions qui en changent la fa–
ce ; l'état des fciences, des arts, du commerce ; la
religion
&
le plus ou le moins d'attachement qu 'on
y
a;
les
prétenfions oppofées des oations, des provinces,
des villes. des familles m eme : tout cela con tribue
a
faire envifager les chofes, ici fous un point de vOe
1~
fous un autre, au¡ourd'hui d'une fac;on, demain d'u:
ne maniere toute ditférente;
&
c'efi !'origine de la di–
verfité des génies des langues. Les diilerens réCultats
des combioaifons infioies de ces circonflances, prodoi–
fent la ditférence prodigieofe que l'oo trouve entre les
m ots des diverfes laogues qui expriment la meme idée
entre les moyens qu' elles adoprent pour défigner le;
rapports énonciatifs de ces mots, en
u
e lts tours de
phrafe qu'elles autorifent, entre les licences qu'elles fe
permettent. Cette iotluence du concours des circonOan–
ces etl frappaote,
{j
l'on prend des termes de compa–
raifon tres-éloignés, ou par les lieux, ou par les rems
comme de l'oricnr
a
l'occident,
o
u du regne de Char:
lemagne
a
celui de Louis le bien- aimé: elle le fera
moins, fi les points font plus voifins, comme d'lralic
en France, ou du ficcle de Frsnc;ois
l. :\
celui de
Louis
X IV :
en un mot pius les termts comparés fe
rapprocheront, plus les d'tfércnces paroltront diminuer ·
mais elles ne feront Jamais totalement
an~anties:
elle;
demeureront encore fenfibles entre deux
0
ations comi–
gucs, entre deux provinces limitrophes, entre deux vil–
les voilincs, emre deux
quaniers
d'une mCme ville , en·
tre deu
x
familles d'un méme quarrier: il
y
a
plus, le
meme homme varie fes fac;ons de parler
d'~g~
en 3ge
de JOUr en jour. De-Ja la diverfité des diaJeaes d'u:
ne meme langue, fuite narurelle de l'ég>lc liberté
&
de la ditférentc pofition des peuples
&
des Etats qui
compofenr une m eme natioo: de-
lii
cette mobiliré
cette fuccellion de nuaoces, qui moditie perpétuellemcn:
les laogues,
&
les rnétamorphofe infcnfiblemenr en d'au–
tres toutes ditféren tes : c'dl encore une des principales
caufes des difficoltés qui peuvent fe trouver daos
I'é–
rude des
Grammairo partiwliern .
Rien n"efl plus aifé que de fe mépreodre fur le vé–
ritable ufage d'une langae. Si elle efl morre, on ne
peor que con¡eéturer; on erl réduir a une portion bor–
née de rémoignages conlignés daos les livres du meil–
leur fiecle . Si elle efi vivante, la mobilité
p~rpéruelle
de