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ART
t'ouvrage de la main quc de I'efpri! . Telle en
m
P"l-–
tic
I'origine de la préémincnce que I'on a
~ccordéd
cer–
u ins
art!
fur d'autres,
&
de
la
diflribution qu'on
3
fui–
te des
arll
eu
are! libéralix
&
en
art! m¿chan;r¡:ltJ.
Cette diflinéHon " Guuique bien fondée,
a
produit un
roauvais etfct , en :wiliff.111t des gens trcs-efl imables
&
eres-utiles,
&
en fort ifiant en nous jc ne fai quelle pa–
..eae Il3lurelJe, qui ne nous portoit déjii que trop
a
croi–
ce
que donner une .pplication co nllante
&
fuivie
ii
des
c xpériences
&
a
des obJets particuliers , fenribles
&
ma–
cériels, c'étoit d¿roger
i
la dign.ité de I'efprit humain;
&
que de pratiquer ou mCllle d'érudier les
art! mécha–
PI;r¡lIer,
c'étoit s'abailfcr
a
des chofes dom la rccherche
efi
laboriellfe , la méditation ignoble, I'expolition diffi ·
cile , le commcrce deshonorant, le nombre inépuif.ble,
& 13
valcur minutielle;
Minai maje(latcm mentÍ! hu–
m aUrf
,
ji
in
txptrim~ntiI
&
rebllJ particlllaribuJ
1
&c.
Bac.
" {JV.
org.
PréJugé qlli tendoit a remplir les viHes
d'orguilleux raifonneurs
&
de contemplateurs inutiles ,
&
les campagnes de petits tyrans ignorans, oifif1
&
dédai–
gneux. Ce n'ell pas .inri qu'ont penfé Bacon, un des
premiers lJénies de l'Angleterre; Colbert, un des plus
grands mllliflres de la France ; entin les bons efprits
&
les hommes fages de: tous Ics tcms . Bacon regardoit
l'hifloire des
arU méchani'flle!
comme la branehe la
plus importante de la vraie Philo fophie;
i1
n'avoit done
g~rde
d'en méprifer
la
pratique. Colbert regardoit I'in–
duflrie des peuples
&
I'établilfemen! des manufaaures,
comme la richelfe la plus rare d'un royaume. Au ju–
gement de ceux qui om 3ujourd'hui des idées faines de
la
valeur des choles, celui qui peupl3 la Frallce de Gra–
venrs, de Peintres, de Sculpteurs
&
d' Artifles en tout
genre; qui Curprit au! Anglois la machine
a
f.,ire des
has,
le velours au. Génois , les g laces au! V énitiens ,
ne
tit
guere moins pour I'état que cenx qui banirem
fes enoemis
&
leur enleverent leurs places fortes;
&
<IUX
veux do philofophe il y a pel1l-etl'e plu de méri–
re réel
a
avoir fait naltre les le BI'UIlS, les le Sueurs
«
les
A~drans;
peindre
&
graver les batailles d'AIe–
x andre,
&
exécuter en t2piUerie les viaoires de
1I0S
génémux, qu'il n'y en a
a
les avoir rempon ées. Mel–
te'/. dans un des e6tés de la balance les .vamages réels
des fciences les plus fublimes
&
des
art!
les plus ho–
norés,
&
dans I'autre d,té ceux des
a,'e! m¿chanir¡ua,
&
vous trouvere'/. que I'efiime qu'on
3
f.,ite des uns
&
eelle qu'on
a
faite des autres, n'on! pas été dillribuées
dans le Jufle rappon de ces avantages,
&
qu'on a bien
plus loüé les hommes occupés
a
faire croirc que nous
étions heureux, que les hommes occupés
¡¡
f.,ire que nous
le fumon s en etfet . Quelle bifarrerie dans nos jugemells
!
nous exigeons qu'on s'oeeupe utilement,
&
oous mé–
p'riCons les hommes miles .
But da Ares en g/nlral .
L'homme n'ell que le mi–
niflre ou I'imerprete de la nature; il n'entend
&
ne f.,it
qu'autant qu'il a de connoilfance ou expérirnentale ou
réRéchie des etres qui I'environnem. Sa main nue,
quelque robulle, infatigable
&
Couple qu'elle foit, ne
peut fuffire qu'ii un petit nombre d'etfets; elle n'aehe–
ve de grandes chafes qu'a I'aide des inflrumens
&
des
regles:
iI
en faut dire autam de I'entcndement. L es ill–
ílrumens
&
les regles Com comme des muCcles fura–
joutés au x bras,
&:
des relforts accelfoires
a
ceux de
I'efprit. L e bur de tout
tire
en général, ou de tout fy –
fieme d'inllrumens
&
de reg les confpiran! :\ une me–
m e 6n , ell d'imprimer certailles formes déterminées Cur
une bafe dounée par la nature;
&
.enc bafe el1 ou la
matiere, ou I'efprit, ou quelque fouaion de I'ame ou
quelque produaion de la llature . Dans les
art! ml:ha–
";que!,
auxquels je m'anacherai d'autan! plus ici, que
les
auteurs.en, om moins parlé ,
le p01lvoir de
l'
hom–
me fe rld:ut a rapprochtr
O"
,¡
tlo;gner. le! corp! na–
IHr~/J.
L hommc
p ellt tOltt DIt
ne peut
r/~n,
Jc/on filie
ce
rapproehemmt
0"
Cee Ilo;g>Jement
-ji
.u
n'.jI pm
p oJlible.
( Voye'/.
nov. org,)
Projet
,d''''~
traiel
,g~n(ral
,de! Are! mlchanir¡I"!.
~ouve~t
I on Ignore
1
o~lgll1e
d un
art méchanir¡"e,
ou
I
0!1,
n a que, des cOl1nollfances vagnes fuI' fes progres:
valla les fultes Ilaturdles du mépris qu'on a eu dans
tons les tems
&
che'/. toutes les natioDS favames
&
bel–
Jiqueufes, pour ceux qui s'y fom Iivr6. Dans ces oc–
ca(jons il faut recomir
a
des fuppofilions philofophiques
partir de
quelq~'hypothefe.
vrailfemb!able , de
quelqu'é~
vénement premler
&
fortUlt,
&
s'avancer de-la jufqu'otl
l:art
a été
~oulfé .
] e m.'explique par un exemple que
J
emprunteral plus volol1t1ers des
art! m¿ehanique!
qui
fom moins COntlUS, que des
art! liblraux,
qu'~n
a
.pté[entés fous mille formes ditférenres . Si I'on igno-
ART
roi! I'ori¡¡ine
&:
les progres de la
Vtrrtr;(
ou de la
p ,,–
pe/eri"
que feroit un philofophc qui fe propOrer"il d'é–
crire I'hifloire de ces
arlJ?
11
fuppoCeroit qu'un mor–
cean de linge ell tomoé par halard dans un "aiaeau
plein d'cau, qu'il y a féjoumé alfe', long·tems pOllr s'y
diflaudre;
&
qU'3u lieu de trouver au fond du vail–
fcau, quand
iI
a été vuidé , un morceau de Iinge,
011
n'a plus
apper~íl
qu'une e[pece de fédimem , dom on
auroit eu blcn de la peine
¡¡
reconnoltr. la nalure Cans
quclques tilamcns qui relloiem,
&
qui indiquoienr que
la mutiere premiere de ce fédiment avoit été aupara–
vam fous la forme de Iinge. Quan!
i
la
V"rer;e
il
filppoferoit que: les
premie~es habit~tions
folides que' les
hommes fe [olenr conllrultes , étolent de terre cuite ou
de brique:
01'
il efl impoffi ble de faire cuire de la bri–
que
a
grand feu, qu'il
n~
s'en vitritie quelque panie
c'ell fans cene forme que le verre s'efl préCelllé la
pre~
miere fois. Mais quelle dillanee immenCe de ceUe
é–
caiJle fa le
&
verdatrc , jnfqu'. la matiere tranfpareme
&
pure des glaces?
&c.
Voil:l cependant I'expérience
fortuile, ou quelqu'alltre Cemblable , de laquelle le phi–
lofophe partira pour arriver jufqu'otl
l'Art
de la Ver–
rerie ell maintenant parvenu .
A vantage! de ceete m¿thode.
En s'y prenant ainri,
les progres d'un
Art
[eroient expof¿s d'une maniere plus
inflruaive
&
plus elaire, que por fon hifloire véritable ,
quand on la lauroit. Les obllacles qu'on aurojt eu
iI.
furmonler pour le perfeaionuer fe préfenteroient dans
un ordre entierement na!urel ,
&
I'explication fynthéti–
que des démarches fuccemvcs de
l'Are
en faeiliteroit
I'imell igence aux efprits les plus ordinaires,
&
memoit
les Artilles Cur la voie qu'ils auroient
a
fuivre pour
approcher davantage de la perfeaion ,
O"dre qtt'il ¡alldro;t f"ivre dan!
1m
pareil traiel.
QlInnt
:i
I'ordre qu'i1 Caudroit fuivre daos un pareil
traité, je crois que le plus avantageux feroit de rappe!–
ler les
Are!
aux produélions de la nature . Une éllu–
mération exaae de ces produaioos donneroit naiffill1ce
:\ bien des
ArU
inconnus . Un grand nombre d'nutres
naltroicnt d'un examen cireonflancié des dilte remes fa–
ces fous Icfquelles la meme produaion peut etre con–
lidéréc. La premiere de ces eonditions demande une
connoilfanee tres-érelldue de I'hifloire de la naTUre ;
&
la feconde, une tres-grande dialeaique. Un traité des
Art! ,
tel que je le
con~ois
, u'efi donc pas I'ouvrnge
d'un homme ordinaire. Qu'on n'aille pas s'imaginer
que ce COnt ici des idécs vaines que je propoCe,
&
que
j e promets aux hommes des déeouvcrtes chimériquc5.
Apres avoir remarqué avee un philoCophe que jc ne me
lalfe pojnt de loüer, par ce que je ne me fuis jamais
lafié de le lire , que I'hifloire de la nalure ell incom–
plete fans cclle des
Aru :
&
apres 3voir invité les na–
turalifles
ii
couronner leur travail fuI' les regnes des
végétaux, des minéraux, des aoimaux,
&
e.
par les
expériences des
Art! mlchani,!lIe!,
dom la eonnoilfan–
ce importe beaucoup plus ;\ la vraie philofophie; j'ofe–
rai ajoüter
i
fon exemele:
Ergo rem r¡'{flm ago,
110>1
opinioncm
1
fed
01"1
effe ;
cnmt¡lIe
non [cllte
IlliUÚflJ ,
a/tt placiti, red lte;litaeÍ! e¡¡e
&
amplieudin;! ;mmen–
¡'"
fundamenta.
C e n'ell point ici un fyfleme: ce ne
[om poim les fantai(jes d'un homme ; ce fOn! les déci–
rions de I'expérience
&
de la raiCon ,
&
les fondemens
d'un éditiee immenfe;
&
quiconque penfera
diff~rem
ment, cherchera:l rétrécir la fphere de nos connoilTan–
ces,
&
a,
décollrager les elprits.
N
ous devons au ha–
fard un grand nombre de connoilfances; il nous en
3.
préCenté de fort importantes que nOlls ne cherehions
pas: ell-il
a
préfllmer que nous ne trouverons rien,
<¡uano nous aJou lerons nos etforts
ii
fon caprice ,
&
que
nous memons de I'ordre
&
de la méthode da liS nos
recherches? Si nous poífédons • préfem des Cecrets qu'on
n'efpéroit poim auparavant;
&
5'il nous ell permis de
tirer des conjeames du palfé , pourquoi I'avenir ne nuus
réferveroit-il pa des richelfes fur lefquelles nous lIe
comprons guere aujourd'hui? Si I'on eut dit, il
Y
3.
quelques (jecles,
¡¡
ces gens qlli mefurent la poffibililé
des chafes fllT la portée de leur génie,
&.
qui n'ima–
ginent rien au-dela de ce qu'ils connoilfen!, qu'il elt
une pouffierc qlli brife les roehers, qui renverfe les mu–
raiÍles les plus épailfes a des diflanees étonnantes, qui
renfermée au poids de quelques livres dans les entrail–
les profondes de la terre, les feeoüe, fe fait jour
a
Ira–
vers les malTes énormes <¡ui la couvrent,
&
peut ou–
vrir un gouftre dans lequel une ville emiere difparoi–
troit ; ils n'auroient pas manqué de comparer ces etlers
a
I'aaion des roues, des puulies, des' leviers , des con–
trcpoids ,
&
des autres machines connues ,
&
de pro-
noo-