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AME
]'homme foit nourri? que
I'"me
du chevnl endure mil–
le pein,es
&
mille f3$igues durant
fi
long-tems, pour four–
Tlir
a
J'homme
I'a"anta~e
de yoyager conunoatment ?
paos ceue lPul,tirude d
pmes
qui s'ant3miffent tous les
jours p.our \.es befoins palfagers des corps ",ivans, pem–
pn
reco/lOOJtre cene équitable
&
fage fubordinanon qu'
un
Djeu pon
Cl.
ju~
doi. nécelfairement obferver? Je
rt'ponds
:1
cela que l'argumcOt feroit viéloritux, fi le$
f' mo do
br1deJ
fe rapportoient aux corps
&
fe termi–
noient
a
ce rapport; car cerrainement
10ut
étre fpirime!
efl au-dellus de
I~ m~tiere.
Mais, rel11arque1--le bien,
~~
o'efl poi
n!
311
corps, cOmme
~orps,
que fe termi–
ne I'ufage que II! Créatj:ur .ire de cClte
alIJe
fpirimelle,
c'efl au bonheur des
~tres
intelligens. Si II! cheval me
porte,
IX
fi
1"
poulet IJIe nourrir, ce font bien-B des
cffets qui fe rapponem
dirca~mcn¡
a
mon corps : mais
ils fe termine
O!
a
mon ame, parce que mon ame feule
en recucille l'ntilité . Le corp. n'dj. que pour
I'¡tme
,
les
8Vantages du corps fom des avantages proprcs
a
I'ame;
tomes les
douc~urs
dj:
la
vil' animale ne ront que pour
elle, n'y ayam qu'Clle qui puiffe remir)
&
par confé"
quem étre fufceptible de félicité. L a queflion reviendr.
donc "
f~voir
fi
I'"me
du cheval, du chien, du poulet,
ne peut pas
~tre
d'un ordre affe1- iuf¿riour
a
I'ame hu–
maine, pour que le Créateur er!lploye celle-I a
a
!,ro–
curer méme la plus petite partie du bonheur de celle–
ci, faus violer les regles <le I'ordre
&
des proporrions .
On peut dire
I~
meme chofe de la mouche
a
l' ¿gard
de I'hirnn(ielle , qui etl d'une namre plus excellente. I'our
]'anéamiflemem, ce n'efl poiur
un
mal P.9ur une créatl¡re
qui ne réHéchit point
(lu
fon exiflence, gui cfl incapa–
ble d' en prévoir la fin,
&
d~
comparer, pour qinfi
dire,
I'~trc
avec le
non'~tre,
quoique pour elle I'exillen–
¡;e loit un bien, parce qu'elle fem. La
mOr!,
:l
I'~g~rd
d'une ame fenfitive, n'efl que la fouflraélion d'uu bien
!jui n'étoit pas
da;
ce n'efl point \1n l!lal qui empoi–
fonne les dons du Créateur ,
&
qui rende la créamre
malheurcufe . Ainli , quoique ces
am~J
&
ce~
vies in–
nombrables que Dieu tire chaque jour du néam) foient
des preuves
de
I~
bonté divine, leur deflru8ion
journ~liere ne blelli: poim cet attribut: elles fe rapportent au
monde dom elles font partie;'
ell~s
doivent fervir ;\ I'uti–
l ité des Erres qui le compoCent;
i1
Cuffit que cette mi"
lité t}'elclue point la leur propre,
4
q\l'elJes foient heu–
reufes
en
quelque mefure, en comribu¡mt au bonheur
d'autrui. Vous trouvete1- ce 'fyfleme plus
~éveloppé
&
plus étendu dans le traité de I'dlili philoCophique fur
I'a–
mi ao lJétes
de
M .
Bouillet)
d'ou
ces reftqions om
été tirées.
L'
amltfem<nt
phila(ophiqllc
du P. Bougeant
J
¡!fuite ,
fur le langage des
b~tes,
a eu trop de cours dal\s le
m onde pour ne p!S mériter de trouver ici fa place. S'jJ
o'ell vrai, du moins il efl ingénicux. Les betes om-elles
pne
ame
OU n'en out-elles point? queflion épineufe
&
.<unbarralfante, fur-tom pour un philolophe chrétien. D e–
~rc3nes
fur ce principe , qu'on peut expliquer tOures les
aétions des betes par les lois de la m<:,chatlique,
a
pl'é–
tendu qu'elles n'étoiem que de limpIes machines, de purs
automates .
6tre raifon femble fe révol ter COlltre un tel
femiment: il y
a
meme quelque chofe en nous qui fe ipint
.. elle pour bannir
de!'
la fociété I'opinion des Defcanes.
Ce o'efl pas un limple préJugé, c'efl une perfuafion in–
time, un femimem dom voici I'origine.
II
n'efl pas pof–
fible que les hommes avec qui je vis foiem autant d'au–
tomates on de perroquets inllruits
~
moo inCu. J'apper–
yois dans leur exténenr' des tOllS
&
des mouvemens qui
paroilrent indiquer une
a",e
:
je vois régner un certain ti l
d'idées qui fuppole la raifon: je vois de la liaifoll dans
les raifonnemens qu'i1s me fom, plu ou moins d'cfprit
dans les onvrage
9u'il~
compofem. Sur ces apparenccs
aiuli raffemblées , Je prononce hatdimem qu'ils penlent
en eltet . Peut-) re que Dieu pourroit produire un autO–
mate en tom femblable au corps humain lequel par les
feules lois du méchaniline patleroir, feroit des difcours
fuivis, écriroir des livres tres-bicn raifonnés. Mais ce
q~i m~
rafsure
c~)Iltre
tome erreur, c'efl la véradré de
D17u. II
~e
fll!lit de rr?uver. dans mon
ame
le príncipe
un!que
q~ll
réuOlt
&
qUI explique tous ces phénomenes
qUl me trappem dans mes fem blables , pour me croire
bien fondé
3
foutenir qu'ils fom hommes cornme moi.
Or les betes fom par rappon
11
moi dans le
m~me
cas .
Je vois un
chi~n
aceourir quand J.c I'appelle , me caref–
fer qU3nd Je le flate, trembler
&
fUlr qunnd je le menaee
m'obéir quand jc lui eommande,
&
donner tomes le;
marques eItéricures de divers femimens de joie, de rri–
IIcffe, de douleur, de crainre) de delir, des paffions de
l'arnour
&
de la haine ; je conelus 3uffi-tOt qu'un ehien
AME
2
d20S
luj-m~me
un principe de connoilJ:lIIce
&
de fen–
timenr , quel qu'i1 foir. 11 me fuffit que
I'ame
que Je lui
fuppofe foit I'unique raifon fuffifante qui fe Iie avec tOU–
res ces apparences
&
tous ces phénomenes qui me frap–
pent les
y~ux
, pour que je fois perfuadé que c n'efl
pas une machine . D 'ailleurs UDe telle machine cntr.. lne–
roit avec elle unc tror grande compolition de rello rt<,
pour que cela puilfe s amer avec la ragelre de D iell qui
agit tolljours par les voies les plus fimples .
11 Y
a tOure
apparenée que Defcartes, ce génie fi fupérieur, n'a adopté
un
fyfli:me fi peu conforme :\ nos idées, que comme
un jeu d'efprit ,
&
dans la I'e\lle vde de contredire les
Péripnténciens , dom en elfet le 'fennmcm fur
la
con–
noilrance des
b~tes
n'cfl pas foutenable.
11
"audroit en–
core miclIx s'en tenir aux machines de Defeane ,
Ii
l'on n'avoit
iI
leur oppofer que la forme fubtlnnrieHe des
Péripatériciens , qui t¡'efl ni efprit ni maticre . ene fub–
flan ce miroyenne efl une chimerc, un ctre de raifon dont
nous n'avons ni idée ni fcmiment. EfI-ce donc que les
b~tes
auroient une
ame
fpirituelle comme I'homme? Mais
fi ccla efl ainli, leur
"m.
fera donc immoneHe
&
libre;
elles Cerom capables de méritcr ou de démériter, dignes
de rt;com?enCe ou de chatimem ;
iI
leur faudra un pa–
radis ou un enfer . Les betes ferom donc ulle efpece
d'h?mmes, ou les hommes une
efp~ce
de b2tes; tomes
cQuséqucnces infolltenables dans les principes de
la
reli–
gion.
Vdil"
des difficultés " étonner les elprits les plus
hardis) mais don¡ on trouve le Mnoüemem dans le fy–
f1err¡e de nOtre Jt'fuite . En elfet , pourvú que I'on fe
prt'!tc
:l
cctte fuppolition, que D ieu a logé des démons
'dans les corps des betes, on con<;oir Cans peine com–
mem les
b~tes
pellVeUt penfcr, conno'tre, femir,
&
avoir
une
ame
fpirimelle) fans illtéreffer les dogmcs de la re–
ligion . Cette fuppofition n'a rien d'abfurde; elle eoule
m~me
des princlpes de la religion. Car enfin , puifqu'il
efl prouvé par pluueurs paffages de l'Eeriture, que les
d6ínons ne fultrent poim encare les peines de ¡'enfer,
&
qu'ils D'y ferom livrés qu'au jour du jugemenr der–
nier, quel meilleur ufage la juflice diviDe pouvoit-elle
faire de tam de légions d'efprits reprouvés, que d'en
faire Cervir une panie
a
animer des millions de be¡es de
toute
efpece~
lerquelles rempliffent l'Univers,
&
font
admirer la
la~elfe
&
la toute-puilrance du Créateur?
M ais pourquol les bctes, dom
I'"me
vrailfemblablement
~f1
plus parfaite oue la nÓtre, n'ont-elles pas tam d'c–
fprit que nous ? Oh, dit le P. Bougeanr, c'efl que dans
les
b~tes
I
comme dans nous, les opérations de I'efprir
fom alrVJctries aux organes matériels de la machine ,
i
¡aquelle il cfl uni;
&
ces organes étant dans les
b~tes
plus groffiers
&
mojns parfaits
qu~
dans nous, il s'enfuit
que la connoiffance, les pensées,
&
tOmes les opérations
fpirin¡ellcs des beres, doivem etre a\llfi moins l'arfuites
que les nÓtres.
U
De dégradation fi honteufe pour ces
efprits fuperbes ', puifqu'elle les réduit
a
n'~tre
que des
bétes, el! pour eux un premier effet de la vengeance di–
vine, qui \l'attend q\le le demier jour pour fe déployer
fur eux d'une maniere bien plus terrible.
Une autre miron qlli erouve que les beres ne follt que
des démons métamorphost's en elles, ce fom les mallX
exceffi.fsauxquels la plupan d'entr'elles fom expost'es ,
&
qu'elles fouffrem réellemen!. Que les chevaux font
i
plaiudre, difons-nous,
a
la vae d'uD cheval qu'un impi–
tOY2ble charreuier accable de coups? qu'un chien qll'on
clreffe
a
la chalfe efl miférable! \jue le Con des bctes qui
vivent dans les bois efl trille! Or
Ii
les
b~tes
ne fonr
pas des démons, qu'on m'explique quel crime elles
on~
commis pour nairre fujenes
ii
des maux fi crnels? Cee
oxces de maux efl dans tout 3mre fyflcme un myflcre
incompréhenfible; au Iieu que dans le femimem du pere
Bougeam . rien de plus aisé " comprendre. Les efprits
rébelle, méritent un Chltimem encore plus rigoureux:
trop heureux que leur fupplice foit différé; en un mot,
la bomé de D ieu efl juflifiée; I'homme
Iui-m~me
el!:
juflifié . Car quel droil auroie-il de donner la mort f.1ns
néceffité,
&
fouvel)[ par pur divertilremenr) "des mil–
lions de bctes, li D ieu ne I'avoit autOrisé?
&
un Dieu
bon
&:
jufle auroit-i! pd donner ce droit
:i
I'homme,
puifqu'aprcs toue) les bl!tcs Com aum fen fibles que no05-
memes,
:l
la douleur
&
a
la mort,
fi
ce n't'roiem au–
tam de coupables vi8imes de la vengeance divine?
Mais écoute1-, cO\1tinue nÓtre phiJofophe, quelque
choCe de plus fore
&
de plus imérelfane. Les betes Com
naturellement vicieufes : les bétes camacieres
&
les oi–
feaux de proie fom crucis; beaucoup d'infeétes de la
meme efpece fe dévorent les uns les autres; les chalS
fom pertides
&
ingrats; les finges fom rnalfaifans, les
chicos Cone envieux; tOutes Can! jaloufes
&
vindicatives
a
I'ex-