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AME
la prouver. Les
~rgumens
qui lui font pUlieuliers
&.
pour lefquels il efi li fameu:, ne fom que des argu–
JTleDS métaphyliques tiré de la nature
&
des quahtés
de
I'ame,
&
qui par conféquem De prouvent que
la
permanence,
&
certainement il la croyoit; mnis i! y
11
de la différence entre la permanence de I'"me pure
&
íimplc,
&
la permanence de
I'ame
accompagnée de chi–
timem
&
de récompenfes. Les preuves morales fom les
fcules qui puinen! prouver un état fUlnr
&
proprement
nommé
d.
pe;,,,"
&
de
r/compe11Ja.
Or Platon, loin
d'infiCler fur ce genre
de
preuves, n'en allegue point
¿'autres, comme on peut le voir dans le dou1.ieme
ti–
"Vre de fes lois, que I'autorité de la trndition
&
de la
religion . 'le
ti"'J tOllt
cela
potlr "raí,
dit: j1,
taree
'lile j e I'ai oüi dire.
Par-Il
i1
fait alIh voir qu il en
abando[lne la vérité,
&
qu'i! n'en reclame que I'inuti–
lité.
1.' .
L'opinion de Platon fur la métempfycofe a
¿oopé lieu de le reg2rdcr comme le pills grand Mfcn–
feur des pcines
&
des récompenfes de I'autre vie. A 1'0-
pinion...de Pythagore quí croyoit la
tr:lDfmi~ration
des a–
mes purement nalnrelle
&
néceíTairc, il aJol1ta que cet–
te tranfmigratiori étoit deClinée
3
puri6er Ics ames qui
De pouvoient point,
a
9uf~
des fouillures qu'elles a–
"Voiem cpntmélées ici-bas, remonter au lieu d'ou
e\l~s
é¡oient defcendues , ni fe rejoindre
a
Ilj
fubClan~c
uni–
"Verfelle dont elles avoient été féparéel;
&
que par con·
féquem les ames pures
&
fan~
tache ne fubilfoicm point
lq q¡étempfycofe. Cette idée étoit auffi
(jn~liere
a
PI~ton, que la méte¡npfycofe phylique l'étOlt
ii
Pythago–
re. Elle femble renfermer quelque forte de
difpenr.~tion
morale que n'avoit point
ceH~
de fon maltrc;
&
elle
en dilféroit méme en ce qu'clle n'y alfujetti{foit
pas
lOut
le rnonde
fan~
diClinélior¡, tJi pour un tCmS ég:¡l . Majs
four faire voir néanmoins combien ces de\1x philofophes
s'accordoient pOjlr rejetter
I'fdé~
des
peipe~
&
des ré–
eompenfcs d'uue autre vie,
!1
fuffir~
de fe rappcllcr ce
que oo¡Js avon$ dit
3\)
COf!1mencement de cet aniclc,
de leur fclltimem fur I'orlgine de
I'ame.
D es gens gui
é¡oient perfuadés que
l'(lme
n'é¡oit i1llfljor¡elle que par–
ee qu'ils la croyoient une POftiop
d~
la divinité elle–
m~me,
un étre éterpel¡ tncrs!e auffi-bien qu'incorrupti–
ble; des gens qui filppofqienr que
I'ame,
apres un cer–
rain nombre de révolutions, fe réunilfoit
a
la fubClan–
ce uqiverfclle on elle étoir abCorbée, confoodue
&
pri–
vée dI! fqn exifience propre
&
perronnelle; ces gens-la,
djs-je ¡ ne croyoient pa r.1ns ·doure l'
ame
immortelle dans
le fens que nous le croyons: aurant valoit-il pour les
ames
~tle
abfolument détruites,
&
anéanties, que d'e–
.tre ainli engloutiel dans
I'ame
univerfellc
1
~ d'~tre
pri–
"Vées de rout fénrimem pro¡¡re
&
p~rlonn~l.
Or nous
-\Svons prouvé
~u
commence¡:pen¡
de
cet articlc,
qu~
la
réfulion de toutes les
am el
dans
I'ame
univerfelle, étoit
le
pogme cOIlClant des quatre priocipal¡:s icéles de
p~i
lofophes qui tloriíloiem dans la Grece. TOllS ces phi–
fofophes nl! croyoient done pq6
I'ame
immoneHe all fens
que nous I'entendon$.
Mais pour dire id quelque chofe
d~
plus l:'récis , lorf–
que Platon infifte en plu(icurs endrolts de fes ouvrages
fur le dogme des peil:c.
&
?es
réc~mpcn tcs d'~ne
autre
v ie comrncnt le fa lt-II? c eCl tollJours en fU I'·ant les
idé¿s groffieres du peuple ; que les
ameJ
des méchans paf–
fem dans le corps des anes
&
des pourceaux; que ceux
'lui n'out poim été ioitiés re(lem dans la
fan~e
&
dans
la
boue; qu'¡¡ y a trois juges dans les enfers
:.11
pa~lc
du
Stix du Cocyte
&
de l'Achéron,
&c.
&
II
Y
IIlfiCle
avec'tam de force, que I'on peue
&
que I'on doit me–
me croire qu'il a voulu perfuader les leéleurs auxquels
jI avoit
deClill~
les ouvrages ou
il
en parle cornme le Phé–
don, le Gorgias, fa République,
&c.
Mais qui
peu~
s'imaginer qu'il ait été 11lI-meme perfuadé de toutes ces
idées chim':riques ? Si Platon, le plus fubtil de tous les
philoCophes ,eut crll aux peines
&
aux récompenCes d'une
:lt1tre vie il I'dt au f11oios lailfé entrevoir comme il
I'a
{ait a l'¿gard de I'étcrnité de
I'a",e,
dont il étoit inrime–
IDent per[uadé ; c'ell ce qu'on voit dans fon
Epi7l~miJ,
lorfqu'¡¡ parle de la condition de I'homme de bien apres
fa mort. " ]'alfl1re, dit-il, trcs-fermement, en badiunm
comme férieufement , que lorfque la mon tcrm inera
" fa carriere il
f~ra
:1
[.1 di/Tolurion dépouillé des fens
" dont il av'oit I'ufage
.i~i-ba~ ;
c,e n'efl .qu'alors qu'!1
" articipera
a
une condmon hmple
&
ulllque ;
&
fa dl–
"
~erlité
étam réfolue dans I'unité, il fer? heureuI , fa–
"
&
fiorruné .
Ce
n'cCl pas fans de{fem que Platon
"
g~,
"
C
·1
.
l'
eft obf¡:ur dans ce
pa1fa~e.
omme
1
c!oyolt que
am:
fe réunitfoit 6nalement a la fub.llance u.llIverfelle
&
,um–
. ue de la nature dom elle :lVOlt été
~cparée,
& .
qu ell.c
¿'y
confondQit , fans conferver
une
CIIClcDCC dJll méle,
11
AME
ell alfeoz. fen(ible que Platon infioue id fecrefernent ,\ue
lorfqu'il badinoit,
i1
enfeignoit alors que I'homme de bIen
avoit dans I'autre vie une exifience diClinéle , particnlicrc,
&
per[onnellemem heureufe, conformément
ñ
I'opinion
populaire fur la vie future; mais que lorfqu' il p:lrloit
Cé–
rieufement,
il
ne croyoit
pas
que celte exifience mt par–
ticuliere
&
diClinéle:
il
croyoir
:10
contraire que c'étoit
une vie commulle, faos aucune fenC-uioo perfonllelle,
une réColution de
l'
ame
dans
la
fubClancc univerfelle .
J'aj oúterai feulement id, pour confirmer ce que je ,·iens
de dire, que Platon dans Con
7im"
s'explique plus ou–
vertement,
&
qu'il y avoue que les tourmens des enfers
font des opinions fabuleufes.
En ef!e!, les anciens les plus éclairés On! rcgardé ce
que ce philofophe dit des peine
&
des récompenfes
d'une aurre vie, comme chofes d'un genre
exot~rique,
c'efl-3- dire comme des opinions deClinécs pour le pellp\e,
&
dOn! il ne CJoyoít rien lui-meme. Lorft¡ue Chrylippe,
fameux no"icicn,
bl~me
Platon de s'erre fervi mal-a-pra–
po des terreurs d'une vie fu ture pour détourncr les hom–
mes de l'injuClice,
il
fuppore lui-mcme qtle Platon n'y
ajol1toit aucune foi; il ne le rcprend pas d'avoir cra ces
opinions, mais de
s'~tre
imaginé que ces terreurs puéri–
les pouyoient etre utiles au progres de la Ycrru. Strabon
mit voir qu'il eCl du mcme fentimenr, lorfqu'en parlant
des brachmancs des Indes, il dir qu'ils ont
It
la maniere
de PIaron inventé des fables concernant I'immortalité de
I'ame
&
le jugement fmur . Celfe avoue que ce que Pla–
ton dit d'un étae furur
&
des demeures fortunéc:s delli–
nées
:l
la veno, n'eCl qu'une allégorie.
11
rédui¡ le femi–
ment de ce philoCophe fur la nature des peines
&
des
réeompenfes d'une autre vie,
¡¡
I'idée de la m¿tempCy–
cofe qui fervoit
ii
la purification des
am
el;
&
la
m~[em
pfycofe
elle-m~me
fe réduifoit finalemell!
a
la r¿union
de
I'ame
~vec
la nature divinc, lorfque
l'am,
, pour me
fervir de fes
~xpreffions ,
éroi! dcvcnqe arre·¿ forte pour
pénétrer dans les haures régions.
Les Péripatéticiens
&
les Sto"iciens ayanr
renonc~
au
caraélere de législateurs, p1rIoient plus ouvertemcnt con–
tre les peines
&
les récompenfes d'une autre vic . Auffi
voyons-nous qu'
A
rinote s'explique fani détour
&
dc la
maniere la plus dogmatique, contre les peioes
&
les ré–
compenfes d'une autre vie:"
La
more, dit-il , ea de
" toures les chofes la plus terrible, c'eCl la fin de notre
" exiftence;
&
apres elle, ghomme n'a ni bien
a
efpérer,
" ni mal
a
craindre".
EpitRete, vrai fto"icien s'il
y
en
e~t
jatmis, dit en par–
lant de
la
more : " Vous n'alle7. point dans un !ieu de
" pcines: vous retournez
a
la fource dont vous
et~s
for–
" tis, a une douce réunion avec vos élémclls primitifg;
" il n'y a ni enfer, ni Achéron, ni Cocyte, ni Ph légé–
" ton" . Séneque dans fa confolation :\ M arcia, fi-Ile
du fameux ftoi"den Crémutius Cordus , reconuoit
&
a–
voue les memés principes avec aum peu de tOur qu'Epi–
élete: " Songez que les morts ne re{felltcllt aucun mal;
la
terreur des enfers eCl une fable; les morts n'om
a
" craindre ni ténebres, ni prifon, ni tor.rCnt de feu
I
llL
" fleuve d'oubli;
iI
n'y
a
~pr1:s
la mort ni tribunaux, ni
" coupables; il regne une liberté vague
f.~ns
ryrans. Les
poctes donnanr carricre :\ leur imagination, Qm
VQU
In
" nous épouvanter par de vaines frayeurs : mals la morr
l'
eft la fln de tOute doulcur, le terme de tous lés
" maux; elle nous remet dans la meme
tranquillit~
od
" nous étions avanr que de naitre".
Cicéron daos fes épitres familiercs ou il fair conno?–
tre les véritables Centimens de fon creur, dans
f~s
Offi–
ces meme, fe déelare exprelfément contre ce dogme:
" La confolation, dit-il, dans une lettre
a
l'orquams ,
" qui m'eft commune avec vous, c'ea qu'en quittRllt In
" vie, je quitterai une république dOIl! je ne regretterai
" point d'etre cnlevé; d'autant plus que la mOr! exclut
" tout fentiment ". Et il dit
i
ron ami T ércmiantls: "
" Lorfque les confeils
ne
fervent plus de rien, on doit
" néanmoins, quelque chofe qu'il puine arriver, les fup–
" porter avee modération , puifque In mort eCl la
!in
" de toures chofes " .
11
en cerrain que Cicéron déclare
id fes véritables fenrimens. Ce fom dcs lelrres qu'í
é–
crivoit
a
fes amis pour les confoler, 10rfqu'iI avoit be–
foin
lui-m~me
de confol:\tion,
iI
caufe de la trille
&
mauvaife lituarion des af!aires publiques: circonClance
ou
les hommes- font peu fufcepribles de déguiCemens
&
d'artifices,
&
on ils fOil! portés
a
décl:uer leurs fentimens
les plus fecrets . Les palfagcs que 1'011 eXlmit de Cicé–
ron pour prouver qu'¡¡ croyoit \'immortalíté" de l'
am~
II~
détruifent point
c~.
qu'on
v~ent d'a~:¡n<;er !
car
I'opi~
ilion des Par.ens fur l Immol1tahté de
lame ,
bien-Ioin
de
prouver qu'll
y
eat apres cetle ...ie un étal de peines
&.
de