DU CttEV. GRANDISSON•
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fur nous. Nous ne
touch~mes
aux aliments
que du bout des levres. Comme nous étions
proches l'une de l'aut:re, nos yeux s'exer–
coient plus que nos dents. L'amour étoit
~omme
arreré dans le goíier de ma pauvre
fceru-. Elle s'efforcoit d'avaler, avec la peine
qu'on a dans w1e e[quinancie. On voyoit,
a "
fos contoríions, la difficulté que le paífage
avoit a s'ouvrir. Et ce qui augmentoit Con
embarras, comme je
puis
l'aífurer du mien,
c'éroient deux yeux , les plus percrants qu'on
ait"jamais vus dans la rece d'un homme
>
fwr-tout dans celle d'w1 pere,
qui
[e
fixoient
fur nous tour-a-tour,
&
qui, par ir1tervalles,
étoient ombrngés par des fourcils, dont le
mouvement nous fitifoit rrembler. Les deux
pauvres créatures n 'avoient la ni mere, ni
cante, pour fourenir leur coucage. Cepef1-
danr elles appréhendoient encore plus la
fin
du dlner, lei dépatt des domefiiques. Elles en
~roient
aimées. Ceux qui Cervoient
a
table
avoient la yue bai!Iée
&
le vifage alopgé.
Jls pa.rurent
fort
aifes, lorfqu'ils eureñt
la
liberté de [e retirer.
·
Alors Caroline
[e
leva de
fa
chaife ,
lit
une révérence d'aífez mauvaife grace , de
l'air cl'une petite filie qui
e!l:
encore a l'école,
les bras croifés devant elle, & fe mit en che–
min vers la porte. Mon pere lui laiífa faire
les honneurs:
&
je me levai aufti pour la fui–
vre. Mais, lorfqu'elle
fut
prete
a
forcir,
il
la
rappella.
J'
ofe dire qu'il ne l'avoit laiffé aller
ii
loin, que pour
fe
faire un plaifü de
~n
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