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si suaves, si touchantes, que beaucoup d'Espagnols verserent des !armes
de joie en voyant la grace, l'habileté, les excellentes dispositions de ces
pauvres petits Indiens, et furent amenés
á
changer du tout au tout
d'opinion a l'égard des Indiens qu'ils avaient tenus jusque-Ia. pour fai–
néants, grossiers et stupides. "
Prescott
(~),
dont l'impartialité et la compétence sont notoires et géné–
ralement reconnues, dit ce qui suit touchant la littérature péruvienne:
" Le soin de compiler les annales du pays n'était pas exclusivement
réservé aux Amantas : ce devoir était en partie imposé aux
hara–
vecs
ou poetes, qui choisissaient les événements les plus brillants pour
en faire le theme des chants qn'ils composaient pour etre chantés aux
fetes royales et pendant le repas de l'Inca. C'est ainsi que se forma une
collection de poésie traditionnelle, analogne a celle que forment les bal–
lades anglaises et les romanres castillanes, et de la sorte les noms d'une
foule de chefs barbares, au lieu de somhrer dans l'oubli faute d'un chro–
niqueur, ont été transmis sur les ailes d'une mélodie rustique aux géné–
rations postérieures....
" Le poete trouvait dans le beau dialecte quechua un instrument
tres-utile a ses fins. Nous avons déja vu les singulieres mesures aux–
quelles les Incas avaient eu recours pour propager leur idiome dans
tout l'Empire. Naturalisé de cette fagon dans les provinces les plus
r.eculées, ce dialecte s'enrichissait d'une foule de mots et de locutions
exotiques qui, sous l'infiuence de la Cour et par la culture poétique, s'il
m'est permis de m'exprimer ainsi, s'amalgamaient graduellement,
formant comme une sorte de mosaYque d'un travail achevé, ou les
matériaux grossiers ou hétérogenes se fondaient en un tout harmonieux.
Le quechua arriva
a
etre le plus compréhensible et le plus varié, en
meme temps que le plus complet des dialectes de l'Amérique du Sud.
" En dehors des compositions dont nous venons de parler, on assure
que les Péruviens manifestaient certaines dispositions pour les repré–
sentations theatrales autres que ces stériles pantomimes qui ne ré–
jouissent que les yeux et qui ont serví· de passe-temps
a
plus d'une
nation barbare. Les piéces péruviennes aspiraient aux honneurs de la
composition dramatique, soutenues par le caractére et le dialogue, et
fondées parfois sur des sujets
d'un
intéret dramatique, parfoig aussi sur
des sujets qui, par leur caractére léger et familier, correspondent
a
la
(1)
Conquista
del Peru.
Lib.
I.
Cap. IV.