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en conférence au sujet de la conquete de Chayanta. Cette scene se lie si
peu aux précédentes qu'il est impossible de calculer de combien de
temps elle est postérieure. Toutefois, il semblerait conforme a la logique
de l'art dramatique de supposer qu'elle se place peu apres la précédente.
Ni Barranca, ni Markham, ni Tschudi lui-meme, n'ont compris la valeur
historique de ce dialogue, comme nous le verrons quand nous en arri–
verons a la révolte d'OLLANTAL Le roi expose iei qu'il est nécessaire de
profiter de la .saison seche pour entreprendre la conquete de Chayanta,
province qui, de nos joul's encore, garde le rneme nom et se
trouve dans la République de la Bolivie sur les confins de Cochabamba
et de Sucre; ces derniers pays formaient avec elle une partie de l'an–
cienne province de
Colla-Suyo,
c'esHi.-dire de la division méridionale
de l'empire. OLLANTAI et <ErL-DE-PIERRE prédisent en ter,nes enthou–
siastes l'heureuse réussite de la campagne. Déja ici
cornmen~'e
a se
dessiner ltl caractere empreint d'un dévouement absolu a la personne
du roí eten rneme temps plein d'une bonne foi allant jusqu'a la niaiserie,
qui distingue <ErL-DE·PIERRE. Le roi sans do ute connaissait sa bravoure,
de rneme que la courte portée de son intelligence et sa nature supersti–
tieuse quand illui dit : "Veux-tu déja sortir a la recherche des serpents
"terribles~
" La question qu'il lui adresse ainsi s'accorde avec une
tradition qui s'est conservée jusqu'a ce jour parmi les Indiens. Voici en
quoi elle consiste : On raconte qu'une fois l'armée d'un Inca, pendant
qu'elle était en marche pour une des conquetes si nombreuses que
firent ces rnonarques, étant venue a camper dans un endroit désert,
tous les guerricrs se virent assaillis et furent dévorés, dans la nuit, par
une rnultitude de serpents (amaru), sortis coinme par enchantement du
sein de la terre. Or, ces serpents n'étaient autres que les dieux des pays
que l'on allait conquérir, lesquels avaient pris la forme de couleuvres
gigantesques pour défendre les foyers dont ils étaient les génies pro–
tecteurs. On ne trouvera done rien d'étrange a ce que le roi ait
adres~é
a <EIL-DE-PIERRE une telle question, pour peu qu'on réfléchisse a la
tradition au sujet de laquelle nous croyons avoir trouvé quelques ren–
seignements dans nos historiens des premiers temps. Ce dialogue se
termine par le violentdésir que rnanifeste ÜLLANTAI de confé1·er en par–
ticulier avec le roi, faveur qui lui est accordée.
Deuxieme Dialogue
(
454-518).-
Rien n'est plus éloquent que la grande
tirade d'OLLANTAI oú ce chef épuise tous les artífices de la parole poúr