16 LA DÉCOUVERTE DU MONDE ET DB L'HOMl\IR.
reux don de savoir en trois mots peindre un homme. Ce
talent de saisir d'ua coup d'ooil les traits caractérisliques
d'~n
individu est une coadilion essentielle de la con–
naissance du beau et de la faculté de le décrire. Sans
doute, chez les poetes I'abondance des délails dans une
descriplion peut étre un défaut, altendu qu'un trait
unique, inspiré par la pilssíou, donnera au lecteur une
idée bien plus ueHe et plus forte de l'objet
a
dépeindre
Nulle part Dante u'a fait un plus magnifique éloge de
sa Béatrice, que lorsqu'il se contente de peindre le reftet
qui s'échappe d'elle el qui rayonne, pour ainsi dire,
sur tout ce qui l'entoure. Mai
iI
s'agil ici moins de la .
poésie, qui poursuit son but parliculiel', que de la fac ulté
de peindre par des mo ts la beauté matérielle aussi bien
que la beauté idéale.
reí Boccace se distingue entre tous, non pas dans
le
Décarnéron)
attendu que la nouvelle interdit les
lo ngues descriplions , mais dans ses romaos, ou le temps
et l'espace nc lui manquent paso Dans son
Amelo ,
il
décrit
I
une blonde el une brune A peu pres comme un
peintre les aurait peintes cent ans plus tard, - cal' ieí
encore la culture précede I'art de beaucoup. Chez la
brune (ou plutót la moins blonde), apparaissent déja
quelques traits que nous appellerions classiques : ses
mots "
la spaziosa testa e dislesa
"
nous font deviner des
formes qui dépassent ce que nous nommons mignon;
les sourcils De forment plus deux arcs comme dans l'idéal
des Byzantins, mais une ligne presque continue; le nez
est
a
péu pres aquilin
9;
la poitrine large, les bras d'une
I
Parnasso lea/rale,
Lipsia, 1829, lntrod., p.
VII.
I
Le texte est évidemment altéré. Le passage est ainsi con¡;u
(Amelo,
Venezia, 1586, p. 54):
Del mezo de' quali non camuso l/alO in linl/J
djrilla disce/lde, qualllo ad aquililleo non eSJel'e dimanda il dovere.