LJVl\E QUARANTE-SIXIEME.
événcments de l'Espagnc et de l'Amériquc pen–
dan! l'annéc 18·12, les uns funestes, les autres
inutilement heureux, tous e!Tets de Ja mcmc
cause, la volonté mobile et désordonnée d'un
génie immcnse, maissans frein.
Lorsque Napoléon, dégoúté de laguerred'Es–
pagnc, nu momcnt mCmc ol1 la pcrsévéraucc
aurait pu en corrigcr le vice, avait songé
a
por–
tcr ses forces au Nord, laGrandc-füctagneétait,
commc on lla vu, dans une situation des plus
diITiciles. Les succcs obtenus par lord Wcl–
lington, griicc 11 nos foutcs, avaient sans doutc
rcndu en Angletcrrequelqucsérénité auxesprits;
rnais on y scnlaiL tous les jo111·s davantage les
crucllcs gCncs imposécs au commcrcc, on
cnt.rc–
voyaiLavce cffroi le tcrmc d'unc puissance
financiCrc trappcu ménngée, et on
pcnsaiL
sans
ccssc au dnngcr qui mcnaccraiLl'armée
LH·itan–
niquc, si jamais Napoléon dirigeait conLrc clic
un effort décisif. La situalion commcrciale ne
s'était point améliorée. D'énormcs quanLités de
dcnrécs colonialesensucrcs, cafés, cotons, accu–
mulées ou daosdes docks, ou sur des vaisseaux
qui obstruaient la Tamise; des quantités non
moins considérablcs d'objels manufacturés ne
sorlaut pas dechez les fabricants qui les avaicnt
produits,oudechcz lcsspéculateursqui Jcsavaient
achetés; les unes et les autres scrvant de motif
ti
une vaste émission de papicr de commcrcc
1
que Ja banque csco111ptait, et dont clic fou rnis–
sait la valcur en papicr-monnaie qui pcrdait
20
a
25 pour cent ; une baisse conLinuc du
change résullantdc cct élat de choses, laquelle ne
pouvait ctrc arrctée qu'au moyen d'unc cxporta–
tion illégale et continue de numéraircl
a
ce
point qu'a Gravclincs et Dunkcrquc seulement,
les
smogle11rs
npportaicnt par mois plusicurs
millions de guinées en or : tellc était, avons–
nous dit, la situation commcrcialc de l'Angle–
lel't"c <lcpuis quelqucs annécs. Des dépenses
publiques qui commcnqaient
a
étre de cent mil–
lions stcrling par an (2 milliards 500 rnillions
de francs) contre 90 millions sterling de res·
sourccs, dans lesquellcs ügu1·ait un cmprunt
annucl de 20 millions sterling, constiluaicnt
la
. situation financicre. La disctte qui nous avait
tourmentés ccttc annéc, n'avail pas moins sévi
en Angleterrc, et les bandes d'ouvriers brisant
les méliers, égorgcant quelquefois les manufae–
turicrs, demandan! du pain avcc des eris qui au–
raicnt foil trcmblcr un gouverncment moins
habitué aux clameurs d'un pcuplc libre, mais
qui dcvaicnl émouvoir tout gouvcrncmcnt sagc
et humain, ajoulaient ledcrnict· trait
a
cctte dé–
trcssc, causéc par une longue gucrrc nu scin de
la plus prodigicuse richesse qui etit cncorc paru
sur notre glohc.
JI
cstvrai que cent vaisscauxde gucrrc, dcux
ccnls frégatcs, porlant sur toutcs les mcrs un
pavillon victoric11x
1
qu'unc armée de tcrrc pcu
nombrcusc, maisvaillnnte
et
sagemcnt conduitc,
et cnfin un cabinct qui scul en Europc n'avait
pas subi les volontés dcspotiqucs de Napoléon,
dédommagcaicnt la glorieusc Anglctcrrc de ses
souffrnnecs. Mais tous les gens sag:cs 1·cconnais–
saient que cette siluation cachait de grands pé–
rils, que si le génic rccloutahlc auqucl on avail
affaire rncttait quclque prudencc et quclquc
suite dansses <lcsscins, il pouvait, en conlinuant
son hlocus continental un an ou dcuxcnc01·c,
réduire le commcrcc et les financcs de !'Anglc-
aux derniCrcs cxtrémités, et tcrminer
rnt\mcl'intcrminable gucrrc d'Espngnc,_cnjetant
11
la mer lord Wellington et sa bravc arméc.
Cent millc des six cent mille hommes pcrdus en
l\ussie, et la personnc de Napoléon, auraient
dans la Péninsule rcndu ce résultat infailliblc.
VoilU ce que tout Je monde scntait confusément,
et ce que chacun cxprimait avec le langage qui
lui étail propre. Les opposants
el!!
parlement
britannit¡uc le disaicnt en langagc de parti; le
peuplc Jevociférait dans les rucs deLondresa Ja
fo~on
de la populacc; des ministres éclairés le
disaicnt cux-rncmes dans le sein dn cabinet
anglais, et le marquis de Wcllcslcy, frcre du
cé!Cbre lord \Vcllington, pcrsonnage nussi
clair–
voyant qu'élor¡ucnt, partagcant cet avis, était
sorti du rninislcrc par antipaLhic pour le carac–
lcrc <le M. Pcrccval et pour sa politit¡ue inílexi–
b!c. Jiais
il
y
a
une orniCre de
la
guerrc, or11iC1·c
aussi profondc que celle de la paix quand on s'y
cst trainé longtcmµs, et dont alors on ne savílil
pas plussortir en Angletcrrequ'en Francc. On y
était, on
y
reslait, bien qu'on cút songé plus
tl'unc fois
a
s'en tirer. Le résultat, il cst Vl"ai,
devait clonncr raíson Uccux qui s'obstinaicnL
ii
restcr dans cellc ornicre, mais a1'CC un pcu de
sagcsse de JaparL de Napoléon,
iJ
en cut été tout
aut.rcment.
Un scntimcnt honot·ablc, mClé
a
un scntiment
intércssé, y retcnait, il faut le reconnaitre, le
gros de la nalion : e'ctait la sympathie qu'on y
avait
con~uc
pour les insurgés cspagnols, et le
désir aussi d'cmpcchcr Napoléon d'établir son
inilucncc <laus Ja Péninsulc. Si Napoléon avait
fait unsacrifice
a
cet égard, ou bien si, par une