MOSCOtJ. -
JUll.LET
18·12.
223
Celtc maniere de le prcsscr désobligcait Na–
poléon plus qu'cllc ne l'étonnail, el il se rc–
cueillil pour trouvcr une réponsc qui , sans
découragcr les Polonais, ne l'cnlrain1il pos i1
plus d'cngagemcnts qu'il n'cn voulait prrndrc.
Ce n'étail pas, nous l'avons cléj:1 dit, la liberté
des Polonais qui l'c!frayait , car, au conlrairc,
on cxcitniL parlout en son norn \'esprit in urrcc·
tionnel; ce n'était pas précisémcnl la craintc de
l'Autrichc, car, si le sacrificc de la Gallicic dé–
plaisait
a
cclle-ci, nllyrie pouvait la consolcr;
mais c'était, surtout dcpuis qu'il arnit passé le
Niémcn, la crainlc de rcndrc la paix avcc la
Russic trop difficile. De loin NapoléonavaiLcon·
sidéré ccuc guerre sinon commc aiséc, au moins
commc trcs-praticablc; de pres il la jugcaiL
micux , et enlrevoyait la difficulté de suinc les
armécs russcs dans les proíondeurs de leur tcr–
ritoirc,
SÍ Oll OC
parvcnail
l\
les saisil' avnnt Jcur
rclraite.
11
voulait doneque la querelle1·cslal une
de cellcs qu'unc bataille gagnée avcc éclat pcul
termincr , tandis que, s'il s'étaiLproposé pour
but csscntiel le rétablisscmcnl de la Polognc, il
eüt fallu, pour l'obtcnir, réduire la Russic
a
la
dcrniere cxtrémité. Ajoutcz qu'il auraiL voulu
voir la Polognr. sortir toutc fnitc d'un élan d'cn–
thousiasmc, tandis qu'elle ne pouvaiL rcnaitre
que d'unc lenteet laboricusc réorganisalion, pcu
favorisée en ce momcnl par les circonslanccs.
Dans cctlc disposition d'espril, il adrcssa aux
Polonais une réponsc ambiguo, qui avait l'in–
convénicnl ordinairc aux réponscs ambiguCs,
celui d'cn dire trop pour les uns, lrop pcu pour
les autrcs, trop pour la Russie, trop pcu pou1·
les Polonais.
Napoléon
rc~ut
la députalion l'avant-vcille de
son déparl de Wilna. I.e sénateur Joscph Wy–
biski, hommc d'csprit, souvcnl cmployé par les
Fran~ais
en Polognc, porta la parolc, el, dans
un discours asscz long, diL que la dicte du duché
de Varsovic, 1·éunie pour satisfaire aux bcsoins
des armées de la Francc, al'aiL scnli qu'ellc avail
desdevoirs
rf1m
ordreplus élevé d remplir;
que
d'unc voix unanime clic s'était constituéc en eon–
fédéralion généralc, avail proclamé la Polognc
rétablic, et déclaré nuls, arbitraircs el crimincls
les acles r¡ui l'al'aicnt parlagéc; qu'aux yeux du
monde civilisé el de la postérité, l'acte <¡ui avail
cnlcvé son existence
a
la Polognc, nation indé–
pendanlc, anciennc en Europe, signaléc pnr ses
servicc5 cnvcrs
la chrélicnté,
étaiL un acle <l'u–
surpnlion, de pcrfidic et d'ingralitudc, un abus
indigne de la force, r¡ui ne pouvait consliluer
aucun droit, el dcvait ccsscr avcc la force donl
il élail le produit ; que cclle force, en c!fcl,
longtemps d11 colé des opprcsscur;, passait an–
jourd'hui du cóté des oppri111és par l'm·rivéc mi·
raculcusc du grand hommc du sicclc, suscité l'"''
la Providence pour ehangcr la facc du monde;
c¡u
1
il
n'an1iL i1 <lirc qu'un mol:
l e royaume lle
Polu911e existe,
et r¡u'i1 l'instanl ce 111ot
acvien–
drait l'éqttivale11t de la ré"lité;
que ricn ne lui
fnisail obstacle; que la gucrrc étaiLcommencée
sculcmcnt dcpuis huit jours, el que déja il rccc–
vait lcurs hommagcs dans la capilalc des Jagcl–
lons;
qu~
les aigles
fran~aiscs
étaicnl plantécs
sur les bords de la Dwina et du lloryslhcnc, aux
limites de l'ancicnnc Mosco1•ie; que les Polonais
étnicnt d'aillcurs scize rnillions d'hommcs prrits
a
se dévoucr pour lcur lihét'atcur, el qu'ils ju–
raicnt tous de mourir pour la saintc cause de
lcur indépcndancc; que le rétablisscmcnL de la
Polognc ritail non-sculcment un grand intércl
pour Ja Francc, mais prcsq11c un dcvoir d"hon–
ncur pour elle, car l'iniquc parlagc qui arail
fail la honte du xv111' sicclc avait signalé
In
dé–
cadcncc de la 111aison de Ilourbon, el que c'élnil
au 'loricux fondntcur de la qualricmc dynastic
i1 répnrcr les faiblcsscs et les fnutcs de la troi–
siCmc; que, qunat
a
cux, ils poursui\'l'aicnt par
lous les moycns ce noble bul, el ne se rcpose–
raicnl qu'aprcs l'avoir allcinl, a1•cc l'approbation
et l'aidc du gloricux el toul-puissanl cmpcrenr
des Francais.
Napol¿on, aprCs avoirécouté ª''ce
1111
ccrtain
malaisc l'exprcssion brillante de ces pcnsécs, ré–
pondil par le discours étudié quisuil:
" Mcssicurs les députés de Inconfédération de
··
Polognc,
11
J'ai cntcndu avcc intérCt ce que vous venez
u
de me dirc.
11
Polonais
>
je pcnscrais et j'ngirais commc
1c
vous; j'aurnis voté cornmc vous dans l'asscm–
" bléc ele Varsovic : l'amour de la patrie e,t In
" premicrc vcrlu ele l'hommc civilisé.
" Dans ma posilion, j'ni bien des intércts ,\
•
concilicr, et bien des dc,
1
oirs
t1
rcmplir. Si
11
j'cussc régné Jors du prcmicr, du sccond ou
11
1lu
troisiCmC'
partngc
de
la Pologne, j'aurais
1c
a1·mé
lout
mon
pcuplc
pour vous soutcnir.
" Aussilol que la vicloi1•c m'a permis de rcstit.uc1·
u
vos ancicnncs lois
a
volrc capitalc el
i1
une
«
partic de vos provinccs. je l'ai fait avcc cm–
u
prcsscmcnt,
snnstoulefoisprolongc1·uneguerrc
,, qui cut fait coulcr cncorc le sung de mes su-
11
jcts.