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MOSCOU. -

JUIN

1812.

Napoléon, en lui cédant du lcrrain aulanl qu'il

en voudrait cnvahir, ¡JUis quand on l'aurait at–

tiré bien loi.n, et qu'ou le tiendrait dans les pro–

foadeurs de la Russie, épuisé de fatigue et de

faim, se précipiter sur lui, l'accablcr, et le rn–

mcncr

a

moitié détruit

ii

la frontiere russe. Ce

plan préscntait l'inconvénient de livrc1· au ra–

vage, non pas la Pologne ou la Vieillc-Prussc,

mais laRussie elle-mcme. Néanmoins la prcsquc

ccrtitude du succcs était une raison d'un tcl

poids, qu'aucunc considération d'intérct maté–

riel ne mérilait d'ctre mise en balance avcc clic.

Ccttc controvcrse, commencée

a

Saint-Pétcrs–

bourg, n'avait pas

CllCOl'C

cessé

a

Wilna, lorsquc

la nouvcllc du passagc du Niémen vint metlrc

fin au bal du général Ilcnningscn. Alexandre

avait !'esprit trop clairvoyant pour hésiter un

instant sur une question pareillc. Ménager

¡,

Napoléon, sous le climat de la Russie, la campa–

gnc que Masséna vcnait de fairc en Portugal

sous leclimat de la Péninsulc, était une tactiquc

lrop indiquéc pour qu'il songcat

ii

en suivrc une

autre. De plus il avait cu pour l'adoptcr uilc

raison décisivc, c'était la raison politique. Con–

stamment appliqué

a

mcttre l'opinion de la Rus–

sic, de l'Europe, et mcme de la Francc de son

cóté, afio d'aggravcr la situation moralc de Na–

poléon vis-a-vis des peuples, il s'était soigneuse–

mcnt gardé de paraitre le provocateur, et par

suite de ce systemc s'était promis d'atlcndrc

l'ennemi sans allcr le cherchcr. C'est la ce c¡u'il

avait toujours annoncé, et ce qu'il avait fait en

se tenant derricrc le Niémcn, sa fronticrc natu–

rellc,

ii

ce point qu'il ne l'avait pas mémc dé–

fendue.

Cctte conduite était toute simple, et dictée

par le bon sens. Mais on avait voulu

il

cettc oc–

casion construire tout un systemc, et c'était le

général Pfuhl, autcur de ce systemc, qui en

était le démonstrateur auprcs d'Alexandre,

qu'avcc une ccrtaine apparcncc de profondcur

on était prcsque toujours assuré de séduirc.

Achaqucépoque, lorsqu'un homme supéricur,

s'inspirant non pas d'unc théoric, mais des cir–

constanccs, cxécutc de grandes choscs, les cs–

prits imilatcurs vienncnt a la suite, et mctlcnt

des systcmcs 1 la place des grandes choses que

le vrai géniea faitcs naturcllcmcnt. Dans le dix–

huitiemc sicclc , !out le monde voulait foirc

l'cxercice

ii

la maniere de Frédéric, el dcpuis la

bataillc de Lcuthcn construisait des systcmcs

sur l'ordre obliquc, auquel on attribuait tous

les succcs du monarquc prussien. A partir de

l'annéc

1800,

et dcscampagncsdu général Ilona–

partc, qui avaiL su, avec tant d'art, manccuvrcr

sur les ailcs et les communieations de ses advcr–

saircs, on ne parlait que ele tournc1· l'cnncmi.

A Austcrlitz, les conseillcrs d'Alcxandre avaicnt

voulu tourncr Napoléon, et on sait ce qu'il lcur

en avait couté. En

1810 ,

un hommc de scns et

de coracterc, lord Wellington, sccondé" par les

circonslanccs et un

bonhcur

rarc, ''cnait de

fuirc une campagnc brillante en Portugal, et on

ne parlait plus en Europe que d'agir commc luí.

Se rctircr endétruisant toutes choses, se réfugicr

cnsuitc- dans un camp inexpugnable, y attendrc

l'épuiscmcnt

diun

cnncmi téméraircmcntcngagé,

cnfin revenir sur cct cnncmi, l'assaillir, l'acca–

bler, était devcnu pour ccrtains csprits, depuis

Torres-Védras, toutc la science de la guerrc.

C'est de cctlcscience que legénéral Pfuhl s'était

constitué le maitrc suprcme au milieu de l'élat–

major russe. Excepté le czar, qui se complaisait

dans ces fausses profondcurs, le général Pfuhl

avait fatigué,blcssé loutlc monde parsondogma–

tismc, ses prétcntions, son orgueil. Mais Alexan–

drc l'avait accucilli commc un génic méconnu,

et lui avait donné 11

rédiger !out le plan de la

gucrrc.

Le générnl Pfuhl, apres avoil' étudié

la

carte

de Russic, y avait remarqué, ceque chacun pcut

y aperccvoir au premier aspee!, la longuc lignc

transvcrsale ele la Dwina el du Dniépcr, qui,

en s'ajoutant !'une

a

rautrc, formcnt elu nord–

oucst au sud-cst une vaslc et bellc lignc dedé–

fcnsc intéricurc. 11 roulait done que les armécs

russcs s'y rcpliasscnt,

y

établisscnt une cspccc

de Torrcs-Védras invincible, et qu'cllcs y tins–

scnt la conduitc <les armécs anglaisc et cspa–

gnole en Portugal. Ayant, dans ccttc étudc

attentivc de la carte ele Jlussic, remarqué

ii

Drissa sur la Dwina un emplaccmcnt c¡ui lui

semblait [ll'Oprc :\ l'établissemcnt d'un carnp rc–

lranché, il arait proposé

d'~n

const1·uirc un

dans cet cndroit, et Alexandrc, adoptant cctlc

proposition , arnit cnvoyé l'ingénicur Michaux.

sur les licux pour lraccr et fairc cxécutcr les

ouvragcs. L'olTicicr cl'état-nrnjor Wolzogcn, cs–

pccc d'interprctc du génie mysléricux du géné–

ral Pfuhl, allait et vcnait pourappliqucr les itlécs

de son maitresur le terrain. Enfin,

a

la création

ele ce camp ele Drissa, le général Pfuhl avail

ajouté une dislribution des forces russcs appro–

¡ll'iéc au systcme qu'il avait déduitdcs opérations

de lord Wcllington en Portugal. 11 avait en con–

séqucncc demandé dcu: armécs, une principalc,