Lll'nE
QUAl\ANTE-QUATnlEME.
sans les noul'l'ir. L'arlillcric ele réscrvc , compo–
séc rlcs picces de douzc, et les équipages chargés
de
muniLions
et de vivres,
étaicnL
en arriCrc.
La cavalcric ele Murat,
'JUC
malhcurcuscmcnt il
ménageaiL pcu, la rncllrmL en mouvcmcnt.
dCs
le
nrntin, et
lo
faisant coul'ir
it
bride abattue dans
tous lcsscns, élait déju trcs-faliguéc. Le soigucux
et sévCrc DnvousLdésnpprouvait ccttc impré–
royancc, et., quoiquc pcu
communicatir,
laissnit
voir ce qu'il pcnsait. 11 n'y nvail pns
lii
de quoi
rapprocher les dcux chefs de notrc avant-gardc,
deja si elisscrnblables d'espril et de caraclcre.
J,c 27 on attcignit Jcwe, qui n'est plus qu'n
une forle journéc de Wilna, el Murat, afin de
pouvoir entrer le lcndcrnain de tres-bonnehcurc
dans eettc ville, se porta sur Rieonti,
a
trois ou
quatre licues en avant de Jcwe.
On ne dcvait trouver
a
Wilna ni
lo
COUI' du
czar ni son arméc. Le passagc du Niémcn, com·
meneé le 211' au nrntin, avait été connu le 24 au
soir
a
Wilna, pcndantque l'empcreur Alexnndre
assistait
it
un bal donné par le général Den–
ningscn.
Cctlc nouvcllc, apportéc par un domestique
du cornteRornanzofT, jeta un grand troublc dans
les esprils, et ne
r.t
qu'ajoutcr
a
l'cxtrcmc con–
fusion qui régnait daus l'étal-major russe. Vou–
lant s'cntourcr de nombrcux avis, Alcxandrc
avait cmmcné avcc lui une foulede pcrsonnagcs,
tous difTérents de caracti:rc,de rang ctde nation.
Jndépcndamment elu général Darclay de Tolly,
qui nedonnait pas ses ord1·es commc général en
chef de l'arméc, mais comme ministre de Ja
gucrre, Alcxandi·e avait auprCs de Jui le géné–
ral
llcnningscn,
le
grand-duc Conslantin , un
ancicn ministre de la gucrrc Al'aktchcjef , les
ministres de la policc et de l'intéricur MM. de
DalachofT et Kolchoubcy, le princc Wolkonski.
Ce clcrnicr rcmplissait auprcs rlc la pc1·sonnc de
l'crnpcrcur les fonctions de chef d'état-major.
A ces llusscs, la plupart anirnés de passions fort
vive:;, s'étaicnt joinls une quantité d,élrangcrs
de loutcs nations, fuyant auprcs el'Alexandrc les
persécutions de Napoléon, ou sculcmcnl son in–
fl ucncc et sa gloi1·c , qu'ils détcstaicnt. Pa1·mi
cux se trouvaicnt : un oílicicrdu génic, nommé
Michaux,
Piémontai.:;
d'originc, ayant pcu de
coup d'ccil mililai1·e, mais savant da11s son état,
et trcs-considéré par Al.-,ndrc; un Suédois, le
comtc d'Armfcld, qui avait élé contraint pa1· les
événcmcnts politiqucs de la SuCdc 1 se réfugicr
en llussic, homrne d'csprit rnais pcuestimé; un
Jtalicn,
Paulucci,
de
bcaucoup d'imngination
et
de pétulancc; plusicurs Allcmands, particulicrc–
mcnt le baron de Stcin, que Napoléon avait cx–
cli1 du minislcrc en Prussc, tJUi élait en Allc–
magnc Pidolc de toUs les cnncmis de laFrancc,
et
qui
joignait
O
un siogulicr rnélangc d'esprit
libéral et arislocratique un patriotismc ardent;
un officicr d'état-major inslruit, intclligcnt, ac–
tif, airnant
it
se produire, le eoloncl \Volzogcn;
en fin un Prussicn, plus doctcur que militairc,
le général Pfuhl, cxcrgant sur l'csprit d'Alcxan–
drc une assez graude iníluenec, délcsté par ce
motif de tous les habilués de la cour, se eroyant
profond et n'étant que systématique, ayant au–
prcs de quclt1ues adeplcs la réputation d'un gé–
nic supéricur, mais auprCs du plus
grand nom–
bre cclle d'un esprit bizarrc, absolu, insociable,
incapablc de rendrc le moindre scrvicc, et fait
toul au plus pom· dorninc1· quclquc tcmps par
sa singularité mémc la mobilc
et
ré\•cuse imagi–
nation d'Alcxandrc.
C'cst au milicu de ces donneurs de conscils
que l'cmpcrcur Alexandre, ayant plus d'csprit
qu'aucun tl'cux, nrnis
moins
qu'aucun d'eux
la
faculté ele s'arrcter
it
une idée et d'y tcnir, vivait
dcpuis plusicurs mois, lorsquc le canon ele
Napoléon vinl l'arrachcr
a
ses inccrtitudcs et
l'obligcr
a
se fnirc un plan de earnpagne.
Entre ces divcrs personnagcs , dcux idécs
n'nvaicnt ccssé
d'Clrc débaltucs
vivcmcnt. Les
hommcs
d'un
caraclCre
ardcnt ,
qui suivant
l'usage n'étaicnt pas les plus éclairés , voulaient
qu'on n'altcndit pas Napoléon, qu'on le prévint
au eontrairc, qu'on se jct•it sur la Vicillc-Prussc
etsur laPolognc, qu:onravngcüt ces
pays,
alliés
ou complices de la Francc, qu'on t:ichñt mcrnc
de
soulcvcr
l'Allcmagnc
en
Jui
lcndant une
main
précocc, sauf, s il le follait,
¡,
se rctirer cnsuilc,
apres avoir ag1·aneli eledcux ccnts licues le déscrt
dans lcqucl on cspérait que Napoléon viendrait
s'abimcr. Les hommes calmes et scnsés jugcaienl
ce
projct
dangcrcux ,
et soutcnaicnt
avcc
raison
qu'allcr au-dcvant deNapoléon, c'était lui abré–
gcr le chcmin , lui épargncr par conséqucnt la
plus grave eles difTicultés ele ecttc guerre, cellc
des distances, lui ofTrir prcsc¡uc sur son tcrri–
toirc,
¡,
porlée ele ses ressourccs, ce qu'il dcvait
elésircr le plus, une bataillc d'Auslcrlitz 0;1de
Fricdlanel , balaillc qu'il gagncrait sans aucun
doute, el qui , une fois gagnéc, clécidcrait la
qucstion, ou établirait au moins son asccndant
pour tout le reste de la gucrrc. lis disaicnt en–
corc qu'au licu de diminucr la difTiculté des dis–
tanccs, il fallait l'agrandir en se rctirant dcvant