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PEROU ET BOLIVIE.

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testé de toute la population, ha"i par

ceux-la meme dont le dévouement lui

semblait assuré, le. vice-roi fut, un

beau jour, sai. i dans son palais, sous

les yeux de ses i:1ardes immobiles, et

dirigé sur une

11e

déserte du littoral,

pour y rester prisonnier, jusqu'a ce

qu 'on jugeat

a

propos de Je renvoyer

en Espagne.

Débarrassés du vice-roi, les

men~bres de l'audience suspendirent l'exé–

cution des nouvelles lois, et somme–

rent Pizarre de licencier soa armée;

ils savaient bien que Gonzale n'en

ferait rien, et profiterait, au con–

traire, de ce qui venait tle se passer

pour se sai ir de la dictature. Mais

les auditeurs ne voulaient point pa–

raitre favoriser

les prétentions de

Pizarre, et

il

agissaient comme s'ils

éta1en t complétement étrangers

a

ses

projets et a ses espérances. Pizarre

demanda Je titre de gouverneur et de

capitaine généra l, et requit l'audience

de !'investir officiell ell)ent de ces fonc–

tions supremes. Le conseil

fit

sem–

blant de résister; mais Carvajal, lieu–

tenant de Gonzale, étant brusquement

entré dans Lima, et ayant fait mettre

a mort quelques partisans du vice-roí,

les auditeurs, se considérant comme

contraints et forcés, s'empresserent

de déférer au désir de P1zane. Le

méme jour, le nouveau gouverneur lit

son entrée solennelle dans la caµitale

et prit possession du pouvoir.

Telle était alors, au Pérou, l'habi–

tude de l'anarchi e, le besoin d'agita–

tion et la mobilité tles dévouement ,

que Pizarre,

a

peine installé dans ses

nouvell es fonctions, se vit menacé

~'un

péril qu'il lui eut été difficile de

pl'évoir. Nugnez Véla avait été en–

voyé, par ordre de l'audience,

a

bord

d'un navire pour etre transporté en

Europe. Le prisonnier avait eté confié

a

la garde d'un des membres du tri–

bunal, le licencié Alvarez. A peine le

batiment eut-il apparcillé, que le trai–

tre Alvarez, se jetant aux pieds du

vice-roi, implora le pardon de son

crime, et

e déclnra

pr~t

ii

exécuter

tous les ordres qu'il plairait au repré–

sentant légitime du súuverain de lui

donner. Profitant d'un retour si im–

prévu, Nugnez demanda

a

étre conduit

a Tumbez. En remettant le pied sur

le sol péruvien, il se fit de nouveau

proclamer vice-roí, et releva Ja ban–

niere royale. D'abord, réduit au con–

cours de quelques citoyens qui jusque–

lil avaient gardé une prudente neutra–

lité, il vit sa petite troupe se recruter

parmi ceux que la maladroite sévérité

et les inopportunes vengeances de Pi–

zarre avaient indisposés contre le nou–

veau gouvern!lur. Bientot il se vit

a

la tete <l'une armée assez nombreuse

pour tenter une attaque sériense. En

méme temps, Diego Centeno, officier

habi le et audacieux, irrité par les pro–

cédés tyranniques du lieutenant de

Pizarre dans la province de Charcas,

s'insurgeait contre son supérieur, et

apres l'avoir tué, se déclarait pour la

cause roya le.

111al~ré

la fücheuse coi11cidence de

ces évenements, Pizarre conserva tout

le sang-froid qu'exigeait une position

si critique.

11

marcha sans hésiler con–

tre le vice-roi, espérant

~ouvoir

lui

livrer bataille et en finir d'un seul

coup avec lui.

Nu~nez,

jugeant que

)'infériorité de ses forces Jui laissait

peu de chances de succes s'il brus–

quait le dénot1ment, se

retira sur

Quito. Gonzale se mit

a

sa poursuite,

mais ne put l'empécher d'entrer dans

Quito, ot1 il comptai t se fortilier. Du–

rant cette longue marche

a

travers une

contrée hérissée de hautes montagnes

et entrecou pée de déserts arides, les

deux armées eurent

iJ

endurer des

souffrances et des fatigues

inouies.

Augustin de Zarate dit que Pizarre

suivit son adversaire l'espace de trois

mille milles. Un fait póurra donner

une idée des difficultés de la marche

d'une armée dans un pays aussi acci–

denté : pendant son voyage de Cuzco

a

Lima, pour renverser le vice-roi, Pi–

zarre avait été obligé de faire porter

ses canons

a

bras; " il fallait, dit Za·

rate, douze Indiens pour porter cha–

que piece, et ils ne pouvaient marcher

qu'environ cent pas avec un tel far–

deau; puis douze autres prenaient leur

place, et de cette maniere, il y avait