PEROU ET BOLIVIE.
457
testé de toute la population, ha"i par
ceux-la meme dont le dévouement lui
semblait assuré, le. vice-roi fut, un
beau jour, sai. i dans son palais, sous
les yeux de ses i:1ardes immobiles, et
dirigé sur une
11e
déserte du littoral,
pour y rester prisonnier, jusqu'a ce
qu 'on jugeat
a
propos de Je renvoyer
en Espagne.
Débarrassés du vice-roi, les
men~bres de l'audience suspendirent l'exé–
cution des nouvelles lois, et somme–
rent Pizarre de licencier soa armée;
ils savaient bien que Gonzale n'en
ferait rien, et profiterait, au con–
traire, de ce qui venait tle se passer
pour se sai ir de la dictature. Mais
les auditeurs ne voulaient point pa–
raitre favoriser
les prétentions de
Pizarre, et
il
agissaient comme s'ils
éta1en t complétement étrangers
a
ses
projets et a ses espérances. Pizarre
demanda Je titre de gouverneur et de
capitaine généra l, et requit l'audience
de !'investir officiell ell)ent de ces fonc–
tions supremes. Le conseil
fit
sem–
blant de résister; mais Carvajal, lieu–
tenant de Gonzale, étant brusquement
entré dans Lima, et ayant fait mettre
a mort quelques partisans du vice-roí,
les auditeurs, se considérant comme
contraints et forcés, s'empresserent
de déférer au désir de P1zane. Le
méme jour, le nouveau gouverneur lit
son entrée solennelle dans la caµitale
et prit possession du pouvoir.
Telle était alors, au Pérou, l'habi–
tude de l'anarchi e, le besoin d'agita–
tion et la mobilité tles dévouement ,
que Pizarre,
a
peine installé dans ses
nouvell es fonctions, se vit menacé
~'un
péril qu'il lui eut été difficile de
pl'évoir. Nugnez Véla avait été en–
voyé, par ordre de l'audience,
a
bord
d'un navire pour etre transporté en
Europe. Le prisonnier avait eté confié
a
la garde d'un des membres du tri–
bunal, le licencié Alvarez. A peine le
batiment eut-il apparcillé, que le trai–
tre Alvarez, se jetant aux pieds du
vice-roi, implora le pardon de son
crime, et
e déclnra
pr~t
ii
exécuter
tous les ordres qu'il plairait au repré–
sentant légitime du súuverain de lui
donner. Profitant d'un retour si im–
prévu, Nugnez demanda
a
étre conduit
a Tumbez. En remettant le pied sur
le sol péruvien, il se fit de nouveau
proclamer vice-roí, et releva Ja ban–
niere royale. D'abord, réduit au con–
cours de quelques citoyens qui jusque–
lil avaient gardé une prudente neutra–
lité, il vit sa petite troupe se recruter
parmi ceux que la maladroite sévérité
et les inopportunes vengeances de Pi–
zarre avaient indisposés contre le nou–
veau gouvern!lur. Bientot il se vit
a
la tete <l'une armée assez nombreuse
pour tenter une attaque sériense. En
méme temps, Diego Centeno, officier
habi le et audacieux, irrité par les pro–
cédés tyranniques du lieutenant de
Pizarre dans la province de Charcas,
s'insurgeait contre son supérieur, et
apres l'avoir tué, se déclarait pour la
cause roya le.
111al~ré
la fücheuse coi11cidence de
ces évenements, Pizarre conserva tout
le sang-froid qu'exigeait une position
si critique.
11
marcha sans hésiler con–
tre le vice-roi, espérant
~ouvoir
lui
livrer bataille et en finir d'un seul
coup avec lui.
Nu~nez,
jugeant que
)'infériorité de ses forces Jui laissait
peu de chances de succes s'il brus–
quait le dénot1ment, se
retira sur
Quito. Gonzale se mit
a
sa poursuite,
mais ne put l'empécher d'entrer dans
Quito, ot1 il comptai t se fortilier. Du–
rant cette longue marche
a
travers une
contrée hérissée de hautes montagnes
et entrecou pée de déserts arides, les
deux armées eurent
iJ
endurer des
souffrances et des fatigues
inouies.
Augustin de Zarate dit que Pizarre
suivit son adversaire l'espace de trois
mille milles. Un fait póurra donner
une idée des difficultés de la marche
d'une armée dans un pays aussi acci–
denté : pendant son voyage de Cuzco
a
Lima, pour renverser le vice-roi, Pi–
zarre avait été obligé de faire porter
ses canons
a
bras; " il fallait, dit Za·
rate, douze Indiens pour porter cha–
que piece, et ils ne pouvaient marcher
qu'environ cent pas avec un tel far–
deau; puis douze autres prenaient leur
place, et de cette maniere, il y avait