PÉROU ET BOLIVIE.
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licencié Pedro Ortez de Zarate. Enli11,
on nomma un maitre des comptes ou
trésorier général, et ce fut Augustin
d~
Zarate, !'historien que nous avons
cité plus d'une fois, qui fut désigné
pour remplir cette mission de con–
fiance.
- La nouvelle de ces décisions produi–
suit au Pérou la plus filchense 1mpres–
sion. On murmura, puis on réclama
hautoment contre les nouveaux regle–
ment . On finít par décider qu'on déso–
bélrait.
a
l'empereur. "L'esprit d'in–
subordination alla jusqu'a la révolte.
Des hommes gdtés par une longue
anarchie ne pouvaient voir sans répu–
gnance et sans crainte . l'introduction
d'un gouvernement régulier, l'établis–
sement d'une cour de judicature et
d'un vice-roi. Mais ils s'indignaient
encore plus a l'idée de se soumettre
a
des lois qui les dépouillaient en un
j.our. du fruit de tant d'années de tra–
vaux , de services et de souffrances.
Les habitants s'assemolerent, les fem–
mes en !armes, et les hommes se ré–
criant contre l'injustice et
l'jn~ra,titude
d'un souverain qui les privait de leurs
biens sans avoir entendu leur obser–
vation . E. t-ce
la, disaient-ils.,
la
ré–
compense due
a
d.escit~yens
qui, sans
le secours de l'Etat, a leurs propres
frais, et par leur courage, ont oumis
a
la couronne de Castille des terri·
toires si riches et Si étendus ? Est-ce
la _le prix de tant de maux que nous
avons soufferts, de tant de dangers
que nous avons courus pour servir la
patrie? Que! est, parmi nous, celui
qui ait assez bien mérité de son pays,
ou dont la conduite ait été assez irré–
prochable, pour qu'on ne puisse pas
Je condamner en vertu de quelqu'une
des di positions de ces nouvelles lo is,
con~ues
en termes si vagues et si géné–
raux ? e parais ent-elles pa rédigées
dans le but de devenir autant de pieges
auxquels il est i(llpOs ible d'échapper?
Tous les Espagnols de quelque con i–
dération, au Pérou, ont eu parta l'au–
torité; et tous, sans exception, ont été
forcés d'entrer dans le querelles des
différents chef: de parti. Faut-il dé–
pouiller les premiers parce qu'ils ont
rempli un devoir
1
et punir les autres
de s'etre trouvés dans des circonstan–
ces qu'ils n'ont pu éviter? Les conqué–
rants d'un grand empire, au lieu des
récompenses et des distinctions qu'ils
ont si bien méritées, seraient done
privés de la consolatiun
de pourvoir
a la subsistance ele leurs femmes.et de
leurs enfants, et forcés de les laisser
dans la dépendance des secours qu'ils
pourraient arracher a une cour in–
grate? Nous ne sommes plus, ajou–
taient-ils, eq_état d'aller découvrir de
nouvelles régions poury former des éta–
blissements plus solides. Notre santé,
affaiblie par l'dge, et nos corps cou–
verts de blessures ne sont plus pro–
pres
a
une vie si fatigante et si active;
mais il nous reste encore assez de force
pour défendre la justice de nos droits
et pour ne pas nous laisser dépouiller
honteusement
(*). "
Ces récriminations étaient sans doute
quelque peu vives et exagérées; mais,
d'un autre coté, il faut reconnaltre
que les nouvelles ordonnances frap·
paient les Espagnols dans leurs inté–
rets et daos leur avenir. La métropole
avai eu le tort grave de laisser s'im–
planter dans ce pays des abus révol–
tants; mais changer en un jour l'état
de choses qu'elle avait toléré jusque-la,
c'était ruiner la colonie de fond en
comble. Quelque droites et humaines
que fussent les inte.ntions du roi d'Es–
pagne
a
l'égard des indigenes de
I'
Amé–
rique, il éta it imprudent de les sous–
traire immédiatement au joug que la
conquete leur avait imposé; car c'était
prirer brusquement
les colons des
bras nécessaires pour les travaux de
l'agricultureet l'exploit.ation des mines;
c'était les dépouill er d'une propriété
sur laquelle ils avaient fondé toutes
leurs espérances; c'était aussi les ex–
poser
a
la vengeance de leurs esclaves
devenus libres. La cour de Madrid au–
rait ¡¡u prendre des moyens transi–
toire 'et préluder
a
l'affranchissement
des Indieos par des mesures mieux
(") Gomara, Hc1Tera, Augustin de Za–
rate, Garcilasso de la Véga, analy és par
Robertson dans son
JJistoire d'Amériqqe.