P:f:ROU ET BOLIVIE.
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mande , ce qu'il ne · croyait pas pos–
sible.
Mais, dans ses prévisions, il n'avait
pas foit la part de la trahison et du
malheur. Hinojosa, sur qui Pizarre
avait toujours cru ponvoir
comp~er,
Hinojosa, maitre de la flotte et d'une
ville_importante, reconnut publique–
i11ent l'autorité ele Gasea; son exem–
ple fut immédiatement suivi par ses
officiers , et
il
fut si irrésistible, que
les députes eux-memes se déclarerent
les serviteurs dévoués du président,
qu'ils étaiént chargés d'expulser d'A–
mérique. De telle sorte que Gonzale,
au lieu de recevoit· la nouvelle du dé–
part de Gasea, ainsi qu'il s'y atten–
dait, apprit qu'il était trabi par ses dé–
légués , et que son ennerni drsposait
de la flotte dP. Panama.
Le sort en était jeté; la guerre était
deveuue inévitable. Pizarre
cor!'11nen~a
par décréter Gasea d'accusation pour
s'etre emparé de ses vaisseaux , pour
avoir corrornpu ses officiers et ernpe–
cbé ses députés de passer en Espagne.
Commeil arrive toujours en p11reille cir–
constance, il se trouva des juges pou'r
se charger d'un pareil proces, et ces ju–
ges ne furent autres que les membres
de l'audience de Lima . Cépéda pro–
céda sans scrupule
a
l'instructioa de
cette singuliere affairé, déclara le
président coupable de haute trahison,
et le condamaa
a
mort. Sans doute
une pareille condamnation n'avait en
quelque sorte que la valeur d'une sim–
ple formalité; mais l'effet en avait été
Jiabilement calculé_et prévu : la foule
d'aventuriers ignorants qui peuplait le
Pérou
fut
vivernent impressionnée par
ce jugement, et voyant dans Gasea
un crimine! frappé par la loi, elle s'ern–
pressa d'aller se ranger sous les dra–
peaux de Pizarre, qui, des ce rnoment,
se trouva a la tete de mille hommes
parfaitement équipés et pourvus d'ar-
tillerie.
·
Gasea, instruit des dispositions de
Pizarre, n'était pas non plus resté
inactif: il
fit
venir de
icaragua, de
Carthagene et des autres établisse–
ments espagnols les plus voisins, tou–
tes les troupes disponibles. Bientdt il
se vit entouré d'un nombre respecta–
ble de défenseurs, et il put meme dé–
tacher de sa flotte une petite escadre
portant des fo rces assez considérables
et chargée de murntions de guerre.
Cette escadre parcourut le littoral du
Pérou ,
déposan~ ~a
et la des agents
qui répandirent a profusion des copies
de l'acte d'amnistie et de la révoca–
tion des dernieres ordonnances. Par ce
moyen , dans l'espace de quelques
jours, le caractere pacifi9ue du prési–
dent et le but de sa m1ssion furent
connus de toute la population de la
cote;
il
en résulta une prompte réac–
tion en sa faveur. Tous les Espagnols
que les imprudentes violences de Pi–
zarre avaient froissés ou atteints dans
leurs intérets, tous ceux qui avaient
gardé quelque fidélité a l'empereur se
détacherent secretement de la cause
de Gonzale. Quelques-uns meme pri–
rent ouvertement parti pour le prési–
dent'; Centeno futdece nombre. On se
rappelle que ce capitaine, battu par
Carvajal, s'était réfugié dans les mon–
t<1gnes.
.A
la nou1•e11e de ce gai se
passait, il quitta hardiment la caverne
ou il était resté caché pendánt plu–
sieurs 1 ois, réunit une cinquantainede
soldatsdévoués, et s'avanca vers Cuzco.
Quoique cette ville füt •occupée par
un corps de cinq cents hommes, une
attaquenocturne, aussi audacieuse que
bien combinée, l'en rendit maltre. La
plupart_ des offici,ers et des soldats de
la ga rnison passerent sous son com–
mandernent, avec ce lais>er-aller qui
caractérise toutes les défections de
cette guerre civile. De sorte que Cen–
teno se vit, en tres-peu de temps, le
chef d'une petite armée dont la coopé–
ration allait etre d'un grand secours
au président.
Pris entre deux feux, Pizarre dut
songer d'abord
iJ
repousser l'ennemi
le plus actuellement redoutable, c'est–
a-dire Centeno. 11 marcha
a
sa ren–
contre avec un empressement.qui ré-.
vélait les appréhensious que cet inci–
dent imprévu lui avait fait concevoir.
Chaque soldat avait été pourvu d'un
cheval , pour franchir plus rapidement
l'espace qui séparait les deux armées.