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L'UNIVERS.
Mais Gonzale n'avait pu prévoir que
de tous ces ·hommes qu'il menait au
combat, la moitié l'abandonnerait en
chemin. Tous les matins, le général
apercevai t avec dépit les vides causés
dans ses Tangs par la désertion. Ar–
rivé
a
Huarina, pres du lac de Titicaca,
il
s'aper~ut
qu'il lui restait
a
peine
400
hommes. Il est ·vrai que les soldats
qui lui étaient encore fü:leles formaient·
l'élite de son armée et qu'il pouvait
compter sur leur dévouement, car non–
seulement ils luí étaient sincerement
attachés , mais encore l'insurrection
avait établi entre eux et Jui un lien de
solidarité que rien ne pouvait plus
rompre. Aussi Pizarre, malgré les
pertes sensibles qu'il avait éprouvées,
n'hésita-t-il pas a attaquer Centeno ,
qui comptait le double de partisans.
Au dire des historiens, le combat
qui s'ensuivit fut le plus acharné et le
plus sanglant qui se ñlt livré au Pérou
depuis le commencement de la guerre
civile. Malheureusement pou Diego
C'enteno, il était, ce jour-la, si malade,
qu' il ne put assister
a
a bataille que
dans une li t!iere. Son absence fut fatale
a
son armé{l ; la victoire resta
a
Pi–
zarre, merveilleusement secondé , en
cette circonstance comme toujours ,
par son conseiller Carvajal. La Jutte
avait t\té si vive, que Pizarre avait eh
son cheval tué sous lui , et était tombé
a
terre. Plu·s de
350
royalistes reste–
rent sur le terrain ; du -cdté de Pizarre,
Ja perle fut de
100
hommes tués sans
compter les blessés. On peut done af–
fi rmer que le Pérou n'avait pas encare
été le théiitre d'une rencontre aussi
meurtriere entre Européens.' Le butin
fut
immense, et ce qu'il y a de singu–
lier, c'est que, tandis que les pizar–
ristes poursuivaient une partie des
royalistes daos une.direction , un cer–
tain nombre de soldats de Centeno,
fuya~t
d'un ¡¡utre coté, passerent de–
vant les tentes de Gonzale, et les
.voyant désertes , les dépouillerent de
tout_es
les
ríchesses qu'elles 'conte–
naient
(*).
Nous rappelons ce fait pour
acbever d'e donner une idée de cette
(*)
Aug. de Zarate.
guerre m81ée de barbarie et de cupi–
dité , d'i nstincts sanguinaires et d'a–
mour du
pilla~e.
La victoire de Huarina releva le cré–
dit et l'influence de Pizarre; en peu
de jours il vit augmenter le nombre de
ses partisans
a
tel point qu'il n' eut pas
a
regretter ses pertes successives.
Daos une autre partie du Pérou, les
affaires avaient pris une face toute dif–
férente. A peine Pizarre avait-il quitté
Lima, que les habitants de cette capi–
tale , fatigués de sa tyrannie, ou plu–
tdt craignant la vengeance du prési–
dent, avaient arboré l'étendard impé–
rial, et ouvert les portes de leur ville
a
un détachement de soldats royalistes
commandé par AJdaaa. Profitant des
chances heureuses que le sort parais–
sait lui réserver, Gasea avait quitté
Panama et avait pris terre
a
Tumbez
avec
500
hommes. Son apµarition avait
suffi pour décider tous les Espagnols
répanrlus dans les districts maritimes
a
s'enrdl er sous ses drapeaux. Rientdt
tout le pays , depuis Quito jusqu'aux
' provinces méridionáles, reconnut son
autorité ; quant au Cuzco et aux dé–
pantements voisins, ils étaient encore
en la possessioa de Pizarre. Le prési–
dent, tout prétre qu'il était, n'avait
pas bésité
a
tirer le glaive; il alliait
a
Ja bienveillance et
a
la douceur d.é
l'homme d'église l'énergie et l'audace
du guerrier; habitué
i.t
la soutane, il
n'en avait pas moins fierement endossé
la cuirasse , et il était fermement ré–
solu
a
pousser ]'aventure jusqu'au •
bout. Toutefois, désirant éviter l'ef–
fusion du sang , il tachait d'attire
r alui par la persuasio¡1 les
.rebell~s
J.es.
plus récalcitrants, leur prometta
nt,sa!1s arriére-pensée , Je pardon et l'on–
bh de leurs fautes, et
s'avan~ant
par-·
tout l'oli vier
a
la main. Il avait iridi–
qué la vallée de Xauxa pour rendez–
vous général
a
ses
troupe~.
11 s'y arreta
plusieurs mois, .autant pour ex ercer
ses recrues et habituer ses partisans
a
son autorité , que pour essayer d'a–
mener les choses
a
uh dénoüment pa–
cifique. Mais Gonzale, méprisant les
sages avis de Carvajal et du licencib
Cépéda , persista
a
vouloir
ré~oudre
la