P.tROU ET BOLIVIB.
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question par les armes. L'attitude de
so11 armée, qui comptait déja plu s de
1,000 soldats, et les succes qui avaient
ju qu'alors accompagné ses entrepri–
ses, lui inspiraient des espérances qui
étouffaient en lui Ja voix de la pru–
dence et de la raí on. Le pré ident ,
voyaJ1t qu'il perdait son temps en inu–
til es rernontrance et en vaines exhor–
tation , se remiten marche et se di–
rigea sur p uzco, a Ja tete d'une armée
de
t
,600 nommes.
P izari'e se disait et se crovai t réel–
lemen t cei-tain de la victoire; qu'a–
vait·il besoin, des lor 'd"oppo era la
marche de son ennemi ces obstacles
et ce
difficulté qui sonf la vulgaire
re sou rce des ho111111es qui doutent de
]'avenir?
II
laissa le présic,ient franchir
librement toutes les rivieres qui arro–
sent le territoire compris entre Gua–
man~a
et Cuzco, et s'avancer a quatre
lieues de cette dern iere ville. Aussi
bien , il avait calculé que, ven·u si loin
pour se faire battre, son adversaire
ne pourrait plus se sauver par Ja fuite,
et que, par conséquent , Ja guerre se
terminerait en un seul jour.
A
isté par son inséparable conseil–
Jer Carvajal , Gonzale
Pizarre choi it
Je terrain du combat et
pr.itse dL po–
si ti on en homme
hauitu~
au
ru e
du métier. Rien de plus singu lier que
Je contra te offert par ces deux armées
prétes a en venir aux mains : dans celle
de Pizarre on ne voyait que soldats et
officiers vétus de riche étoffes de soie
couvertes de broderies d'or et d'ar–
gent, chevaux magnifiquement capa–
raQonnés, armes et bannjeres splen–
didement ornées; dans l'autre c¡imp
on remarquait une tenue plus sévere
et plus modeste; le président, aocom–
pagné de l'archevl\qu de Lima, des
éveques de Quito et de Cuzco, et d'un
grand nomure d'autres ecclésiastiques,
parcourait les rangs de
Sf.<
défenseurs,
Jeur prodigua'nt ses
en.;ouragement~
et ses bénédictions, invoquant le nom
du roi et celui de Dieu , semblable, en
quelque sorte, a ces reli gie11x d'un
autre temp qui, par leu r prieres et
leurs discour
enthou iastes , exci–
taient l'ardeur belliqueuse des cbeva-
liers qui allaient combattre en terre
sainte.
C'était Je 9 avril 1548 ; l'action
commen~a
par un combat d'artillerie
a
grande di tance. Au moment .ou elle
allait· devenir plus sérieuse, Garci–
lasso de la Véga , un des of6ciers de
Pizarre, galopa vers Je camp roya–
li
te et se rendit au président
(*) ;
ce
fut
le signal d' une désertion génP,rale
dans les rangs des
pizarri~tes .
Quel–
qu es instants apres, le licencié Cé–
péda, qui avait ¡ictivement présidé aux
préparatifs de ra batai ll e , piqua des
deux et courut également vers l'armée •
impériale. Pour uivi par un de ses
compagaons, il tomba dans une mare
ou
il
aurait infailliblement péri , si
plusieurs cavaliers de l'armée de Gasea
a'étaient venus a son aide. Vinfame
qui avait trahi
le vice-roi
ugnez
Vela pour se livrer
a
Pizarre, et qui
venait d'abandonner
lachement son
nouveau maitre , alla baiser les mains
au président et implorer sa générosité.
Quoique souillé de fange et dans un
état de saleté repoussant,
il
füt
ho–
noré d'une accolade paternelle qui lui
assura
es bonnes griices de Gasea.
Apres lui, d'autres officiers passerent
successi vement dans.les rangs des roya–
Jiste 'et leur fuite donna lieu
a
des
épisode singulier , parce que les tra1-
tres étaient poursuivis par des parti–
sans fideles de Pizarre. Bientélt les so l–
dats eux-mémes se déuandent et vont
fraterniser avec l'enn emi. Carvajal ;
en se r•etournant,
s'aper~oit
qu'il est
re té seul; le batail Ion que comman–
dait Pizarre en personne déserte aussi
en grande partie. Ríen ne peut arre–
ter
les
fuyards, ni les menaces, ni les
promesse , ni les supplications ; en
quelques ipstants, cette armée réunie
a
grands frais et avec tant de difficulté,
cette armée a l'aide de laquelle Pizarre
e pérait fermement conquérir le trélne
du Pérou , est entierement dispersée
(*) La trabison était alors, au Pérou ,
chose si commune, que !'historien Garci–
lasso de la Véga, fil de celui dont il est ici
que tion, raconte tres-naivement la défec–
tion de son pere, sans chercher le moins du
monde
a
la justifier
ni
a
l'excuser.