PÉROU ET BOLIVIE.
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prieres et quelques aumones pour fait·e
dire des messes en son nom. Il se mit
ensuite a genoux devant le crucifix
posé sur une table; il s'opposa
a
ce
qu'on llli bandat les yeux, et recom–
mancla au bourreau de bien faire son
devo_ir. A ce moment, l'exécuteur' lui
releva la barbe, qu'il avait tres-longue,
et, d'un seul coup,
il
lui trancha la
tete
(*).
Le bourreau ayant voulu en–
suite le ddr,ouiller de ses riches habits,
Centeno
1
en empecha, en luí promet–
tant une sbmme égale au prix de ces
vetements. Le corps fut porté
a
Cuzco,
et enterré tdut habi llé, " personne ne
s'étant offert a lui donner un pauvre
drap
(**).
»
Par un singulier jeu de la
fortune, le seconcl I> iza rre fut enseveli
dans la chapelle ou reposaient les res–
tes de Diego d'Alrnagro et de son fils.
Ainsi furent rapprochés dans la mort
des hommes que l'ambition avait ar–
més l'un contre l'autrc pendant leur
vie; tous trois morts dans l'isolement
et dans la pau vreté , apres avoir été
entourés de tout ce que Je luxe et la
puissance pouvaient alors avoir d'at–
trayant dans le nouveau monde. Fran–
~ois
I?izarre aussi avait péri miséra–
blement; de sorte que les deuxfamilles
rival es avaient passé par les memes
vicissitudes , toutes deux proscrites
apres avoir été toutes deux au faite du
pouvoir.
Carvajal, comme conseiller intime
et lieutenant de Pizarre, fut traité en–
core plus séverement: il fut conclamné
i1 étreécartelé. La mortde Gonzaleavait
été indigne d'un homme de guerre, et
surtout d'un rebelle ; celle de son ami
fut tout le contraire. Can•ajal s'était
toqjours distingué par son humeur
roilleuse et enjouée,jointe
a
une valeur
indomptable. Ses mots heureux et ses
mordantes saillies n'avaient pas moins
contribué
a
le rendre célebre au Pé–
rou que son intrépidité et sa crua11té
inexorable. Les chroniqueurs citent
de luí des actes et des p¡1roles <Jui prou–
vcnt qu e, rnalgré ses quatre-vingt-qua-
tl'e ans, il avait conservé, dans toute
leur vigueur, ses instincts sanguinai–
res, sa bravoure chevaleresque et ses
rares qualités d'esprit. Il y avait dans
cet homme grossier le courage impé–
tueux de Richard Creur de Lion, la
froide barbarie de Tamerlan, et la verve
caustique de Rabelais. Tel il avait été
pendant sa longue carriere, tel
il
fut
a ses derniers moments. Quand il en·
tend it prononcer son arret,
il
se con–
tenta de dire
t? u
Allons, j'en serai
quitte pour mourir
! "
N'ayant pas
reconnu ou ayant feint de ne pas re–
connaltre Diégo Centeno, qui le gar–
dait et qui lui offrait se.s services :
"Excusez-moi, lui dit-il : ne vousayant
jamais vu que par del'riere,
il
1:p'était
impossible de me rappeler
v~tre
visa–
ge;
»
allusion sanglante aux victo'ires
qu'il avait remportées sur Centeno.
Cet officier persistant
a
l'accabler de
soins et de prévenances, il luí dit en
ricanant : "Ne croyez pas que la pers–
pective de la rnor'l me trouble au point
de me faire commettre la liicheté d'in–
voquer votre obligeance. Je vous avoue–
rai mel)le que je n'ai jnmais eu une
aussi violente envíe de Til'e qu'en en–
tendant les offres de service et les pro–
testations
empt·es~ées
que vous voulez
bien me faire. " Quand il sut que, le
lendemain de la bataille, le vainqueur
n'avait encore fait mourir personne,
il s'écria avec une brutale na"iveté: " JI
faut convenit· que monsieur le prési–
dent est' un homme bien charitable;
quant
a
moi' si la victoire se filt dé–
clarée pour mon partí, je vous jure
qu'a l'heure qu'il est, j'aurais cléja dis–
persé dans cette campagne les mem–
bres de neuf cents hom111es." Il re–
fusa obstinément dese confesser, disant
qu'il l'avait fait depuis peu. Quand
on lui parla de restitution, il réponait:
" Sur ce point, ma conscience ne me
reproche rien ; je confesse seulement
devoir un demi-réal
a
une pauvre ca–
baretiel'e de la porte de I'Arénal,
a
Séville, depuis l'époque ou j'ai quitté
l'Espagne.
»
Lorsqu'on le mit clans le
(•) Garcilasso de la
Véga,
Jiistoire des
tombel'eau qui devait le mener au sup-
guerres
ci~iles
des Espag-nols.
plice, comme la voiture était faite cl 'o-
(..) Garcilasso.
sier,
il
murmura :
«
Enfant au ber-
300
L'ivraison.
(PÉROU E'l! BOLIVIE.)
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