PÉROU ET BOLIVIE.
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YunACARES.
Ce nom, qui signifie
hommes blancs,
désig·ne une peuplade
dispersée au pied des derniers contre–
forts des Andes orientales, et surtout
dans les forets qui avoisinent les mon–
tagues. Quoique cette nation ne compte
pas aujourd'hui deux mille individus,
elle occupe une superficie de vingt
a
trente lieues de largeur, comprise entre
Santa-Cruz de la Sierra
a
l'est, et la
longitu(.le de Cochabamba
a
l'ouest; les
67• et ti9º degrés de longitude occiden–
tale,
16•
et
17º
degrés de latitude sud,
forment les limites du territoire habité
par ces sauvages.
Le trait caractéristique des Yura–
cares est la couleur presque blanche
de la peau, cou leur qui évidemment
n
'e.stpas une anomal ie, et doit etre
exclusivement attribuée a l'iníluence
des foréts épaisses et humides sous
l'ombredesquelles viventconstamment
ces Indiens. Ce qu'il y a de plus sin–
gulier encare, c'est que sur un grand
nombre d'entre eux, le visage et le
corps sont couverts de larges taches
d'une nuance beaucoup plus claire que
le reste de leur peau. ous ne savons
jnsqu'il quel poi1,1t on peut ilSSigner
pour cause a ce phénomene une 1xrnladie
cutanée; l'opínion de
tvf.
d'Orbigny
a
cet égard, quoique positivemeut for–
mulée, ne nous parait pas péremptoire,
car un voyageur anglais a observé la
meme anomalie sur les
quarterons
de
_Lima; seulement chez ces dernicrs les
taches sont naires, comparativement a
la couleur g.ínérale du corps.
La taille des Yuracares e t, en
moyenne, de
1
metre 66 centimetres,
et atteint quelquefois
1
metre 76 cen–
timetres. Ce peuple est done remar–
quablement plus grand que les nations
dont nous avons déja esquissé la phy–
sionomie. Le corps, convenablement
proportionné
a
cette stature' offre
toutes les apparences de la force et d.e
]'agilité. La fierté de la démarche trah1t
la vani té qui constitue le fond du ca–
ractere de cette
peuplad~.
Les
fe~me~
ont aussi des formes qui, sans nU1re a
Ja grace et a la SOuplesse, aDllOncent
une grande vigueur physique.
Complétement différents des Qui.-
cimas , sous le rapport de la couleur,
les Yuracares se rapprochent d'eux
sous le rapport des traits. Leur front
court et bombé , leur nez long et pres–
que toujours aquilin, leurs yeux petits
et noirs surmontés de sourcils arqués,
leur barbe droite et rare, leurs che–
veux noirs, roides et longs, rappellent
Je type inca ou quichua. Seulement
leur physionomie se distingue par une
expression de fierté et de vivacité
qu'on peut prendre
po.urde l'enjoue-
rnent.
.
Le langage des Yuracares est tres–
doux, sans accumulation de conson–
nes ni désinences trop dures, quoique
lej soit guttural ("). Cetteeuphonie suf–
firait
a
elle seule pour établir une no–
table différence entre cet idiome et la
langue des Quichuas et des Ayrnaras.
D'autres particularités corroborent la
distinction; mais nous les passerons
sous silence a cause de
I'
espace borné
(•) Ce que nous avons déja dit de la ru–
ilesse et dela gutturalion de cerlains idiomes
particulie1·s aux peuples de ces contrées, ne
dcnne qu'une idée bien insuffisa nte de la
pronondation et de la hizarrerie de ces;
idiomes. L'ex1rai1 suiVan l du voyage de La
Condami1re snr le lleuve des Amazones
contieut des détails plus explicites et par
cela meme plus p11opres
a
faire compren–
dre la singularité de ce phénomime phi–
lologíque :
"La langue des Yameos, dit le célebre
voyageur, est d'uue difficulté inexprimahle,
et leur maniere de prononcer est encare
plus ex1raordinaire q11e leur langue. lis par–
lent en retiran! leur respirntion et ne font
sonner presque aucune voyelle. lis 0111 des
molS que uous ne pourrions écrire, meme
imparfaitement, saus employer moins de
neuf ou dix syllabes; et ces mots, pronon–
cés par eux, semblenl n'eu avoir que lrois
ou c¡uatre.
Poettarrarorincouroac
signifie
en leur laugue le nombre
trois.
Heureuse–
ment po11r ceux qui ont affaire
a
eux , leur
arithmétique ne va pas plus loin. Quelque
peu croyalile que cela paraisse, ce n'est pas
la senle nalion indienne qui soit daus ce
cas. La langue
brasilienne,
parlée par des
peuples moins lírossiers, est dans la méme
diselle, et passe le nombre
trois,
ils sont
o1iligés , pour compler, d'empruuler le •
secours de la langue po1·1Ugaise.
»