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LETTRES
Mahomet. Cette haine générale du ncm du pápe
étoit devenue plus vive
a
Scio, oú l'on prétendoit
que ses galeres avoient aidé les Vénitiens
a
s'empa–
rer de la place. Les schismatiques
~rofitant
maligne–
ment de la conjoncture , ne doutoient pas que l'aveu
public et juridique des Latins survenant Ia-dcssus ,
il n'y etl.t de quoi les perdre
a
jamais. Pour cela ils
ménagerent a grands frais ' et par de longues in–
trigues , une as:semblée générale des gens de loi et
de tous les agas de l'ile , en présence du cadi. Le
vicaire-général , .qui étoit revenu depuis peu avec
quelques-uns de ses pretres , tous les
J
ésuites du pays,
et tous les chefs des familles latines
y
furent Cités ;
mais Dieu confondit l'iniquité, et protégea l'inno–
cence. Les Latins avoient été avertis sous main par
<les Turcs de considération , leurs anciens amis ,
qu'ils eussent
a
se garder par-dessus toute chose de
prononcer dansce jugement le nom du pape; qu'on
n'attendoit que cela de leur part pour achever de les
exterminer. lis profiterent de l'avis. Quelques de–
mandes que leur
fü
le cadi ' et de quelque coté
qu'il les tournat, jamais il ne put tirer de leur bouche
d'autre nom que celui du Roi de France , redisant
incessamment qu'ils alloient prier Dieu asa chapelle;
qu'ils croyoient en Dieu, et faisoient tous leurs exer–
cices de piété comme lui; qu'enfin ils n'avoient que
la meme religion et le meme chef de loi que lui.
L'interrogatoire dura u!le grande heure, pendant
laque
lle
il ne fut pas possible de tirer d'eux autre
chose.
A
la fin , un bey de galere , leur ami , qui
rioit depuis long-temps de ce manége, dit en se
levant :
«
Pour moi, je me fierai toujours plus
a
»
ceux qui croient comme les Frans;ais, qu'a ceux
>)
qui croient comme les Moscovites;
>>
voulant par–
la
insinuer les Grecs, qui le sentirent vivement, mais
qui n'oserent répliquer. L'affaire en demeura
la;
il
n'y eut point (l'acte judiciaire dressé, et les Latius
eu
furent quittes
pour cent
écus
de
dépens.