ÉDIFIANTES ET CURIEUSES.
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qnand il le dénonce et l'accuse d vant le cadi, cet
équitable juge répond
a
l'accusateur
a
peu pres en
ces termes:
«
Il est vrai qu'il t'a maltraité , mais le
pauvre homme jeune. Voís son visage , il fait pitié ;
il <::st si foible qu'il mourroit
ati
premier coup de
Mton. Le jeune nous aífoiblit le corps et l'esprit,
je ne '5ais presque oú j'en suis moi-meme: la défail–
lance nous fait tourner la
t~te;
il étoit apparemment
a
demi-fou quand il t'a
fait
ce manvais traitement.
Que veux-tu que je lni fasse? Je t'en fais toi-meme
le juge
:
le voil:l sans forces et presque pret
a
tomber
de fuiblesse. Veux-lll que je le fasse expirer sous les
coups ? Ce seroit une cruauté.
n
L'accusateur , si
c'est un Chrétien, fait semblant d'etre persnadé par
ces raisons, et s'il n'est pas satisfait de ce procédé,
il a du moins la consolation de s'etre plaint. Si c'.est
un Musulmam, il est plus que convaincu de la soli–
dité des raisonnemcns du cadi , parce que lui-meme
joue dans la comédie le personnage de jetmeur. Ainsi
se terminent communément les proces dans ce temps
de pénitence , surtout si l'accusé trouve le moyen
de faire passer secretement quelque somme d'argent
entre ]es mains de son juge : cette somme attire
infailliblement la compassion sur son épuisement et
sa prétendue foiblesse. Il se trouve cependant queJ–
quefois des gerrs de mauvaise humeur , qui ne se
contentent pas de ces raisons, et qui veulent abso–
lument une satisfaction proportionnée ; mais qnel–
quefois aussi ils en sont mauvais marchands, et c'est
ce qui arriva le careme passé.
.
Un Tmc traduisit devant le tribunal public un
autre Ttuc , dont il avoit re9u un affront sanglant.
Le juge gagné penchoit vers la clémence ; et pour
~Lre
autorisé
a
ménager le coupable qu'il protégeoit
et qu'il vouloit sanver , il
fit
beaucoup valoir la
raison tirée du jeúne. Elle ne parut pas
a
l'accu–
sateur une raison suflisante, il s'obstina
a
soutenir