EDIFIANTES ET CURIEUSH.S.
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il
n'y en avoit aucun qui
Sllt
]es langues que je savois.
On n'y parloit que turc et arménien : ainsi je me vi'!i
encore réduit
a
garder forcément un profond silence•.
Je crus en vérité que j'avois commis autrefoisquelques
péchés de paroles, dont Dieu vouloit me faire faire
/
pénitence. Cependant deux ou trois mahométans qui
savoient l'arahe , se joignirent
a
noils dans la route.
Je
me trouvai alors un peu plus
a
l'aise; je fis con–
noissance avec un des trois, qui me té.moignoitbeau–
coup d'amitié, et
qui
me servoit de truchement toutes
les fo\s que je
l'
en priois.
On mene lme vie tres-frugale dans ces caravanes;
on n'y mange rien de chaud qu'une fois le jour, et
ce bon repas consiste en un peu de riz qu'on fait cuire
a
demi ' et
qu'
on arrose d'un peu de beurre : quand
on peut avoir un peu de viande , on la
fai~
bouillir ,
on
se sert du bouillon pour faire cuire le riz; c'
est
alors ce qu'on appelle faire un repas déJ.icieux. L 'eau,
telle qu'elle se rencontre , est la boisson ordinaire.
On couche au milieu de la campagne , et le plus
que
ron peut aupres des ruisseaux et des rivieres.
On l)'a pour lit que la terre couverte d'un petit tapis;
et pour se me ttre
a
couvert de la rosée et de la pluie,
on n'a que ses habits et la parience. Le jour, quand
il faJ,Ioit camper au soleil , nous faisions une espece
de
tente avec denx petits tapis de bergame, qu'on
attachoit
a
de grands batons. Malgré tant '1.'incom–
modités et la délicatesse de mon tempérament, Dieu
m'a fait la grace de me conserver toujours en parfaite
santé. Comptez , mon révérend pere, qu'il y
a
des
graccs
d'
é
tat.
La premiere journée, nous n'allames qu'a Pouar–
hacha,
a
deux lieues de Smyrne; la traite n'étoit pas
longue, et c'étoit seulementpour nous mettre en ha–
lejne. Ce fut la que s'assemhla la caravane , et que je
commen~ai
a voir quantit.é de grues qui avoient leurs
nids sur les arbres, et qui se tenoient dedaus et dessus