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LETTRES
couchant : nous n'osions partir de jour , de penr
d'etre
aper~us
des corsaires. N ous voguames toute
la
nuit par un temps assez rude; le vent varia,
mais
enfin il nous conduisit au port de Scio. Nos peres
a
qui
j'
étois annoncé depuis long- temps , me croyoient
per<l.u. Quelle fut leur joie quand ils me revirent
!
Il
fallut m'arrb.cher
a
leurs empressemens' et m'embar–
qner sur une galere du Grand-Seigneur , qui devoit
partir le lendemain. Je m'y rendis des le soir, et
j'y
fus
re~u
avec bon
té :
ainsi en usent toujours les Turcs
avec nos missionnaires , quand ils ont
a
passer d'une
ile
a
une autre , ou des Hes
a
la terre ferme. Ces in–
fideles les prennent volo11tiers sur leurs galeres,
ils
)eur font des amitiés, et ils leur laissent du moins une
liberté entiere de consoler et d'instruire la chiourme
chrétienne. Nous partJ:mes
a
deux heures apres
mi–
nuit, et nous n'arrivAmes
a
Smyrne que sur les neuf
hcures :
j'y
étois annonté comme
a
Scio , et l'on
fut
hien surpris de me voir. L'accueil fut des plus
gracieux.
J'arrivai
a
Smyrne le
I
8
d'avril' et j'appris en
arrivant qu'une caravane devoit partir pour Alep
le
1
3
de mai : je profitai de cette occasion. Quelques
correspondans de mes amis
d'
Alep me joignirent
~
des marchands arméniens de leur connoissance,
a
qm
ils me recommanderent; ils . e pouvoient me pro–
curer une meilleure compagnie: c'étoient de fort
ai–
mahles gens, et pendant tout le voyage, j'en
re~us
toutes les caresses et toutes les civilités possihles. Ils
·étoient persans , et presque tous d'Erivan. Je
fus
sur–
pris du peu qu'il en co1he par ces caravanes :
notr~
maitre m11letier ne prenoit que huit écus ponr le
mu–
let qu'il fournissoit pendant trente-qnatre jotus de
marche. Je lui en donnai dix, afin qu'il eut
un
peu
soin de moi; et je temarquai que cette petite gratifi–
cation me l'avoit aflectionné. Dans toute notre
cara–
vane,
qui
étoii composée d'une centaine de
personnes,