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"LETTRES
frnits qu'on
y
recueille, nous les rendent non-seule•
ment supportahles, mais encore tres-consolantes.
Je
finirai ces mémoires de nos missions de Syrie par le
récit d'une histoire qui doit vous paro1tre fabuleuse,
et que nous-memes nous ne pourrions croire , si nous
.n'avions connu ici la personne dont je vais vous
parler.
Un jeune _Turc Q.e Damas, agé d'environ treize
ans, passant sur une sa·ique .. fut pris par des cheva
liers de Malte. Ces chevaliers le donnerent.
a
un sei–
g11eur espagnol, qui le mena en Espagne avec lui.
·son 11ouveau ma1tre le prit en affection; il le
fit
ins.;.
truire de la religion catholique, et la lui
fit
embrasser-.
Quelques années apres, l'Espagnol ayant été obliglf
d'aller servir en Flandre, il emmena avec luí son
nouveau catholique. Les bonnes qualités qu'il remar–
qua dans ce jeune homrp.e, et celles en particuliet
que le métier de la guerre demande , engagerent
l'
of–
:ficier espagnol
a
demand,er pour son Turc,
a
la fin
de
la
campagne, une compagnie de cavalerie dans
l"armée espagnole; il l'obtint. Le nouveau capitaine·,
qui avoit alors environ vingt-cinq ans, fut envoyé
a
Bruxelles pour son quartier d'hiver.
La réputation qu'il
y
porta d'etre un bon officiet
dans l'armée, le fit recevoir avec distinction dans les
meilleures maisons de Bruxelles.
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fréquenta parti–
~ulierement
celle ou logeoit une riche dame d'Ams–
terdam.. qui étoit venue
&
Bruxelles avec sa fille;
pour y passer quelque temps.
La mere et la fille étoient tres-bonnes catholiques;
elles voyoient avec plaisir venir chez elles le jeune
officier espag.n<;>l, en qui elles remarquoient de l'
es–
prit, de la sagesse , de la politesse , et une conduite
tres-réglée. Elles savoient d'ailleurs la considération
que les auti:es officiers avoient pour lui.
·
L'hiver s'étant
pass~,
notre officier turc , qui se
disoit
toujour~
espagnol, se flatta que le bon
accue.il·
'
que