Table of Contents Table of Contents
Previous Page  125 / 542 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 125 / 542 Next Page
Page Background

'100

LETTRES

~ecours

des

pestif~rés

pendant l'année

1719.

La

lettre

que le pere Yves de Lerne, supérieur de notre

mission

a

Alep, m'écrivit

a

ce sujet, est si édifl.ante,

que je crois devoir en donner l'extrait

a

votre pa–

~ernité.

Sa lettre est du 7 mars

1

7

20.

La ville d'Alep, écrit le pere de J...jerne , a été con–

tinuellement affiigée d'une violente peste de1mis le

mois de mars

1719,

jusqu'au mois de septembre de

la

meme année. Les Turcs les plus agés conviennent

de n'en avoir jamais vu une si vive et si meurtriere.

L'opinion commune est que dans Alep la mort a en–

levé cent vingt mille ames au moins , tant chrétiens

que turcs. La terreur étoit si grande et si universelle ,

que les sains et ]es malades avoient égalemoot recours

a

nous pour les confesser.

J

our et nuit on étoit

a

notre

porte pour nous demander notre secours. Les catho–

liques , les hérétiques , les francs , les riches et les

pauvres nous appeloient également. Quel triste spec–

tacle, mon_révérend pere ! Nous trouvions dans une

merne chambre quatre et cinq malades , avec une

· seule personne pour les servir, et tous en danger

de mort. J'ai été souvent ohligé de me tenir couché

entre deux pestiférés pour les confesse\- l'un apres

l'autre, tenant, pour ainsi dire, l'oreille collée sur

.leurs levres , pour tacher d'entendre leur voix mou–

.rante.

Apres avoir rendu

a

leurs ames les secours les

plus pressés , quelques-uns de nos missionnaires out

~u

la charité de laver leurs corps et leurs habits cou–

verts d'une infection toute des plus horribles, et de

baiser eusuite leurs mains et lcurs pieds. Nos pretres

ne pouvoient suffire

a

enterrer les morts. Ils ue fai–

soient qu'aller au cimetiere commun pour

y

portcr

les corps et en revenir aussitót pour

y

en porter

d'autres.

,

Les pauvres ouvriers ne pou;vant plus travaiJJer,

étoieni réduits

a

une grande nécessité. Dieu ltur a