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/

EXP

que vous mettrez de la délicateífe

&

des

orn~mens

dans les chants qui ne font qu'élégans

&

grac1eux,

du

piquant

&

du feu dans ceux qui font animés

8:

gais , des gém.iífemens

&

des plaintes dans

ce~x

qut

font tendres

&

pathétiques ,

&

toute

l'agit~twn

du

forte-piano

dans l'emportement des paffions v10lentes.

Par-tout

Otl

l'on réunira fortement l'accent mufi–

cal a l'accent oratoire; par-tout

Oll

la mefure fe fera

vivement fentir

&

fervira de guide aux accens du

chant; par-tout

oit

l'accompag~ement

&

la

vo!~

fau-ront tellement accorder & umr leurs effets , qu 1l

n'en réfulte qu'une mélodie ,&que l'auditeur trom–

pé attribue

a

la voix les paífages dont l'orchefire

1

1

embellit ; enfin par-tout oitles ornemens fobrement

menagés porteront témoignage de la facilité duchan–

teur, fans couvrir

&

défigurer le chant,

l'expre.fjion

fera douce, agréable

&

forre, l'oreille fera charmée

&

le creur ému: le phyfique

&

le

mor~l

concourront

a

la fois a

u

plaifir des écoutans'

&

il régnera un tel

accord entre la parole & le chant , que le tout fem–

hlera n'etre qu'une langue délicieufe qui fait tout dire

&

plait toujours.

(S)

On me permettra de joindre ici mon fentiment fur

1'

expre.fjion

en mufique. Peut-etre trouvera-t-on que

je n'ai fouvent fait qu'étendre les idées de

M.

Rouf–

feau.

11

efi vrai , mais elles le méritent.

L'expr~(fion

muficale fe fonde fur trois'chofes:

l.

Sur la mélodie.

JI.

Sur l'harmonie.

III.

Sur le genre de l'accompagnement9

Pour porter

l'expreJ/ion

a

fon comble,

il

faudroit

que le muficien

fí'tt

poete, ou celui-ci

mu~cien. ~n

homme qui réuniroit ces deux talens ferott un pem–

tre habile' non-feulement

a

deffiner correétement

un portrait' mais encore

a

lui donner le

col~ris'

l'attitude,

&

l'habillement de fon original. Mats

la

poéfie & la mufique ne

fe

réuniífent guere aujour–

d'hui dans la tete d'un feul homme, qnoique l'exem–

ple de l'illnfire

M.

Rouifeau en prouve la poffibilité:

un air efi done un tablean fait par deux ma!tres. Le

premier trace exaél:ement les traits de fon original;

c'efi le poete. Le fecond

ren~

le tablea

u

plus

:eífe~blant en luí donnant le colons de la perfonne 1m1tee:

il augmente encore l'illufion en mettant _fa figure

dans l'attitude ordinaire

a

!'original ; enfin

11

rend la

reífemblance frappante, en habillant fa copie comme

fon modele; voilaJ.e muficien, la mélodie, l'harmo–

nie

&

l'accompagnement.

l.

De

l'

expre.fjion de la mélodie.

L'

expreJ!ion

de la

mélodie a deux fources:

1°.

l'imitation qui ne peut

abfolument fe rapporter qu'a l'organe de l'ouie;

ainíi la mélodie ne peut imiter que des fons, leur

durée & leur fucceffion.

Si

le compofiteur veut

imit~r

un bruit que!conque, tel que celui d'un

or~ge ' d'un moulin'

&c.

c'efi

a

lui d'étudier ce brmt

dans la nature' &

a

l'imiter enfuite de fon mieux :

perfonne ne peut donner des regles fur cette forte

d'imitation.

Si le compoíiteur veut imiter les ir:flexions des

voix, c'efi-a-dire, s'il veut faire une vratment bonne

déclamation notée , il faut qu'il fache dédamer par–

faitement lui-meme;

&

¿efta.u bon aél:eur

a

lui four-

nir les regles de cette forte d'imitation.

·

2

°.

L'analogie; c'eíl-a-dire que la mélodie pro–

duit, par l'organe de l'oLÚe , un effet analogue ou

femblable

a

cetui qui produit un autre organe' ou

une autre caufe. L'analogie peut avoir lieu lorfque

l'imitation eB: impoffible.

Que quelqu'uns'obíl:it1e

a

jouer tres-long-tems une

mélodie toute compofée de notes lentes, égales, &

fur le meme ton' a la fin

il

endormira fon auditeur.

Certainement l'on ne díra pas pour cela que cette

rnélodie imite

le jus

de pavots ou un

mauvais livre ,

E X P

mais elle produit, par l'organe de l'ouie, un effet fem–

blable

a

celui de Ce jus

OU

de Ce livre. QLl'apn!s

VOUS

avoir endot'mi, le muficien difcontinue fon jeu mono–

tone

&

en commence un autre vif& varié, il

y

a mille

a parier contre un que vous vous réveillerez en fur–

faut, comme fi l'on vous avoit tiré par le bras. Dira–

t-on que la mufique imite

1

'aélion d'un homme

qui

vous tire par le bras? L'expreffion de la mufique fon–

.:lée fur l'analogie a fa fource dans la nature meme;

ainfi recherchons, autant qu'il eft en nous , ce qui

peut la produire.

La mélodie efi compofée,

ou

d\m feul ton que

l'on repete pluíieurs fois, telle eft celle d'un tam–

bour;

&

alors la. mélodie ne dépend que du monve•

ment, ou de plufieurs tons diíférens qui fe fuccedent

avec le meme mouvement, ou enfin de pluíieurs tons

différens qui fe fuccedent avec différens mou vemens.

Une mélodie toute compofée de notes lentes, éga–

les

&

fur le meme ton' ennuie par fon uniformiré'

&

caufe par-la meme un fentiment défagréable.

Augmentez la viteffe de ces memes notes, vous

diminuerez le défagrément ; vous parviendrez meme

au point de produire un fentiment tranquille ,

qui

par-la devient agréable.

Paífez le point o1t

la

viteffe du mouvement met

l'ame dans une útuation tranqu'lle: eette viteífe, en

augmentant, augmente auffi l'agitation de l'audireur,

ju

fqu'a ce que cette agitation devenant trop violente,

fatigue, érourdit,

&

caufe de nouveau un fentiment

défagréable.

Voila done le fimple mouvement uniforme capa–

ble d'exciter par fon impreffion phyfique deux fenti–

mens défagréables; l'un qui provi,nt de l'ennui; l'an·

tre de l'ennui melé de fatigue '

&

un fentiment

agréable, ou du moins tranquille.

J

e crois inutile

d'avertir que ces différens mouvemens contiuués

plus long-tems qu'il ne le faut, ne foflt plus d'effet,

paree que l'on s'y accoutume. Celui

qui

demeure

a

upres d'un moulin

a

ea

ll'

dort' travaille ,

&c.

com–

me s'il n'y avoit aucun bruit dans le voifinage.

Si aulieude notes toutes égales,j'emploie des notes

dont la p¡emiere foit pointée,

&

par~conféquent

d'une

valeur triple de la valeur de

la

feconde, l'effet de cett·e

efpece de méiodie efi différent; il a quelque chofe

de plus fombre, file mou vement efi trifie; quelque

chofe de plus grand, fi

1~

mouvement efi m

odé

ré ;

quelque chofe de plus fier,

ú

le mouvement

e.fi

plus

vif: cette efpece de mouvement n'eft pas bon tres–

vite.

Je ne parle pas ici d'une note fuivie d'une autre

Ia

moitié plus courte : cette forte de mouvement ne

peut avoir lieu que pour une forte particuliere de

mefure, celle a trois tems:

&

je

ne parle.que du mou–

vement en général.

Un ton qui commence

pianiflimo,

&

augmente

continuellement jufqu'au

fort:iifimo,

augmente autft

en nous l'agitation : rediminue-t-il' notre agitaúon

diminue auffi.

Si done un muficien entre-mele différens mouve·

mens en

pla~ant

a

propos le

piano'

le

forte'

le

cref–

cendo,

il

pourra non-feulement nous amufer, nous

occuper, mais auffi produ.ire en nous

de

l'ennui, de

l'égalité, de la gaiete, de la colere, de la fureur, de .

la fatigue

&

de l'étourditfement,

&

en

fin

nous rame;

ner a 1'ennui; non

a

un enmti tel que ce premier

qm

réfultoit uniquement de trop d'unifbrmité ' mais

a

un ennui melé de fatigues.

Les différentes marches

&

les airs q111'un bon tam–

bour peut exécuter, prouventce quej€ v.íens d'avan-

1cer. Cela efi encore pronvé par

la

mufique des San–

va

~res

principalement compofée d'inftru_mens de per–

cuffio~,

qui n'0nt qu'un feul ton,

&

avec lefquels

ils

accompagnent pourtant toutes leurs

da·nfe.s;

&

peut;