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EXP

coup-d'reil,

ii

apprendra ce qui di!lingue eífentietie.;

ment une paffion d'une autre;

&

quel efl: le trait

principal qni la carafrérife? Tous les membres du

corps humain ont leu.r langage; tous viennent au fe–

cours de l'orateur: les mains , fur-tout, fuppléent

en quelque maniere

a

la paro le. un habile critique

( Junius,

de piélura veterum, l. 111. c. 4·

)

obferve

qu'elles favent exiger, promettre, appelier, déte–

fler, interroger, refnfer, indiquer la c rainte, la joie,

la trifieífe, le doute, l'ave

u,

le regret, la mefure,

le tems

&

le nombre. Divers mufcles ont chacnn

leur

expreflion

fixe.

L'artifte qui fe propofe d'exceller dans

1'

exprif-

Jion'

doi_t etre un obfervateur infatigable ; il ne doit

manquer aucune occafion d'affiíl:er aux fcenes de la

vie oi1 les paffions fe manifeftent un peu vivement;

aux concours du peuple , oit les mouvemens de la

crainte , de l'effroi, de la joie, de la dévorion paroif–

fent

a

la

fois ftu mille vifages'

&

dans autant de dif–

féreAtes attitudes.

A

l'obfervation de la nature, il fautjoindre l'étude

des antiques;

l'expr~(]ion

eft parfaite daos la plupart

de ces morceaux précieux,

&

dans les moindres

meme' elle n'eft pas entiérement négligée : les meil–

leurs ouvrages de Michel Ange

&

fur-tout de Ra–

phael, entre les modernes , doivent faire l'étude

journaliere de l'artifie; les profondes recherches de

ces

grands génies ont donné

a

lenrs ou vrages ce

dégré de perfeél:ion qu'on

y

admire ,

&

c'efi: en

les étudiant que l'artifie peut fe frayer la route

qu'ils ont découverte. L' Allemagne a la gloire d'a–

voir prodnit un artifle qui efl: digne d'erre propofé

pour modele d'une belle

expreflion;

c'efl: Schluter

dont le nom efr beaucoup moins e ' lebre qu'il ne de–

vroit l'etre. Berlina feul

l'a

vantage de poíféder les

.beaux morceaux

d'~rchiteéture

de ce grand homme.

Les étdmgers qui n'ont pas vu l'arfenal de cerre ca–

pitale '· peuven t a u mo in fe procurer les deffins. que

M.

Rode a gravés

a

l'eau-for

te

des mafques qtu or–

nent cet édifice. (

Ca

article

e.fl

tiré de La Théorie

gé-

nérale des B eaux-Arts de

M .

.5ULZER.)

·

EXPR~SSI O•

, (

Art

tlzédtral.)

Le talent de

l'e-x–

prejfion

efi auíii néceíraire

a

l'aéteur

&

au danfeur'

qu'au peintre

&

ati fculpteur; il leur efi meme en

quelque m

aniere plus

indifpenfable. Un danfeur qui

n'a point

d'

exprejji.on

n'efi qu'un fauteur,

&

le comé–

dien dénué de ce talent n'eíl: ríen.

11

gate les meil–

Ietires chofes que le poete lui faifoit

di

re ; il offenfe

au lieu d'amufer

&

de plaire: ainfi tout ce que nous

avons dit dans les artícles précédens fur l'étu?e de la

belle

expref!ion,

fur l'obfervaúo? a,ffidue.d.ela

natur~,

&

des bons modeles, nous le r epetons 1c1 au come–

dien.

Il

doit favoir prendre toutes les impreffions,

faifir

jufqu'au moindre coup-d'ceil, au plus léger

mouvement du vifage

&

du corps, imprimer dans

{on imagination tout ce que l'art

&

la nature lui au–

ront découvert de plus expreffif'

&

s'exercer

a

s'en

rendre l'imitation aifée

&

familiere.

Il

femble que le moyen le plus fur d'atteindre

a

une

expr~{fion

parfaite, feroit que l'aé1eur entrat vi–

vement lui-meme dans les fentimens du perfonnage

qu'il

repréfente.

Ce

n'eft cependant pas l'avis de Ric–

coboni le fils, qui croit que ce príncipe n'eft qu'une

erreur éblouiífante.

n

tient pour certain' qu'un ac–

teurqui aura le malheur de fendr réellement la paf–

fion

qu'il

doit ex primer, fe met hors d'état de jouer

fon role.

Il

penfe

a

cet égard bien diíféremment de

cet ancien aéteur Grec qui, pour mieux exprimer la

douleur d'Eleétre-

a

.hi

vue de l'urne de fon frere

Orefl:e, remJ!lit cette urne des cendres de fon propre

nls; fans

dout~

que

M.

Ricc<;>b?ni eíl:

perf~1a_dé

qu'au

n1oyen de certaines regles d1íbné1es

&

prec1fes , on

peut tout imiter.

IL

femble nédlnmoi

ns qu

e les paf–

fions fe manifeftent par

un

grand. n(¡)

mb.re

de petites

Tome ll.

EXP

rna:que~, d,on~

aucune n'efi diílinétement appen;ue,

ma1s qm reuntes forment la vraie

expr~(/ion

de la

nature. Dans la paffion,

tout

fe fait

ma

hinalement

&

a

notre

infu;

&

comme nous ne connoi(fon point

quelles forces agiffent fur nos mufcles lorfque nous

a vons telle o

u

telle paffion, la fimple intention de

paroitre l'avoir ne fauroit

la

prodHire al1-dehors.

Il

n'y

a_

point de théorie

~ui

nous ei?feigne

a

imprimer

la tníteífe

fur

notre v1fage ; ma1s

ú

nous fommes

ré~llement

affligés , tous les trai s s arrangent d'eux–

memes.

N

ous ofons done, malgré

1

autorité d'un maitre

de

l'art, embraífer l'avis conrraire,

&

recommander

au comédien de s'exercer affidum-ent

a

entrer dans

tous Le: .genres de

fe~timens.

Si fon ame n'efi pas

aífez flex1ble pour pleurer avec l'affiigé, pour s'em–

porter avec le colérique, il fet·a bien de ne pas

fe

charger d'un role pour leq uel

le

fentiment lui manqueo

Un homme dont les inclinatio ns font do

u

ces, ten–

dres, compl aífantes , ne doit pas faire le tyran.

Le comedien

a

qui

la

nature a accordé le don

de

t?ut fentir, pourra perfeétionner ce talenr par

l'exer~

CI~e.

La Ieéture affidue des meilleurs poetes

y

con–

tnbuera beaucoup.

11

s'attachera aux {cenes intéref–

fa.ntes jnfqu'a ce que fon

i~agination

les lui peigne

YIVement: par ce moyen, 1l entrera ré llernent dans

la paffion ;

&

confervera cependant a írez de liberté

d'efi?rit pour penfer

a

l'expre.flion.

Bten que dans la nature les caufes égales produi–

fent des effets égaux, ces effets ne font cependant

pas les memes

a

l'égard des paffions qui dans diffé–

rentes perfonnes fe manifefl:ent diverfement. Une

grande ame exprime chaque fentiment avec i>lus

de

nobleffe

&

de dignité qu'une ame vulgaire. Deux

perfonnes d'un caraétere différent marquent autre–

menr le meme ,dégré de joie

Oll

fie trifteífe.

Il

ne

fuffit

done pas que le comédien entre dans le fenti–

m nt qu'il doit exprimer ,

il

faut encore qü'il lui

donne

le

ton qui répond au car.aélere de fon perfon–

nag-... On manque le but

du

poete auffi-bien par

une

expreffzon

outrée , que par une

expreJlion

fauífe, L'au–

teur aura voulu peindre une noble fierté , l'atteur

repréfente un fanfpron; c'eft rendre méprifable

le

perfonnage qui devbit infpirer de l'eftime. Le poete

fuppofe une dou!eur r nfermée au fond du coour ;

fi

· le comédien y fubfiitue des hurlemens, on. l"Íra a

u

lieu de pleurer.

Une

exprejjion

parfaite exige tant de chofes, qu'il

ne faut pas etre furpris

dn

petit nombre d'aéteurs

excellens.

11

faudroit qtle la nature

&

l'étude con–

couruífent pour former le comédien parfait; qu'il

fut doué d'un jugement exquis , pour concevoir

diftinttement chaque caraétere; d'une imagination

vive qui lui préfente chaque objet avec

es con"

leurs les plus forres ; d'un coour fufceptib1e qui fe

Ji vre a toures les impreffions. Mais fans une étude

appliquée' ces talens meme n'en feront pas un par–

fait aéteur.

11

doit favoir approfondir entiérement

le caraétere de fon role, en connoitre jufqn'aux

plus

légeres nuances; avoir préfentes

a

l'efprit les moin–

dres circoníl:ances de l'attion par laquelle ce carac–

tere fe développe; mefurer exaé1ement la force de

chaque reífort qui met ·en jeu les paffions,

&

mé–

diter

fi

bien le tout' qn'il parvienne

a

s'oublier lui–

meme'

&

a

fe transformer en celui qu'il repréfen te.

On a demandé

íi,

pour rendre

1'

expre{flon

plu-s

frappante, il ne falloit pas un peu outrer la nature.

Riccoboni le pere difoit que pour toucher il falloit

aller deux

pot~ces

au de la

du

naturel; mais l'aéteur

qui ourre, tifque d'etre froid. Riccoboni le fils

a

tres–

bien obfervé que la nature eft aífez forte par elle–

meme, fans qu'il foit befoin d'exagérer. Ceux qui

fe livrent fans réferve aux impreffions de .la paffion,

ce qui

n'eft que trop fréquent chez le bas peuple,

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