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EXP

gracieux.

C'efi

ce qu'un fcholiafl:e avoit déja remar-

1

qué

a

l'occafion de ce paiTage d'Horace :

N une

&

in umbrofofauno decet immolare lu is

eu pofcat agnafeu mallt hcedo.

il

dit fur le mot

agna; nifcio quomodo qucedam

dtJcu–

tiones perft2mininum genus gratiores fiunt.

Enfin le creur eft touché par les

expreffions

oit

il

entre du fentiment ; elles doivent répondre

a

la paf–

fion qu'elles expriment ' etre tendres' ou pathéti–

ques , do

u

ces, o

u

véhémentes comme celle-ci. (

Cet

areicle efl tiré de la Théorie générale des

B

eaux-Arts de

M.

SULZER.)

EXPRESS ION'

e

Ares du def!in.

)

On

dit

du deffi–

nateur qu'il excelle dans

l'expre(fion,

lorfque fes

figures femblent avoir de la vie, efes penfées, du fen–

timent.· C'eft

l'expr~{fion

qui dans un tableau rend

l'efprit viúble ; un art fi fub lime eft l'invention de la

nature meme. Il n'y avoit que le génie infini qui pflt

animer la matie re; c'eíl: par-la que la peinture eíl: le

plus merveilleux des arts. Quoi de plus admirable

i

que de pouvoir avec de fimples couleurs

réveill~r

·

tous. les fentimens de l'ame, métamorphofer par la

rnagr~

de

l'e:r:prejjion

des ombres en etres qui penfent

&

qm fe ntent! Sans cet art, une image peinte ou

fculptée n'efr qu'une forme vaine qui ne fauroit

plaire

a

un etre pen fant.

L'expreffzon

en

fa

it un etre

animé

&

agiífant, avec fequel notre cre'l.lr aime

a

fe

communiquer.

Les plus grands efforts des arts du deffin doivent

fe tourner du coté de l

'expr~{fion'

fans elle tout le

refte n'eíl: rien. Calliíl:rate défini(foit la fculpture,

1'

are

d'

exprimer üs me2urs,

~:.Jo?TomTo~

-ré;tva.

En effet,

apres les

[cenes

réelles de la vie,

&

leur repréfenta–

tion au théatre, rien ne fait plus d'impreffion fur

notre efprit qu'un tableau Otl les mouvemens de

l'arne font bien exprimés.

D~

telles peintures ouvrent

le creur au fentiment'

&

excitent dans eefprít des

efforts vers la perfeél:ion. Comme la force de la

beauté produit dans le creur d'un jeune homme un

amour qui s'empare de toute fon ame' de rneme la

force de

l'exprejjion

d'uo bon tableau remplit toute

ame fenfible d'admiration pour la véritable grandeur,

d'amour pour le bien,

&

d'horreur pour le mal. Le

fouvenir des trophées de Míltiade fit perdre le fom–

rneil

a

Thémifiocle, tant ils enflammerent fon ame

d'une noble ambition. Que ne doit pas fenrir un

creur honnete

a

la vue d'un tablean qui lui préfente

non les fimples fignes d'une grande ame, mais cette

ame elle-meme dans fa grantteur? Sil'idée de la vertu

qui ne s'offre

a

l'imagination que fous une image

phantafiique, peut néanmoins exciter en nous l'ad–

miration la plus

forte

, que ne doir-elle pas faire,

lorfqu'on la voit

fo.us

une forme vifible,

&

dans fon

plus beau jour? Lorfque dans les fcenes réelles de la

vie , nous avons le bonheur de voir des hommes au

moment meme

oit

leurs ames font exaltées par le

fentiment, ce moment précieux s'écoule avec rapi–

dité, mais l'artiíl:e fait le fixer: notre reil, graces au

talent du peintre 'peut s'y arreter

a

fon aife; il pour–

roit s'en raífafier, fi un tel objet étoit capable de

p roduire la fati ' té; nous jouiífons de fa contempla–

tion jufqu'a ce qu'il ait opéré fur nous fon e:ffet

enrier.

Mais par quelle route, par qu els dégrés l'a-rtifie

arrive-t-il

a

ce point fupr eme de fon art qui le rend

rnaitre des comrs? Ce n'eíl: point une route battue,

elle eft in ifible aux yeux au vulgair-e. Si l'artiíl:e n'a

pas re<;u de la nature une ame profondément fenfible

a

tous les genres du bon' qui éclaire elle-meme

[es

yeux, il fe tourmentera vainement

a

réuffir dans la

force de l

'expr~(fion.

Les fens ne porrent ríen dans

l'ame, ils ne fontqu'yréveiller lefentimentjufqu'alors

endormi. Un

~il

dírigé par une ame infenfible fe

EXP

toun e en vain ver

la beauté la plus attra ·ante

it

n

Y.

d

'couvr~

rien. La. nature

_f

ul .

pr~duit

les

gra~ds

a.rtlÍies ; mats

1

exerc1ce

&

1

apph atlon

1

s p rtec–

twnnenr.

Le premier pas ver cette perfeélion conúíte

a

ob–

ferver

; fans

l'obfervation toutes les tacuhe cach es

dans l'

a.me

y croupiífent pour toujours,

1

germe du

bon qnt eíl: en nons ne commence

a

fe d -velopper

que lorfque nous obfervons fon d 'velopp ment

dans les autres. La vertu appercrue hors de oous eft

la chaleur

fi /

condante qui fait germer les

feme~ces

de vertus dépofées dans notre propre fein. L anifie

doit s'appliquer

a

obferver la nature humaine par–

tour oit elle s'efi bien développée. Il n'efi pas éton–

nant que les artiíl:es Grecs aient excellé dans

l'expref-

Jion,

eux qui avoient fous les yeux la nation ou Ion

donnoit l'effor le plus libre

a

toutes les difpofitions

naturelles de !'ame. Un

1

Phidias, un Raphael, né

dans la Groenlande, feroit incapable d'exprimer un

feul fentiment délicat. C'efi le commerce intime avec

des homrnes dont Ja culture a développé les grands

príncipes, qui rnettra le peintre fur la voie de

l'ex–

pre{fion:

ce qu'il ne verra pas de fes propres yeux,

les tableaux des hiíl:oriens

&

des poetes le lui rnon–

treront ; ils formeront fon efprit

&

échauffe1:ont fon

imagination. Phidias avouoit que c'étoit Homere

qui lui a voit appris

a

exprimer les traits de Jupiter.

Quand

a

force d'obferver' l'ame s'efr exercée

a

fen–

tir, l'imagination de l'artiíl:e luí préfente des images

vivan tes de ce qu'il fent; il n'a qu'a laiífer agir fa main

pour les deffiner. Ce n'eíl: ni le compas, ni la ré–

flexion, ni le tatonnement qui donnent

l'expreffion ;

c'eft l'imagination échauffée par le creur qui peut

feule l'appercevoir.

Il faur enfuite joindre

a

l'obfervation un gout

épuré qui' entre plufieurs traits d'un rneme genre

fache choifir ce qui aífortit le mieux aux perfonne;

&

aux circonfiances. Un roi en colere n'a pas l'air

d'un particulier qui fe fache,

&

la douleur d'un creur

rnagnanime ne reífemble pas a celle d'une ame effi'–

rninée. L'arriíl:e doit fentir ces di:fférences; il doit de

plus fentir tout ce qui dans

l'expreflion

poürroit cho–

quer ou déplaire : de rneme que le compofiteur, en

employant des diffonances n'oublie jamais l'ordre

&

la régularité , le deíiinateur doit pareillement

éviter dans

l'expreffion

rout acceífoire défagréable.

Il ne faut pas enlaidir un vifage pour lui faire expri–

m~r

l'averfion: la beauté des formes efi auffi infé–

parable du deffin que la juíl:eífe de l'harmonie l'efi de

la mufiqu e. Le plus beau vifage peut auffi bien fe

pretera toutes les altérations que les diverfes

paffion~

y

font paroirre , qn'un vifage moins beau ; l'artiíl:e

auroit done grand tort de préférer ce dernier.

Il n'y a qu'un gout tres-fin qui fach e dríl:inguer

dans

1'

expref!ion

l'eili ntiel du fimple acceífoire. Le

commun des hommes n'appercroir les fentimens de la

joie , de la colere, de la douleur , que par les cris

ou les emportemens. Les perfonnes d'un gotLt plus

délicat, n'ont pas befoin de ces índices acceífoires

pour fentir la paffion.

c(t

n'efr pas aífez que l'artiíl:e ait le don d'obferver,

&

le gof'lt exquis ; il ne fuffir pas qu'il voie dans fon

imagination ce qu'il doit exprimer; il faut de plus

qu'il ait le talent de le rendre viúble aux autres : ce_Ia

fuppofe un coup-d'reil tres-jufie,

&

une main bjen

exercée. Il n'y a qu'un grand deffinateur qui fache

tout exprimer , un reil qui faifit les rnoindres varia–

tions des formes,

&

un pinceau qui les repréfeote

fidélement.

Le jeune artifie trouvera des fecours

a

cet égard;

en étudiant les remarques que les grands maltres ont

faite~

fur la maniere de connoicre les p,affions par

1

'at–

titude , les airs de tete ,

&

les

rrairs du viíage. En

deílinant les caraéteres de Le Brun, il fe formera le

coup-d'~il,