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EXT

&

que ce qui eíl: infini par rapport

e\

un ignorant, ne

l'eft point par rapport

a

un favant ; qu'il

y

a autant

d'ordres d'infinis qu'il y a d hommes quí font ufage

du raifonnement , & quoique tous les chapitres de

cet ouvrage puiífent etre entendus différemment '

cependant tous les hommes en tireront néceífaire·

me'1t les memes con{¡' quences,

&

les memes }umíe–

res fur la réalité, paree que la réali té occupe

le

mi–

lieu entre les

~xtrémes.

11 ajoute que , quoique les

hommes fe foucient peu de la réaliré,

&

que l'on ne

puiífe pas fe flatter de leur faire abandonner Jeurs

chimeres

~

il efi cependant utile de les entretenir du

vrai bien : ils ne font pas fachés de conno1tre les

moyens d'etre fages & heureux ; lors meme qu'ils

font le "plus déterminés

a

ne point faire ufage de leurs

connoiífances; ils jouiífent alors, au moins en idée ,

des biens dont ils fe privent. En fin M. Changeux ob–

ferve que dans la jeuneífe ou l'empire tout-puiífant

de l'habitude n'a point enc0re détruit la nature, il eft

probable que fi l'on enfeignoit la fcience de la

ré~lité

comme elle doit l'etre, on pourroit rendre la Jeu–

neífe infiniment plus fage ' paree que cette fcience

eft propre a l'homme'

&

c'eft peut-etre la fe ule que

les fouverains doivent poíféder

a

fond: il fant en effet

qu'ils fachent en quoi confifie la réalité en tout, pour

ne point fe tromper,

&

pour n'etre point trompés :

dans cet objet ils n'ont befoin que de conno1tre par–

faitement le príncipe unique

&

fimple dont il eft

queftion ' & d'apprendre

a

en faire ufage.

Dans le chapitre premier, du premier livre, M.

Changeux définit les

extrémes,

&

il en examine les

propriétés. Il dit que les

extrémes font torues les chafes

o

u les qualités des chafes, lor{qu'on Les Üend, ou lorf–

qu'o.n les diminue autant que l'imagination le permet;

c'eft-a-dire, qu'on leur donne, autant qu'elles en font

fufceptibles, un caraétere d'infini daos les deux gen–

res oppofés: il dit , que fans ce caraétere d'infini il

eft évident que pluíieurs chofes ne feroient point

parfaitement

extremes.

Ce mot

d'infini

marque done

une impoffibilité d'ajouter ou de retrancher quelque

chofe de l'objet; en un motilo

'y

a que l'infini , ou le

nombre infini en grandeur, & le nombre infini en

petiteífe' qui puiífent erre deux

extrémes;

ce font alors

deux abfolus parfaitement oppofés. 11 eft évident

qu'il faut raifonner des etres & de leurs qualités diffé–

rentes cornme de la grandeur ou de la petiteífe numé–

rique qui font

extrémes.

Dans le chapitre fecond , M. Changeux montre

comment deux

extremes

font oppofés entr'eux: te!le

eft

l'extréme

grandeur

&

l'extréme

petiteífe. L'oppo–

:fition par contradiétion, telle que l'exifience

&

la

non-exifience ne font pas des

extremes

,

paree que

l'etre

&

le non-etre n'ont ríen de commun ; l'on ne

peut rapprocher ni éloigner leurs parties.

Daos

le

chapitre troiíieme , on prouve que les

extrémesfetouchent:

par exemple, les angles exceffi–

vement aigus ,

&

les angles exceffivement obtus,

qui font deux

extrémes,

fe rapprochent infiniment

de la ligne droite; il en efi de meme daos toutes les

fciences. Nous avons beau confidérer les chofes par

leurs

extrémes,

ces

extrémes

fe rapprocheront

&

fe

confondront des que nous tfi.cherons de les difiinguer

en nous éloignant de la nature. On fait voir daos le

chapitre quatrieme, que,

íi

les

extrémes

fe touchent,

eefi tonj-ours fans fe confondre ' c'efi-a-dire' quoi–

qu'íls fe rapprochent infiniment

&

d'une maniere

fi.

prodigieufe qu'ils peuvent etre dits fe toucher immé–

diatement; cependant ils ne fe confondent point;

enforte que fi no

u$

n~

les diftinguons plus, nous fen–

tons cependant qu'ils ne font pas les memes'

&

qu'ils

ne peuvent point etre identifiés : ainfi quoique le

mouvement

extréme

& le repos parfait fe rappro–

cbent infiniment,

&

puiífent devenir une meme

chofe pour nous , ils ne font pas cependant

1.me

Tome 11.

EXT

m~me

chofe eneux-memes. On peut s'en convaincre

en comparant le mouvement infini rétrograde avec

le mouvement infini direél.

Dans le chapitre cinquieme, on tire différentes con

féquences du rapprochement des

extrémes.

M. Chan–

geux obferve que , quand il a dit que les

extrémes

fe

touchent , il a voulu indiquer que les effets qu'ils

produifent fur nous, ont une reífemblance, une ana–

logie infiniment rapprochée: mais elle ne les rend

pas pourcela parfaitementfemblablesen eux-memes:

il

y

a plus , cette analogi_e infiniment rapprochée

nait de leur éloignemenr infini. A le bien prend re, il

s'enfuit que denx

extrémes

n fe touchent point dans

ce fens' qu.'ils deviennent une feule

&

meme chofe;

ils font feulement infiniment pres l'un de l'autre. La

loi

du rapprochement infini des

extrémes

ne íignifie

done autre chofe ,

fi ce n'efr que lorfqu'ils font

infiniment éloignés , il

fe rejoignent immédiate–

ment ,

&

fi l'on fuppofe qu'ils s'éloignent plus

qu'infiniment , ils fe rapproch ront plus qu'infini·

ment, toujours d'autant plus qu'ils s'éloigneront

~

fans que jamais on puiífe les confondre. On voit que

l'auteur imagine pluíieurs ordres d'infinis.

Cette loi invariable du rapprochement nait-elle

de la nature des chofes, ou de notre coofritution pré·

feote

?

& fi notre maniere de fentir

&

la foibleífe de

notre jugement nous y aífujettiífent, ne peut-on pas

dire auffi que dans la nature elle n'eiJ eft pas moins

obfervée

~

En effet , les loix générales s'y réduifent

en derniere analyfe,

&

il eft évident que l'ordre de

l'univers fubfifte par l'oppoíition des contraires. Les

élémens fans ceífe oppofés confervent entr'eux une

fubordination qui les éloigne des

extrémes;

ils pro-.

curent par la verru de cette loi fimple la merveille.ufe

variété qui regne dans le monde. On peut adm1rer

le meme effet dans l'économie animale' dans l'ordre

politique , &c.

La doétrine univerfelle des anciens fe bornoit

a

appliquer a la phyfique & a la morale cet adage ' ce

proverbe ou cet apophthegme,

quidquidejl víolentum.

non

ejl

durabile,

tout ce qui efi violent n'eft pas dura•

ble ;

in

medio virtus

,

la vertu coníifie daos le milieu:

voila a-peu-pres

a

qnoi fe réduifoit 'chez les anciens

peuples infrruits, toute la doétrine d s

extrémes:

ces

príncipes éroient la bafe de la morale

&

de la politi–

que d'Ariftote.

Le chapitre fixieme efi employé a montrer que la

loi du rapprochement infini des

extrémes

eft une loi

générale ' qui s'applique

a

nos fenfations

&

a

nos

idées' c'eft-a-dire'

a

l'univers tel que nous le conce·

vons; car l'univers de l'homme n'efr que le réfultat

de fes réflexions fur fes propres fenfations, il n'en eft

pas difiingué daos fon origine : cette loi regarde done

l'homrne, foit qu'il raifonne, foit qu'il fenre.

Le chapitre feptieme enfeigne ce que l'on nomme

yrai milieu

entre les

extrémes,

&

ce que l'on appelle

milieu.

apparent.

L'auteur dit , que le vrai milieu efl:

un point également diftant entre deux ou plnfieurs

extremités

oppofée.s : ce milieu conilitue le plus haut

dégré de la réalité : mais la

r~alit~

exiíl:e,

c.ependan~

auffi daos tous les autres pomts mtermedia1res qu1

ne font que les milieux apparens.

S'il eft vrai que le jufte point du milien foit le plus

haut dégré ou le

fummum

de réalité,

&

fi

les

extrémes

fe touchent, il fuit de-la,

1°.

que toutes les chofes

q_ue nous appercevons par les fenfations

&

par les

idées ' doivent etre placés entre les

extremes :

tout

ce qui eft hors de cette fphere n'exifie point pour

nous,

&

fe perd dans l'abyme du néant.

2°.

Le cen–

tre exaa qui fépare les deux

extrémes'

doit etre le

point o1tle plus grand dégré d'exiftence des chofes

doit fe faire fentir & percevoir : ainíi daos les fen–

fations fimples ou

l'extdme

vivacité &

l'extréme

foi·

bleife des impreffións fe rapprochent , ce fera

entr~

BBBbbb