COM
de comprendre qu'Arifrophane ait ofé impunément
infulter fa nation entiere par les railleríes les plus
ameres ,
&
offenfer par conféquent tous fes fpec–
tareurs. On a cru que cette impunité étoit dtte au
penchant décidé des Athéniens pour les railleries
inuénieufes ' penchant qui les porroit
a
tou
t
par–
d;nner pourvn qn'on les fit rire. Le pere Brumoi
a penfé que c'étoit par politique qu'on accordoit
cette licente aux poetes,
&
que les principaux
chefs de la république aimoient bien que le peuple
plaifantat
f\u
leur adminifrration , pour l'empccher
de l'examiner trop férieufement. Mais ces explica–
tions n.e femblent pas alf"z fatisfaifanres,
&
elles
font en partie fauífes; car fi le peuple d' Athenes
avoit approuvé les fatyres perfonnelles, il ne les
auroit pas réprimées par un édit public;
&
l'on
voit
a
quel poínt il étoit fenfible a la lic-ence des
poetes qui atraquoient le gouvernement, puifqu'il
fit condamner
a
mort Anaximandride pour un feul
vers fatyrique, moins offenfant que ce qu'Arif·
tophane avoit dit en mille endroits de fes
comédies
impunément. Anaximandride n'avoit fait que paro–
díer ce vers d'Euripide :
''H
lpJs-1~
i(JJ'r..tB'
~
rt.t?-CtJV
~J'¡y ~Ó.,et .
Tou~
fon c_rime étoit d'avoir fubfl-itué dans ce
vers
71
1
1\t~
a
lpUCiJ~
,
le gou vernement poli tique
a
la nature ,
&
d'avoir dit par -la :
Le m'agijlrat
L'
a vottltt,
il
ne
fe
foucie point des
loíx.
Si Aritlophane a eu plus de liberté,
c~eíl:
que
de fon tems la
comédie
jouiífoit encore du droit atta–
·ché
a
fa premiere forme. Cette licence faifoit alors
partie de la fete pour laquelle la
comédie
étoit com–
pofée ; hors de ce tems-la ,
&
Ioin du théatre ,
Arifrophane n'eftt pas ofé faire le plaifant : c'efl
paree qu'íl éroir autorifé Qu par la loi, on du moins
par un ancien ufage , qu'il fallu.t dans la fuite un édit
expres pour prohiber de · pareil.les licences fur la
fcene.
·
L'édit dont nous venons de parler introduifit a
Athenes
1acomédie
moyenne. Le gouvernement de–
venu arifrocratigue défendit de traduire fur la fcene
des perfonnes aétuellement vivantes. Ainíi on don–
noit des événemens vrais fous des noms d éguifés
ou fuppofés '
a
cela pres cette
comddie
n'étoit pas
nwins mordante que l'ancienne; on
y
repréfentoit
)es aétions
&
les perfonnes avec tant de v 'rité,
qu'on ne pouvoit guere s'y tromper. Arifrophane
&
d'autres qui continuerent a compofer apres la
publication de l'édit, furent l'éluder par cette rufe,
&
n'en furent · pas moins lirentieux : il fallut un
fec0nd édit pour réformer ce nouvel abus.
La
comédi_e
prit alors fa trqifieme forme thez les
Grecs : c'efi celle
qu~on
nomma
la nouyefle comédie.
Elle n>ofa plus prendre fon fujet dans un événement
véritable
&
récent. L'aB:ion
&
les per{onnages de–
voient etre d'invention ' comme il le font anjour–
o:hui;.
&
paree
9u~
,la
fiél:io~.
a beaucoup moins
d attratts que la reahte, ks poetes durent fuppléer
au défaut
d'i-n~éret,
par -des intrigues ingénieufes ,
&
une
~xécution
plus travaillée ; ce n'eft qu'alors
9ue la
com~die
devint véritablement un ouvrage de
1
art ' afuemt
a
un plan '
&
a
des regles fixes .
Ménandre , parn:i les Grecs , fut celui
flUÍ
acquit
la plus grande gl01re dans ce nouveau genre,
&
qui
a
ce q_u'on a lieu de croire' donna en eftet d'ex–
cellentes pieces au théatre : les fragmens qui nous
en refient augmentent nos regrets,
&
infpirent la
plus haute idée pour l'auteur.
Il paroit que dans·la Grece propre, Athenes feule
a eu la
vé~itable
comédie;
on ignore jufqu'a quel
tems elle s'y foutint. Elle ne s)introduifit
a
Rome que
Tómc JI.
·
COM
long-tems apres, daos la cent trente-cinquieme olym·
píade, l)an de Rome
51 4;
on
l'y
fit auffi fervir aux fe
tes
facrées ,
&
on l'employa,
a
u rapport de T1te-Live,
comme
un
moyen propre
a
appa.f-er la colere des
dieux.
Ludi fcenici ínter atia calcjlis irte placamina
in.flituti dicuntur.
Les Romajns l'avoienr re<_;ue des
Etrufques.
Primi flenici ex Hetruria acciti;
mais on
ne fair ni d'oit , ni a quelle occafion la
comédie
avoit
paffi' en Etrurie. Les premiers poetes comiques chez
les Romains furent Livius Andronicus, Naconis,
&
enfuite Ennius , ils étoient
a
la fois aureurs
&
aéteurs: la forme de leurs
comédies
n'efi pas connue.
Au jugement de Cicéron , les pieces de Livius ne
foutenoient pas une feconde leétnre:
Livíance fabulce
non faús dignce qute iterum legantur.
A Ennius fue·
céderent Plaute
&
Crecilius, qui de mt!me que
Térence apr ' s eux, prirent leurs
comédiesdu
1héarre
des Grecs : ces pieces n'étoient pour la plupart
gu'une 'traduB:ion libre des
comédies
grecques de la
nouvelle forme. Sous le regne d'Augufre, le poete
Afranius devint célebre pour fes
comédies
,
mais
il n'en efr parvenu aucune
JUkJu'a
nous : il différoit
de Térence, en ce qu'il avoit choifi des perfonnages
Romains.
La
comédie
romaine étoit difiinguée en diverfes
efpeces, d'apres la condition
&
l'habillement des
perlonnages. Quand ceux-ci rempliífoient les pre·
miers emplois de l'état , la
comédie
étoit nommée
prcetextata,
ou
trabeata;
étoit- ce des particuliers
d'un raog difringué, elle fe nommoit
togata;
enfin
on l'appelloit
tabernaria
,
quand les perfonnages
étoient prís d'entre le commun du peuple ; celle- ci
fe fnbdivi{; ·t encore en deux efpeces ,
1'
atellana
&
la
p rzltata :
cette derniere du
pallium
ou du
manteau
a
la grecque,
&
l'autre de la ville d'Atella
en Italie.
On n'a ríen de bien certain fur
l'ori~ne
de la
comédie
moderne; il eft probable que durant les
fiecles du moyen
age
il fe conferva toujours en
Italie quelque refie de la
comédie
romaine , qui fe
rapprocha- petit
a
~e
l'ancienne forme' lorfque
le goC1t commens:á
a
renanre. Il n'efr pas impoffible
néanmoins que la
comédie
ait pris nailfance chez quel–
ques nations
modernes,~e
la meme maniere qu'autre–
fois chez les Grecs, fans aucune imitation ; quoi
qu'il en foit, ce n'efr pas la peine de faire de longues
recherches fur !'origine
&
1
s progres de la
comédic.
moclerne avant le
e
izieme fiecle' puifgu'on fait que
' ce fiecle-la n'avoit que de miférables farces , fans
gotlt ni régularité.
n
faut cependant obferver que
d 'ja fous le pontificar de Léon X , le célebre
Ma–
chiavel compofa quelques
comédies
oit
l'on retrouve
des vefriges de refprit de Térence. Une piece fran–
<;Qife de plus ancienne date encore , dans le genre
d~
bas-comique ,c'eíl:
l'Avocat Pat
elin, qu'on donne
eneore aujonrd'hui au théatre fran<
;ois.Cen'etl qu'au
fiecle paífé que la
comédie
reprit une
formefupporta–
ble ; cene fut d'abord que par des tours d'intrignes,
des incidens bizarres , des travefiiífemens , des re–
connoiífances,
&
des aventures noaurnes qu'elle plut:
les poetesEfpagnols brillerent fur-tout dans ce genre;
mais vers le milieu du dernier fiecle la
comédie
parut
fous une meilleure forme,
&
avec la dignité qui
lui convient. Moliere en France mit des pie ces fur
la fcene, qui s'y foutiendront auffi long-tems que le
fpeétacle comique fubfitlera. Notre fiecle a produit
les
coniédies
du genre férieux, touchant,
&
qui
donne dans le tragique ; mais il femble que meme
dans ce haut comique , on n'eft pas encore revenu
du préjugé qui regarde la
comédie
comme un fpec–
tacle burlefque , puifque dans les pieces les plus
férieufes on retrouve des valets bouffons ,
&
des
fuivantes qui les agacent. (
c~t
articie efl tiré de la
T/dorie
g 'nJrale des Beaux-Arts de
111.
S
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E R.)
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