Table of Contents Table of Contents
Previous Page  531 / 960 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 531 / 960 Next Page
Page Background

COM

feront fentir d'un cot, ce que les mreurs ont d'ai{j '

d'aimable, de grand

&

d'élevé,

&

de l'autre ce

qu'elles ont de ridicule, de gené

~

de has, de ram–

pant

&

de méprifable. Nous nous verrons nous–

memes,

&

nos contemporains , dans un point de

vue qui nous permettra d'apprécier nos rnreurs avec

impartialité.

Le poete comique fera enfuite ·une étude tres–

parriculiere des divers caracreres des hommes. Il

obfervera comment ces caraéteres font encere mo–

difiés par

le

genre de vie , les liaifons extérieures ,

les égards ,

les devoirs

&

atares circonftances.

Pour exciter notre artention

,.if

fera contraíl:er en–

femble les caraéteres , les devoirs, les paffions

&

les fituations; il nous préfentera fouvent le com–

bat de la raifon

&

du penchant; il démafquera

a

nos

yeux le fourbe

&

l'hypocrite,

&

nous les montrera

fous leur

s vé

ritables traits; il

plac~ra

l'honnete hom–

rne dans

l.es

diverfes íituations critiques de la vie,

&

il

aura foin de le mettre dans un jóur qui nous

pénetre d'eftime

&

d:affeétion pour luí. Tous ces

objets íont tres-intéreífants par eux-memes,

&

peu–

vent le devenir infiniment davantage par l'art du

poete; il trouvera encere une fource tres-abondante

de tableaux intéreifans dans les divers accidens de

la vie

h~tmaine ~

&

dans la maniere différente dont

les divers caraél:eres en font affeétés.

La grande diverfité des fujets comiques doit né–

ceífairement produire des

comédies

de plufieurs efpe–

ces différentes. Il né feroit pas inutile de déterminer

·plus précifément ces efpeces,

&

de rechercher le

caraél:ere diftinétif qui convient

a

chacune.

Une de ces efpeces, c'eft la

comédie

de caraétere,

qui s'occupe principalement

a

développer un carac–

tere particulier'

&

a

le deffiner correétement; nous

en avons déja pluíieurs de cette efpece, comme

l'Avare,

le

Glorieux,

le

Menteur,

&c. mais il y a

encere un tres-grand nombre de caraéteres, qui quoi–

qu'intéreífans n'ont poin.t été traités. Et comme

les nuances des caraéteres varient

a

l'infini, on peut

dire que cette efpece feule feroit déja inépuifable.

On a fait pour les peintres en hiftoire un recueil

des fujets les plus intéreífans , tirés ou des .hifto–

riens, ou des poetes, ou des romanciers ;

i1

feroit

bien plus important de former, pour le théatre un

pareil recueil des caraéteres remarquables qui n'ont

point encere été mis fur la fcene.

Dans les

comédies

de ce genre, il faut faire choix

d'une aélion

q~i

place le petfonnage principal dans

des circoníl:ances oppofées

a

fon caraélere. Il faut'

comme l'obferve M. Diderot, que le Mifantrope

foit amoureux d'une coquette ,

&

Harpagon d'une

filie qui eíl: dans l'indigence. La plupart des critiques

exigent que le poete comique faífe contrafier les

<;araéteres pour •donner plus de faillie au caraél ere

qu'il veut peindre. Mais l'auteur que je viens de

citer, remarque, avec beaucoup de fagacité , que

le contraíl:e doit etre, non. dans les différens carac–

teres , mais dans les fituatiorts. Il eíl: tres-eífentiel

dans les pieces de ce genre , qu'il n'y ait qu'un feul

<:araétere principal, auquel tout le refte foit fubor–

donné c'eft la ce qui conilitue l'unité du fujet, qui

eíl: be;ucoup plus eífentielle

qu~ ~elle ~u

tems ou

du lieu. Le plan d'une telle

comedte

fer01t, de placer

un homme dans une fituation qui fut exaétement en

contlit avec fon caratl:ere dominant; des-lors il faut

ou que le caraétere plie fous l'effort des circonftan–

ces, ou que par des aétions conformes au caraétere,

les circonfrances prennent une tournure qui fe prete

au caraélere ; en un mot, ou la íituation ou le

caraétere doivent enfin avoir le deífus.

11 eíl: aifé de voir qu'un tel plan bien concluir doit

int 'reífer pendant toute la durée de l'aélion

~

&

que

COM

5

I

ies per onnages fuba.lternes peuvent encore y r 'p n..

~re u~e

grande vanét¿ d'idées. Le

Tartuffi

de Mo–

liere t1ent un peu de ce plan ; mais fon

A are

fuit

un plan tout différent, auffi efi-il fort inf¡' rieur au

Tartujfe.

Car d'amener

a

chaque iníl:ant une nou–

v.elle. íitua!ion, qui ne réfulte point de l'aétion prin

c1pale , umquement ,rour la meare en oppoíirion

avec le caraétere, e efr coudre des fcenes détachées

pour en former une

comédie.

Le poete peche tou–

JOurs centre l'unité d'aétion, des qu'il fuppofe des

événemens qui ne font pas une fuite naturelle de la

poíition des chofes dans l'aél:ion principale, quoique

ces

év

' nemens répondent exaélement au caraétere

~e ~es

perf?nnages;

~ar

c'eft écarter le fpeétateur de

1

aétwn qm feule doit l'occuper. Ainfi dans

l'Eunu-

.

que

de Terence, la premiere fcene du troiíieme aél-e

a ce défaut; elle eH tres-propre

a

bien caraétérifer

Thrafon, mais elle ne tient point

a

l'aétion.

Le but des

comédies

de caraétere peut erre'

Oll

fim~

plement d'amufer par la bifarrerie du caraétere ·

ou d'infpirer .. du mépris

&

de

1

averfion pour le;

caraéteres hatífables,

o~t

de montrer ceux qui font

bons

&

nobles' fous un ¡our propre

a

les faire aimer.

11 eft done aifé de voir que cette premiere efpece de

comédie

efi fufceptible d'une grande variété.

La feconde efpeée eft la

comédie

des mreurs. Elle

a pour objet de mettre fous les yeux du fpeélateur

un t?blean. fra.ppant

&

vrai des ufage ou du genre

de vte part1cuher, que les hommes un certain érat

on condition ont généralement adoptés. Ce fera,

par exemple le tablean de la cour, celui des mreurs

des gens opulens, celui d'une nation entiere. Les

comédies

de

toutes les efpeces repréfentent

a

la

vérité des mreurs; rnais cette efpece parriculiere fait

fon objet principal de tracer les rnreurs d'un genre

de vie déterminé. C'eft ainíi que Gay, dans fon

opéra des

Beggars,

ou des

Gueux,

qui a eu tant de

{ucces en Angleterre, donne le tableau des rnreurs

de l'état le plus vil dans la fociété, celui des rnen–

dians. Les fpeétacles fatyriques des Grecs étoient

des

comédies

de ce genre: on

y

repréfentoit les mreurs

des fatyres.

Cette efpece de

comédie

admet une grande variété

de caraéteres ,

&

elle eft fufceptible de beaucoup

d'aurémens. Les mreurs des diverfes nations,

&

des

di~rens

états de la vie civile font un des plus agréa–

bles & des plus intéreífans objets de nos réflexions.

n

y a des mreurs ridicules , il y en de déteftables ; mais

il y en a auffi d'ingénues

&

d'aimables : il y en a me–

me dont la defcription enchante. On peut, fans faire

de grands efforrs d'efprit, imaginer une aétion pro–

pre

a

bien peindre les rnreurs qu'on fe propofe de

repréfenter. Il n'eíl: pas befoin de détailler ici l'avan–

tage que de pareils tableaux peuvent produire, indé–

pendamment du plaiíir qu'ils donnent. Chacun fent;

pour ne citer que ce feul exemple, de quelle utilité

il feroit de repréfenter fur la fcene les mreurs & le

fort de cette claífe de perfonnes perdues, que Ho.:.

garth a

íi

bien deffi.nées dans fes eftampes, connues

íous le nom de

Harloj's-Progre.f!.

Térence avoit déja

fenti cet avantage,

&

l'a admirablement bien expri–

mé dans les vers que nous croyons devoir rappel–

ler ici.

1

d -yero efl, quod ego

rnihi puto palmariuru

Me reperiífe,

quomodo adolifcentulus

Meretricum ingenia

&

mores poj{et notare:

Mature ut eam cognorit, perpetuo oderit

Qua!. dum foris Junt, nihil videtur mundius,

Nec magis compofitum quidquam , nec magis

elegans

Quce cum amatorefuo cztm ccenant, !iguriunt.

Harrtm videre ingüwiem ,Jordes, inopiam,

Quam inho,zejlce fo/¡,e

Jint

domi , atque avida: cibi ;