Table of Contents Table of Contents
Previous Page  534 / 960 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 534 / 960 Next Page
Page Background

COM

de 1eurs préceptes, au cas particulier qui fe préfente,

n'efr ni fUre ni facile.

11

n'y a que le théatre comique

qui, pour toutes les fcenes de la vie humaine, puiífe

fournirles vrais modeles du bon

&

du mauvais; d'un

procédé raifonnable

&

d'un procédé fou; d'ailleurs

les

e

as

y

font d

1

terminés par des circonfiances

fi

pré–

cifes, que le fpeétateur n'y apprend pas fin;plen;ent

ce qu'íl doit faire, mais encore omn:ent 1l d01t

~e

faire;

la

comédie

ne fe borne pas un ¡ugement fpe–

culatif, elle

joint

le jugement pratique, qui efi le feul

utile dans la vie.

Perfonne

ne

dontera que ces importans objers

dont nous venons de parler, ne foient les véritables

fujets dont la

comédie

devroit s'occupet. C'eft

a

l'intel–

ligence

&

au génie du poete comique

a

les traiter de

maniere qu'ils deviennent tres-inftruétifs,

&

par con–

féquent tres-intéreífans pour tout homme qui aime

a

réfléchir; mais comme d'apres cette notion la

co–

médie

ne feroit que la philofophie pratique mife en

aétion,

il

efi clair que pour

y

travailler avec fucces,

les talens du poete doivent etre accompagnés des

connoiífances du vrai philofophe moral; c'eft ici

,qu'on peut dire avec Horace:

• • • •

Neque enim concludere verfum

..

Dixeris

~

fatis.•••

Le génie poétique dénué d'autres fecours , feroit

'd'une foible reífource,

fi

l'auteur ne fait pas embraf–

fer d'un coup d'reil l'enfernble de la vie civile, s'il

ll'a pas aífez approfondi la nature hnmaine, s'il ne

connoit pas tous les replis du creur de l'homme , s'il

n~a

pas le don d'apprécier la fageífe, la vertu, l'hon–

neteté' fous quelque forme qu'elles paroiífent;

&

· s'il

n'a pas encore dérnelé les fources morales

&

pfy–

chologiques d'ou déconlent les travers, les folies

&

les fottifes des hommes, il ne fera jamais un ex–

cellent poete comique.

Faut-il s'étonner apres cela que ce talent foit

íi

rare

?

Il

n'y a que les meilleures tetes de la nation

qui puiífent exceller dans ce genre. Nous ne parlons

pas ici du génie , car le génie feul , fans une grande

expérience du monde, ne fauroit donner tout ce que

le théatre cornique exige ; il demande des con.Qoif–

fances qu'on n'acquiert point dans la retraíte d'un

cabinet. Pour les acquérir, il faut avoir vu les hom–

rnes fous Ieurs diverfes relations mutuelles, avoir

obfervé leurs aétions

&

leurs mouvemens en mille

rencontres,

&

avoir été foi-meme aéteur avec eux.

Sans cette connoiífance pratique, on auroit étudié

toute la vie les regles du théatre, qu'on ne pourroit

pas compofer une fcene vraiment bonne. Les regles

ne font utiles qu'a celui qui a fa proviíion de maté–

riaux,

&

qui n'eft plus occupé qu'a leur donner une

forme réguliere.

Apres ce que nous avons dit jufqu'ici fur la na–

ture de la

comédie,

il feroit tres-fuperflu de traiter

au long de fon utilité.

Il

efr évident qu'elle ne le

cede en importance a aucun autre genre de poéíie.

Si

la

comédie

n'eft encore nuUe part tout ce qu'elle

devroit etre' on ne peut l'attribuer qu'a la négli–

gence de ceux qui ont en leur main le fort des

beaux arts ,

&

quí ne fentent pas aífez l'importance

de'cetre heureufe invention pour égayer

&

ínfiruire

les hommes. On envifage le théatre comme un

amufement : c'en eft un, la chofe efi hors de doute ;

mais puifque fans rien diminuer de l'amufement

qu'il procure ,

il

pourroit avoir une puiífante in–

fluenc e fur les mreurs ' qu'il ferviroit

a

érendre

l'empire

de

la raifon ,

&

les fentimens de l'honne–

tet

1

'

a

reprimer les folies '

&

a

corriger les vices

des hommes, ne pas en

1

tirer un partí

fi

utile, c'eíl:

irnirer cer empereur romain , qui menoit

a

grands

frais une belle arrnée dans les Gaules ,

pour

ne

!'occuper

qu'a

ramaffer des 'oquillages!

COI\

Quanta l'origine de la

comddit:,

on napas

dere{Q..

tions bien ur s

du

lieu du tems de cette

in\

t.:

nt1on.

Les Athéniens fe l'attribuoient; mais Arift re a d

ja

obfervé qu on n avoit pas des m moir

s auffi

cer–

tains fur l'origine de la

com 'die,

qu'on n avoit

a l' 'gard de la uag 'die. 11 nous appr nd qu'Epi–

charme

&

Phormys , tous deux

Sicili

n , avoien

t

été les premiers

a

introduire dans la

comédie

un e

afrion fuivie

&

déterminée. C'eft

a

leur imitation

que Crares, Athénien, qui na précéd' Arift phane

que de quelques années, compofa des pieces comi–

ques Cl'une forme r 'gul iere.

J

ufgu'alor

e

n'avoit

été apparem.ment qu\m fimple divertiírement de

~etes

Baccbanales, comme prefque tous les peuples

hbres en ont eu dans tous les tems.

11

efi vraifem–

blable que ces diverriífemens dans lefquels on fe

permettoit , comme on le fait encere aujourd'hui

en divers lieux , d'attaquer par des brocard

&

des

injures tous les paífans, ont donné la premiere

idé~

de la

comédie.

C'ei1 au moins la plus ancienne forme

fous laquelle elle parut

a

Athenes; Ariílophane

reproche aux poetes comiques qui l'a voient pré–

cédé '

&

meme

a

fes contemporains de faire con–

fifrer leurs

comédies

en pures bouffonneries ,

&

en

farces propres

a

faire rire les enfans.

u

fe peut

encore que la

comédit:

tire fa premiere origine des

fetes que le peuple faifoit apres la rccolte de la

rnoiífon;

&

des fatyres perfonnelles qn'on y tolé–

roit' pour laiífer un cours libre

a

la gaieté groffiere

des moi.ífonneurs qui fouvent n'épargnoient pas

leurs propres maitres.

La

comédie

proprement dite eut fucceffivement

trois formes différentes

a

Athenes. L'ancienne

com–

die

s'y introduiíit vers la quatre- vingt - deuxieme

olympiade. Horacene nous nomme que trois poeres.

qui fe foient diftingués daos ce genre ·: Eupolis •

Cratinus,

&

Arifiophane.

Il

ne nous reile que des

pieces de ce dernier ,

&

en petit nombre ; maís

elles {uffifent pour donner une idée de ce premier

gen re. L'aélion y roule fur des événemens réels

~

arrivés dans le tems meme' les perfonnage

y

font

défignés par leur véritable nom ,

&

les mafques

imitoient meme leurs traits ' auffi exaélcment que

la chofe pouvoir fe faire. On y jouoit des perfon–

nes aéluellement vivantes,

&

qui fouvent étoient

préfentes a

u

fpeétacle. La piece enriere n'étoit qu'une

fatyre continuelle. Quiconque avoit fait une fottife

mémorable , foit dans le maniment de la chofe

publique , foit dans les affaires particulieres , ou

qui avoit le malheur de déplaire au poete , éroit

bafoué en plein théatre '

&

expofé a la ri{ée de

la populf).ce. Le gouvernement, les inilitutions poli–

tiques ' la religion rneme n'étoient point épargnés..

Horace nous a tracé le caraélere

de

l'ancienne

cornédie

dans les vers fuivans :

Eupolis atque Cratinus, Arijlophan.ifque poet(l!:

Atque alii quorum comcediaprifca virorum

ejl,

Si quis erat dignus defcribi, quod maltJS aut fur .,

Quod me2chus foret, aut Jicarius aut alioqui.

Famofus

,

multa cum libertate notabant.

Serm.

l.

VI.

Ainíi le fond de cette

comédie

rouloit

{ur

des

railleries mordantes du caraétere

&

de la conduite

des Athéniens, on ne s'y attachoit

a

aucune forme

réguliere dans l'ordonnance du

fL

jet. onvent celui–

ci ét0it allégorique : on y introduifoit en forme

de perfonnages des nuées , des grenouilles, des

oifeaux, des guepes , &c.

On a de la peine

a

concevoir aujonrd'hui qu'une

licence

fi

effrénée ait jamais pu etre tolérée ; mal

en prendroit dans notre fiecle au poete drarnati–

que qui auroit l'infolence de traduire fur la fcene

le m9indre des citoyens. 11 efi fur - tom difficile

de