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AfH
dbnt ils ont voulu tircr une conféquence trop géné–
raleo La vertu contribuant évidemment au bien du
genre humain ,
&
le vice y mertant obíl:aele
,il
n'eíl:
point furprenant qu'on ait cherché a encourager par
l'eíl:ime de la reputarion, ce que chacun en particu–
lier trouvoit tendre a (on
avanta~e
:
&
que l'on ait
taché de décourager par le mépns
&
I'infamie , ce
qui pouvoit produire un effet oppofé. Mais comme il
eíl: certain qu'on peut acquérir
I:¡
réputation d'hon–
n2te homme, pre(qu'auffi (tlrement
&
beaucoup plus
ai(ément
&
plus promptement , par une hypocriíie
bien concertée
&
bien (otltenue , que par une prati–
que (Ulcere de la vertu ; un
atl'¿e
qtú n'eíl: rerenu par
aucun principe de con(cience , choiíira (ans doure
lá prel1Úere voie, qui ne l'empechera pas de (atisfaire
en (ecret toutes fes paffions. Content de paroltre ver–
tueux ,
il
agira en (célérat lor(qtl'il ne craindra pas
d'etre découvert,
&
ne con(ultera que (es inclina–
tions vicieu(es , (on avarice , (a cupidité , la paffion
crimineUe dont il fe trouverá le plus violemment do–
miné. Il eíl évident qtle ce (era la en généralle plan
de toute perlonne quí n'aura d'autre motif pour fe
conduire en honnete homme , que le deíir d'une ré–
putatÍon populaire. En effet ,
des-l~
que j'ai banni
de mon creur tout fentiment de reLigion, jen'ai point
de motif qui m'cngage a (acrifier a la vertu mes pen–
chans favoris , mes paffions les plus impérieu(es,
tOllle
m.a
fortune, ma réputation meme. Une vertu
clétachée de la religion n'eíl: gllere propre
~
me dé–
dommagcr des plaiíirs véritables
&
des avantages
réels auxquels je renonce pour elle. Les
at/zées
diront–
ils Cjll'ils aiment la vertu pour elle-meme , parce
qu'elle a une bcauté eITentielle, qui la rend digne
de I'amom de tous ceux qui ont
aíl.ezde 11II11ieres
púur la reconnoltre ? II eíl aITcz étonnant , pour le
dire en paITant , que les perionnes
CJU}
ontrent le plus
la piété ou l'irreligion
j
s'accordent néanmoins dans
leurs prérentions tollchant I'amour pur de la vertu :
mais que veut dire dans la bouche d'un
alMe
,
que la
vertll a une beauté eITentielle ? n'eíl: ce pas la une
expreffion vuide de fens ? Comment prouveront-ils
que la vertll eíl: beUe ,
&
qtleIuppofé qu'elle ait une
beauté eITentielle, il faut l'aimer, lors meme qu'elle
nous eíl inutile ,
&
qu'elle n'influe pas fllT notre fé–
licité? Si la vertu eíl: belle eITentiellement , elle ne
l'eíl: que parce qu'eUe entretient I'ordre
&
le bonheur
dans la {ociété humaine ; la vertu ne doit paroltre
belle , par conféquent, qu
'a
ceux qui par un prin–
cipe de religion fe croyent indifpenfablement obligés
d'airner les autres hommes,
&
non pas
a
des gens qtlÍ
ne (autoient rai(onnablement admettre aucune loi
natllreUe , fmon l'amour le plus groffier. Le feul
égard auquel la vertll peut avoir une beauté cITen–
tieUe pour un incrédule, c'eíl: lorfqu'elle eíl poITé–
dée
&
exercée par les autres hommes,
&
que par–
la elle fert pour ainíi dire d'afyle aux vices du liber–
tin: ainíi, pour s'exprimer intelligiblement , les in–
crédules devroient (outenir qtl'a tout prendre , la
vertu eíl pOllr chaque individu humain , plus utile
que le vice,
&
plus propre a nous conduire vers le
néant d'une maniere cornmode
&
agréable. Mais
c'eíl: ce qu'ils ne prouveront jamais. De la maniere
dont les hqmmes font faits , illeur en coute beaucoup
plus pOtlr (uivre (cmpuleu(ement la vertu, que pour
fe laiITer aller au cours impétueux de leurs penchans.
La vertu dans ce monde eíl obligée de lutter fans ceITe
contre mille obnacles qui achaque pas I'arretent ;
elle eíl: traverfee par un tempérament indocile ,
&
par des paffions fougueu(es ; mille objets féduéteurs
détournent (on attention ; tantot viétorieufe
&
tan–
tot vaincue, elle ne trouve
&
dans fes défaites
&
dans fes vlétoires , que des (ources de nouvelles guer–
res, dont elle ne prévoit pas la fin. Une telle íirua–
tion n'eíl pas (eulement triíl:e
&
mortifiante; il me
fcmlj'!e m&mequ'elle doit étre infupportable, a moins
qu'elle ne (oit (olttenue par des
motif~
de la demiere
force; en un mot , par des motifs ¡mffi puiífans que
ceux qu'on tire de la religion.
Par con(équent , quand meme un
atMe
ne doute–
roit pas qu'lIne vertu qui jotiit tranquillement du fruit
de (es combats , ne (oit plus aimllble
&
plus utile
que le vice, il (eroit pre(que impoffible qu'il y ptlt
jamais parvenir. Plas;ons un tel homme dans l'agc Oll
d'ordinaire le creur prend fon parti,
&
commence a
former (on caraél:erc; donnons-lui, comme a un autre
homme, un tempérament, des pallions, un certain de–
gré de lumiere.
I!
délibere avec lui-meme s'il s'aban–
donnera au vice , ou s'il s'attachera a la vertu. D ans
cette íihlation il me (emble qu'il doit rai(onner
a
peu
pres de cette maniere. " Je n'ai tlu'une idée confufe
" que la verfu tranquillementpofiédée, pourroitbicn
" etre préférable aux agrémens du vice : mais je
" (ens que le vice eíl: aimable, utile, fécond en fen–
" fations délicieufes ; je vois pourtant que dans plu–
" fieurs occafions il expofe a de facheux inconvé–
" niens: mais la vertu me paroit (üjette en mille ren–
)1
contres a des inconvéniens du moins allffi terri.
" bIes. D'un autre coté je comprends parfaitement
" biell que la route de la vertu eíl: e(carpée ,
&
qn'on
" n'y avance qu'en(e genant, qn'en (e contraignant ;
)\ il me faudra des années entÍeres, aV'ant que de voir
,. le chenÚfl s'applanir (ous mes pas ,
&
avant .que
" je pui{[e joiiir des effets d'un íi mde travai!. Ma
" prel1Úere jeuneITe, cet age Ol! 1'011 goíite toutes
)1
fortes de plaiíirs avec le plus de vivacité
&
de
" raviITement, ne (era employée
qu'~
desefforts auffi
" nldes que continuels. Quel eíl donc le grand mo–
)1
tif c¡ui doít me porter a tant de peine
&
a
de íi
)1
cruels embarras? Seront-ce les délices qui (ortent
)1
du fond de la venu ? Mais je n'ai de ces délices
" qn'une tres-foible idée : d'ailleurs je n'ai qu'uné
" e(pece d'exiílence d'empmnt. Si je pouvois me
" promettre de joi'lir pendant un grand nombre
" de íieeles de ' la félicité attachée a la vernJ , j'au–
jj
rois raifon de ramaITer toutes les forces de mon
" ame, pour m'alrí'lrer un bonheur fi digne de mes
" recherches : mais je ne fuis
{fu
de mon etre que
" durant un felú inílant ; peut-etre qtle le premier
" pas que je ferai dans le chemin de la vertu , me
" précipitera dans le tombeau. Quoi qn'il en (oit ,
" le néant m'attend dans un peiit nombre d 'années ;
" la mort me faifua peut-etre , lorfqtle je commen–
" cerai
a
gouter les charmes de la vertll. Cependant
" toute ma vie (e (era écoulée dans le travail
&
dans
" le de(agrément : ne (eroit-il pas ridicule que pour
" une félicité peut-etre chimérique ,
&
qui , fi elle eíl
), réelle, n'exiíl:era peut-etre jamaispour moi ,je re–
" nons;aITe
a
des plaiflrSpré(ens,vers lefqtlels mes pa(–
" fions m'entrament,
&
qui font de íi facile acces •
" que je dois employer toures les (orces de ma raifon
" pour m'en éloigner? Non: le moment oit j'exiíl:e
l>
cílle feul dOI1t la poITeffion me {oit aír'urée ; il eíl:
" raifonnable qtle j'y (aiíiITe touS les agrémens que
" je pllis
y
raITembler ,.,
I!
me femble qu'il (eroit difficile de trollver dans
ce rai(onnement d'ttn jeune efprit fort , un défaut de
prudence ,ouun manque de juíl:eITe d'efprit. Le vice
condtÚt avec un peu de prudence , l'emporte infini–
ment (ur une vertll exaéte qtli n'eíl: point foi'ttenlle de
la con(olante idée d'un etre fupreme. Un
a-tlzée
fage
économe du vice, peut joiiir de tous les avantages
qu'il eíl: poffible de puifer dans la vero! coníidérée
en elle-meme;
&
en meme tems il peut éviter t01l5
les inconvéniens ¡¡ttachés au vice imprudent
&
a la
rigide vertu. Epicurien circonfpeét, il ne refu(cra
rien a fes defl{s, Aime-t-illa bonne chere : il conten–
tera cette paffion autant que fa fortune
&
fa fanté le
lui permettront;
&
il
fe fera une étude de fe confer-