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)/ e'eíl:qu'il faut que l'homme veuille ce qui eíl:con–

" forme a la droite raiCon. Il n'y a pas de vérité plus

" évidente , que de dire , qu'il eíl: digne de la créa–

"ture raifonnable de fe confonner a la rai(on,

&

)/ qu'il eíl: indigne de la créature raifonnable de ne (e

" pas conformer

a

la raifon ...

Le paífage de M. Bayle fournit une .diíl:inaion a

laquelle on doit faire beaucoup d'attentlon , pour fe

former des idées nettes de morale. Cet auteur a dif·

tingué avec foin la différence par laquelle les quali–

tés des chofes ou des aaions font

nawreLlement

tépa:

rées les unes des atttres,

&

celle par laquelle cesqua–

lités font

moralelllen!

féparées ; d'ol! il nalt deux

101'–

tes de différences .: I'une natmelle ,I'autre mOl·ale.

De

la

différence natttrelle

&

fpécifique des choles, il

fuit qu'il eíl: raifonnable de s'y conformer , ou de

s'en abíl:enir ;

&

de la diffé1'ence mOl'ale, ílli.tít qu'on

eíl: obligé de s'y conformer ou de s'en abfl:enir. De

ces deux différences , I'une eíl: fpéculative; elle fait

voir le rapport ou défaut de rapport 'luí fe rrouve

entre les chofes : l'autre efl: pratique ; outre le rap–

port des chofes, elle établit une obligation dans

1'a–

gent ; enforte que différence morale

&

obligatíon

de s'y confOl'mer (ont deux idées infeparables. Car

c'efr-Ia uniquement ce que peuvent figniner les ter–

.mes de

dijférence natllreLle

&

de

difforence morale;

autrement il ne fignifieroient que la meme chole,

ou ne fignifieroient rien du tout.

. 01' fi I'on prouve que de ces deux diff¿rences, l'u–

'ne n'efr pas néceífai1'ement une fuite de l'autre , l'a1'–

gument de M. Bayle tombe de lui-meme. C'eíl: ce

qu'il efl: aifé de faire voir. L'idée d'obligation fuppo–

fe néceífairement un ctre qui oblige,

&

qui doit etre

diffé1'ent de celui quí

dI:

obligé. SuppoCer que celuí

qui oblige

&

celui qui eíl: obligé fOBt une feule

&

meme perfonne, c'eíl: fuppofer qu'un homme peut

faire un conU'at avec lui-meme; ce qui efl: la chofe

du monde la plus abfurde en matiere d't!Jbligation.

Cal' c'efl: une maxime inconteíl:able , que ceJui qui

acquiert un droit fur quelque chofe par l'obligation

dans laquelle un a·utre entre avec lui, peut céde1' ce

deoit. Si donc celui qui oblige

&

celui qui efr obligé

font la meme perfonne, tonte obligation devienr

nulle par cela meme , ou pour parler plus exaae–

ment, il n'y a jamais eu d'obligarion. C'efr-Ia néan–

moins l'abfurdité Olt tombe

l'athée

Stratonicien, Ion–

.<fu'il parle de différence morale , ou autrement d'o–

bligations: cal' quel etre peut lui impofer des obli–

gations? dira-t-il que c'eíl: la droite raifon? Mais

~vr-Ja

précifément l'abfurdité dont nous venons de

~er

; car la rai(on n'efl: qu'un attribut de la per–

fonne obligée,

&

ne fauroit par conféquent Stre le

príncipe de l'obligation : fon oRice eíl: d'examiner

&

de juger des obligations qui lui font impofées par

quelqu'autre principe. Dira-t-on que par la raifon,

on n'entend pas la raifon de chaque homme en par–

riculier , mais la raifon en général

?

Mais cette rai–

fon générale n'efl: qu'une notion arbitraire, qui n'a

point d'exifl:ence réelle. Et comment ce qui n'exifre

pas, peut-il obliger ce qui exiíl:e

?

C'eíl: ce qu'on ne

comp1'end pas.

TeI

efl: le caraaere de toute obligation en géné–

ral ; elle fuppofe une loi 'luí commande

&

qui dé–

fende : mais une loi ne peut etre impo(ée que par un

Stre intelligent

&

fupérieur, 'luí ait le pOitvoir d'exi-.

ger qu'on s'r conforme. Un erre aveugle

&

fahs in":

telligence n efl: ni ne (auroit etre légiflateur;

&

ce

I11ti procéde néceífairement d'un pareil erre, 11e fau–

roit etre confidéré fous l'idée de loi proprement nom–

mée.

n

efl: vrai I11te dans le langage ordinaire, on

parle de loi de raifon

,&

de loi de néceffité: mais ce

ne font que des expreffions figurées. Par la premie–

re, on entend la regle que le

lé~i{latieltr

de la nature

Mus

a donnée pour juger de la volonté

j

&

la fe-

ATH

-80)

conde fig.nifie feulement que la néceffité a en quel–

que mal11ere une des propriétés de la loi, celle de

forcer ou de contraindre. Mais oro ne conlfoitpas que

quelque chofe puiífe obliger un Stre dépendant

&

doiié de volonté, fi ce n'efl: une loi pri(e dans le fens

philofophique, Ce qui a trompé M. Bayle , c'efr

CJlI'ayant appe1'lfll que la dífférencc; e/fentielle des

chofes eíl: un objet propre pour l'entendement , il en

a conclu avec précipitarion que cette différence de–

voit également Stre le morif de la détermination de

la volonté: mais il ya cette difparité, que I'entende–

ment eíl: nécefIité dans fes perceptions ,

&

que la vo–

lonté

n'ea

point néceílitée dans fes déterminations.

Les différences e/fentielles des chofes n'étant done

pas I'objet de la volonté , il faut que la loi d'unfupé–

rieur intervienne pour former l'obligation du choix

ou la moralité des aEtions.

Hobbes, quoiqu'accufe

d'atlziifme,

femble 3voi1'

pénétré plus avant dans cette matiere que le Strato–

nicien de Bayle'.

11

paro1t qu'il a fenti que l'idée de

morale renfermoit néce/f¡jirementcelle d'obJigation,

l'idée d'obligarion celle deloi,

&

l'iMe de loi celle

de légif1ateur. C'efl: poutquoi , apres avoír en quel–

que forte banni le légif1ateur de I'univers , il a juaé

a

propos, afin que la moralíté des aaions ne refrar"pas

[.1ns fondement, de faire intervenir fon grand monf–

tre, qll'il appelle le

léviat/uw

;

&

d'en faire le créa–

tem

&

le íOlttien dll bien

&

du mal moral. C'eíl:done

en vain qu'on prétendroit qu'il y auroit un bien mo–

ral a agil conformement

a

la relation des choCes ,

parce que par la on contribueroit au bonheur de

,ceux de fon efpece. Cette ratfon ne peut étal!lir

qu'un bien ou un mal naturel,

&

non .pas un bien

ou un mal moral. Dans ee fyfl:eme, la vertu feroit

au meme niveau que les produEtions de la tCITe,

&

que la benigl11té des faifons; le vice (eroit au meme

rang que la peíl:e

&

les tempetes ,

puifql.le

ces diffé–

rentes chofes ontle ,araaere commun de CO,ltrihuer

au bonhelU' ou au malhettr des hommes. La morta–

lité ne fauroit réfulter fimplement de la nature d'une

ailion ni de celle de fon effet; car qu'une chofe foit

raifonnable ou ne le foit pas, il s'en(uit feulement

qu 'il eíl: convenable ou abfurde de la faire ou de ne

la point faire :

&

fi

le bien ou le mal qui réfulte d'une

ailion, rendoit ceHe ailion morale, les brutes dont

les aaions produifent ces delllc effets, auroient

le

caraaere d'agens moraux.

Ce qui vient d'Stre expofé fait voir I11te l'

atkée

ne

fauroit parvenir

a

la connoi/fance de la moralité des

aaions proprement nommées. Mais quand on accor–

deroit

a

un

at/!é,

le fenrimenr moral

&

la connoiífan–

ce de la

diff~rence

eífentielle qu'il y a dails les qua–

lités des aEtions humaines , cependant ce fentiment

&

cette connoiífance ne feroient rien en faveur de

l'argument de M. Bay[e ; parce que ces deux cho–

fes unies ne fuRifenr point pour porter [a rnulcitude

a

pratiquer la vertu , ainli qu'il efr néceífai1'e pour le

maintien de la fociété. Pour difcuter cette queilion

a fond , i[ faut examiner jufqu'a quel point le fenti–

.ment moral feul peut ínfluer

fi.tr

la conduite des

hommes pour les porter

a

la verttt : en fecond lieu ,

quelle nouvelle force il acquiert, lor(qu'il agit con–

jointement avec la connoiífance de In différence ef–

fentielle des chofes ; diíl:tnilion d'autant plus nécef–

faire a obferver, qu'encore que nous ayOns reconnu

,qu'un

athée

peut parvenir 11 cette connoiífance, il

el!: néanmoins un genre

d'athées

qui en {ont entiere–

ment incapables,

&

fi.u- lefquels

il

n'ya par confé.

I11tent que le {entiment moral feul qui puiffe aair.

Ce font les

athées

Epicuriens , qui prétendent que

tour en ce monde n'efr que I'effet du hafard.

En poümt que le fenriment moral efr dans l'hon¡–

me un inilina, le

nbm

de la chofe ne doit pas nous

trompe~

,

&

nons faire imaginer (llte les imp1'effionS'