ATH
lui
léS droits de la vertu; mille fois la vertu la
plus pure s'offrant
a
fon eCprit fous le faux jour de
la. prévention, prend une forme de(agréable
&
tníle.
La'
vérit'~ble
vertn eft refferrée dans des bornes
extremement étroi'tes. Rien de plus déterminé
&
de
pl~lS-
fixé ((tI'elle pat les regles que la rai(on
I~u r~e(·ctrt.
A droite
&
a gauche de (a route amft lurutee ,
fe découvre le vice. Par-la elle eil forcée de négli–
ger mille moycns de briller
&
de plaire,
&
de s'ex–
po(er
a
paroitre fouvent odieu(e
&
mépri(able. E!le
met au nombre de (es devoirs la douceur , la poli–
teffe, la complaifance : mais ces moyens alli.lrés
de gagner les cret!rs des hommes, (Ont (ubordonnés
a
la juftice; iis deviennent vicieux des qu'ils s'écha–
penf de F'empire de eeite vertu (ouveraine , qui (eule
eíl en droit de mettre"a nos afrions
&
a
nos (enti·
rnens le fceau de I'honrfete.
Il n'en ea pas ainft d'une fau{[e vertu : faite ex'
pres pour
tá
p'arade
&
pour (ervir le vice ingénieux
qui trouve fon ¡ñtéreta (e cacher fous ce voile impof–
teur, elle peut s'artoger une liberté in/lniment plus
étendue; aucune regle inaltérable ne la gene. Elle eíl
la maltreffe de vatier (es maximes
&
(a conduite (elon
fes intérets,
&
de tendre tOl1jours (ans la moindre con–
trainte vers les récompenfes que la gloire hu montre.
IIne s'agit pas pour elle de mériter la réputation ,
rnais de la gagner de quelque maniere que ce (oit.
,Rien ne l'empeche de fe preter aux foibleffes de I'e(–
prit humain. Tout lui eíl bon, pourvl1 qu'elle aille
it
fes /lns. Ea-il nécelfaire pour y parvenir , de ref–
pefrer les erreurs ¡Jopulaires , de plier (a rai(on
aux opinions favorites de la mode , -de changer
avec elle de partí ,.de fe prilter aux circonílances
&
aux prévf!ntions publlques : ces e/forts ne lui cott–
tent rien ; elle veut etre admirée ;
&
pourvu qu'elle
réuffilfe, tous les moyens lui (ont égaux.
Mals combien ces vérités deviennent-elles plus
fenfibles , lorfqu'on fait attention que les richelfes
&
les dignités ptocurent plus univer(ellement I'eíli–
me populaire, que la vertu meme
!
Il n'y a point
d'infamie qu'elles n'e/facetlt
&
qu'elles ne couvrent.
Lettr éclat téntera toujours fortement un homme que
l'on (uppo(e (ans autre príncipe que celui de la vani–
té, en lui pré(ehtant l'appílt flatteur de pouvoir s'en–
richit aifément par (es injuílices(ecretes ; appat
(1
at–
trayant qu'en lui donnant les moyens ele gagner I'ef–
lime extérieure du public , il lui procttre en meme
tems la facilité de (atisfaire (es auu'cs paffions,
&
lé–
gitime POttr ainíi dire les marrceuvres (ecretes, dont
fa découverte incertaíne ne pellt jamais prodllire
<Iu'un eifet palfager, promptement oublié ,
&
tOll–
jouts répare par l'éclat des richelfes. Car qui ne (ait
quc le corrunun des homrnes (
&
c'eíl ce dont il e/l:
tmiquement queílion dans cene controverfe ) (e lai(–
fe tyranni(er par l'opinion ou l'eílime populaire?
&
qui ignore que l'eítime populaire eíl in(éparable–
ment anachée ame richelfes
&
atl pouvoir
?
Il eíl
vrai qu'une clalfe peu nombreu(e de per(onncs, que
leurs vertlls
&
lettrs lumieres tirent de la foule , o(e–
tont lui marquer tout le méprís dont il efr digne:
mais s'il (uit hOblement (es principes, I'idée qu'eUes
autont de (on carafrere ne troublera
ni
(on repos , ni
fes plai[trs. Ce (ont de ¡Jetits génies , indignes de (on
attention. D'ailleurs les n:¡épris de ce petit nombre
de (ages
&
de vertueux peuvent-ils balancer les re(–
)Jefrs
&
les (oumiil'ions dont
il
fera environné', les
marques exrérieurcs d'une eilirne véritable que la
tnultitude lui prodiguera
?
Il arrivera
m~me
qu'un
tl(ag~
un peu généreu,,: qu'il fera de (es t.hré(ors mal
acqtUs, les lui fera adJuger par le vulgalre ,
&
(ur–
tom par ceux avec qui
il
partagera le revenu de (es
fOttrberíes.
Apres bien des detours, M. Bayle ea conune for–
Tome 1,
ATH
cé de convenir que
l'athéiJine
tend par (a nature a la
defuufuon de la (ociété: mais achaque pas (lU'il ce–
de ,
il
(e fait un nouveau retranclu ment ; il prétend
donc qu'encore que les
~rincipes
de
l'atMifme
puif~
fent tendre au botilevedement de la fociété ils ne
la ruineroient cependant pas , paree que les h;mmes
n'agiffent pas
con(éq~len~ment
a
leu.rs. príncipes ,
&
ne reglent pas lcur vle fur leuTs opmlOns. Il avoue
que la chofe cíl étrange : mais il fOlltient qu'elle n'en
eíl pas moins vraie ;
&.
il en appelle pour le faít ame
obfervations du genre humain. ,. Si cela n'étoit pas
~
,) dit-il, comment (eroit-il pofIible que les Chrétiens
»<[ui connoiffent fi clairement par une révélation
» íoutenue de tant de mirades , qu'il fam renoncer
»
au vice pour erre éternellement heureux
&
pour
" n'etre pas érerneUement malheureux; qui ont tant
" d'excellens prédicateurs , tant de direfreurs de con–
» {cience , tant de livres de dévotion ; comment (e–
» roit-il poffible parmi tout cela, 'que les Chrétiens
,) véculrent , comme ils font, dans les plus énormes
» déreglemens du vice» ?Dans un alltre endroit en
parlant de ce contraile, voici ce qu 'il dit : " Cice–
»ron I'a remarqué a l'égard de plufieurs Epicuriens,
»qui étoient bons amis , honnetes,gens,
&
d'une
» conduite accommodée , non pas aux de(rrs de la
»volupté , mais aux tegles de la rai(on.
lis
v;vent
miera:
,
dit-il ,
qu'ils ne parLent; au l;eu que les autrlS
parlen! mimx qu'ils ne vjvent.
On a fait une (embla–
ble remar9ue (ut la conduite des Stolciens. Leurs
príncipes etoient que toutes chofes arrivent par une
fatalité fi inévitable, que Dieu lui-meme ne peut ni
n'a jamals plt I'éviter. " Naturellement cela devoit
"les conduire
a
ne s'exciter
a
ríen, a n'u(er jamais
» ni d'exhortations, ni de menaces , ni de cenfilres,
» ni dc promeffes. Cependant il n'y a jamais en de
" Philolophes <[IU (e loient (ervis de tout cela plus
»
qu'eux;
&
tome leur conduite fai{oit voir qu'ils (e
»croyoient entierement les maitres de leur deili–
»
née» . Dc ces di/férens exemples, M. Bayle con:'
clut que la religion n'eíl point auffi utile pour répri–
mer le vice, qu'on le prétend,
&
que
l'utMifme
ne
cau(e point le mal que l'on s'imagine, par l'en–
couragement qu'il donne
a
la
pratique du vice; pui(.
que de part
&
d'atlU"e , on agit d'une maniere con–
traire aux príncipes que l'on fait profeffion de croi–
re.
JI
firoit infilli
,
ajoltte-t-il,
de parcoilrir tOlltes les
bij;ureries
de
l'homme; c'eflun monjlre plus monJlTltm.:c
que les centaurts
&
la chimere de laJable.
A entendre M. Bayle , l'on {eroit tenté de (uppo–
(er avec lui quelque ob(curité myílérieufe dans lme
conduite fi extraordinaire,
&
de croire qu'il y au–
roit dans l'homme quelque principe bi(arre
qui
le
difpo(eroit, (ans (avoir comment ,
a
agir contre fes
opínions queUes qu'elles fi.llfent. C'eíl ce qu'il doir
nécelrairement fuppo(er , ou ce qu'il dit ne prouve
ricn de ce- qu'il veut prouver. Mais fi ce príncipe
~
que! qu'il (oit, loin de porter l'homme
A
agir con(–
tamment d'une maniere contraire
a
fa créance , le
pouffe quelquefois avec violence
a
agir conformé–
ment
a
res opinions; ce principe ne favori(e en ríen
l'argument de M. Bayle. Si meme apres y avoir pen–
fé, l'on trouve que ce príncipe fi myftéríeux
&
fi bi–
(arre n'e/l: autre chofe que les palfions itrégl.11ieres
&
les deftrs dépravés de I'homme, alor5 bien loin de
favori(er l'argument de M. Bayle, il eíl dircfrement
oppo(é
a
ce qn'il (ounent : or c'eíl-la le cas
~
&
heu–
reu(ement M. Bayle ne fauroit s'empecher el en faire
I'aveu. Car quoiqu'il aifefre communément de don–
ner
a
la perverfité de la conduite des hommes en ce
point , un air d'incompréhenftbilité , pour cacher le
fophifme de (on argument,; cependant, lonqu'il n'ea
plus fur (es gardes , il avoue
&
déclare nantrelle–
ment les rai(ons d'une condlllte fi extraordinaire.
{{ L'idée générale ,
di~il,
veut qu'un homme qtu
KKkkk