ATH
~.
croit un Dieu, un paradis , & un enfer ., falfe tout
ti
ce qu'ü connoít &tre agréable
a
Dieu , & ne faíI'e
>1
rien de ce qu'ü fait lui etre defagréable. Mais la
»
vie de cet homme nous montre qu'il fait tout le
ti
contraire. Voulez-vous favoir la caufe de cette in–
,. congmité ? la voici. C'elt que l'homme ne fe dé–
,. termine pas
a
une certaine aélion plíhót ({tl'a une
,. autre, par les connoilfances générales qu'il a de ce
,. Cju'il doit faire; mais par le jugement particulier
,. Cju'il porte de chaCjue chofe, [orfCju'il efr [m le
,. point d'agir. Or ce jugement particulier peut bien
»
etre
~onforme
aux idées générales que l'on a de
•• ce qu'on doit faire , mais le plus [ouvent il ne l'efr
>1
pas. Il s'accommode pre[que tOUjOUIS a la paffion
>1
dominante du creur , a la pente du tempérament,
., a
la force des habitudes contraélées, & au gOln ou
>1
a la [eníibilité qu'on a pour de certains objets
>l.
Si
c'efr-Ia le cas, comme ce l'cíl: en effet , on doit né–
celfairement tirer de ce principe une con[éc¡u nce
direélement contl;aire a celle Cju'en tire M. Bayle ;
que ft les hommes n'agiífent pas conÍormément a
lelll's OpinlO/1S , & que l'irrégularité des paffions &
des defirs [oit la caufe de cette perverfité , il s'en(ui–
vra
a
la vérjté Cju'un
lhéijle
relígicux agira [ouvent
contre [es principes , mais Cju'un
alhée
agira eonfor–
mément aux fiens; parce <{u'un
alhée
& un
tMijle
fa–
tisfontleurs pa1Ii.ons vicieu[es, le premier en fuivant
{es
princiE~,
&
l~
[econd en agi!fant d'une maniere
qui y e(l qppo[ée. Ce n'eíl: done que par accident
que les hommes agiíI'eot contre leurs principes, [eu–
lement Ionque leurs principes [e trouvcnt en 01'1'0-
:fition avec lems paffions. On voit par-la toute la toi–
hleífe de l'argument de M. Bayle, lor[qu'il eft dé–
pouillé de la pompe de l'éloCjl.lence
&
de l'ob[curité
qu'y jettentl'abondancede fes di[cours , le falL"{ éclat
de [es rai[onnemens captieux, & la malignité de [es
réflexions.
Il eft encore d'autres cas , que celL"{ des principes
<:ombattus par les paffions , ou l'homme agit contre
{es opinions ; & c'eft 10r[(jUe [es opinions choquent
les [entimer¡s communs du genre humain , comme le
fatalifme des Stolciens, & la prédeftination de quel–
ques [eéles chrétiennes: mais l'on ne pem tirer de
ces exemples aucun argument pour [ourenir
&
juili–
fier la doélrine de M. Bayle. Ce [ubtil controver–
úfte en fait néanmoins ufage, en iníinuant qu'un
tUlzée
cp.lÍnie l'exi1l:ence de Dieu , agira auffi peu con–
formément
a
Con principe, que le tatali1l:e cp.1Í nie la
liberté,
&
qui agit tOtljours comme s'illa croyoit.
Le cas eíl: différent. Que I'on applique aux fataliil:es la
rai[on que M. Bayle afTigne lui-meme pour la contra–
riété qu'on oHerve entre les opinions & les ailions
des hommes, on reconnoltra qu'un fatalifre qui croit
en Dieu, ne [auroit [e [ervir de [es principes pour
autori[er (es paffions. Cal', quoiqu'en niant la liberté,
il en doive namrellement ré(ulter que les aélions
n'ont allcun mérite, néanmoins le fataliil:e recon–
noiiI'ant un Dieu, c¡ui récompen[e & cp.1i punit les
hommes, comme s'il y avoit du mérite dans les ac–
tions, il agit auffi comme s'i! yen avoit réellement.
Otez au fataliíl:e la créance d'lInDieu , rien alors ne
l'emp&chera d'agir conformément
a
[onopinion; en–
forte que bien loín de conelurre de Con exemple que
la conduite d'un
atl,ée
démentira fes opinions , il eft
3U
contraire évidentque I'alhéifmejointall fatalifme,
réali[era dans la
praticp.leles f¡léculations que I'idée
[eule du fatali[me n'a jamais pll faire paífer ju[–
cp.les dans la conduite de ceux
cp.lÍen ont [ofltenu le
dogme.
Si l'argument de M. Bayle eft vrai en
cp.lelcp.lepoint
, '~e
n'eft qu'autant
cp.leron
atl,ée
s'écarteroit
de.s nOUons [uperficielles
&
légeres que cet auteur
hu donne [ur la naUlre de la vertu & des devoirs mo–
raux; en ¡;e point) I'on j;onvient que
l'atMe
ea en-
ATH
core plus porté que le théiil:e
a
agir contre {es opio
nions. Le théiil:e ne s'écarte de la vertu, qui, fitivant
[es principes, eft le plus grand de toUS les biens , que
parce que [es paffions I'emp&chent, dans le momen!
de l'aélion , de conftdérer ce bien comme partie né–
ceífaire de ron bonhenr. Le con.f1it perpémel qu'il
y
a entre [a rai[on
&
[es paffions, produit celui qui le
trollve entre (a conduite & fes principes. Ce con–
flit n'a point lieu che1.1'adtée: (es principes le condllÍ–
fent
a
conelun;e ({tle les plaifirs (en[uels Cont le plus
grand de tous les biens ;
&
[es paffions , de concert
avec des príncipes qu'elles chériífent, ne peuvent
manquer de lui faire regarder ce bien comme partie
néceffaire de ron bonhellf ; motif dont la vérité ou
I'illuúon détermine nos aélions. Si quelque chofe eil:
capable de
~'oppo[er
a ce de[ordre, & de nous faire
regarder la verm comme partie néceífaire de noo'e
bonhem , {era-ce l'idée innée de (a beauté? [era-ce
la contemplarion eneore plus abfuaite de [a différen–
ce eífentielle d'a
vec
le vice? réflexions qui [ont les
{eules dont un
atl,é,
puiífe faire u[age : ou ne [era-ce
pas pl1ltot l'opinion que la pratiCfue de la vertu , telle
que la religion I'enfeigne, eil: accompagnée d'une ré–
compen[e infinie, & que celle du vice eft accompa–
gnée d'un chatiment également infini? On peut ob–
ferver ici que M. Bayle tombe en contradiélion avee
Illi-meme: la iI voudroit faire accroire que le [enti–
mentmoral & la différence eíI'entielle des cho[es filf–
fifent ponr rendre les hommes vertueux; & icí il pré–
tend que ces dcux motifs répnis , & COlltenus de ce–
lui d'une providence
cp.lirecompen{e & ({tLÍ punit ,
ne [ont pre
(cp.led'aucune efficacité.
Mais, dira M. Bayle, I'on ne doit pas s'imaginer
qu 'un
atlzJe
,
préci[ément parce qu'il
efratlzét
,
&
qu'il
nie la providence, tournera en rídicule ce que les
atltreS appellent
'Vertu
&
honneteté;
qu'il fera de
faux (ermens pOllf la moindre cho[e; qu'il [e plonge–
ra dans toutes [ortes de de(ordres; que s'il [e trouve
dans un pofte ({tli le mette au-deíllls des loís humai–
nes, auffi-bien qu'i! s'eíl: déja mis au-delfus des re–
mords de (a con(cience, il n'y a point de crime qu'on
ne doive attendre de lui ; cp.l 'étant inacceffible
a
tou–
tes les coníidératÍons qui retiennent un rhéiil:e, il de–
viendra néceífairement le plus grand & le plus incor–
rigible [célérat de I'univers. Si cela étoit vrai,
iI
ne
le [eroit ({tIC cp.land on regarde les cho[es dans leur
idée, & qu'on fait des abftraélions métaphyftques.
Mais un tel rai[onnement ne [e trouve jamais con–
forme a l'expérience.
L'athée
n'apit pas autrement
que le théiil:e, malgré la diverfite de [es principes.
Oubliant donc dans l'ufage de la vie & dans le u'aín
de lem conduite , les cOlúéquences de leur hypothe–
{e, ils vant touS deux aux objets de leur inclination;
ils [uivent lem gOllt ,
&
ils [e conforment aux idées
C¡lli pellvent flatter l'amour propre : ils étudie'nt, s'ils
aimenr la {cience ; ils préferent la fincérité
a
la four·
berie, s'ils [entent plus de plai[tr apres avoir fait Ull_
aéle de bonne foi, c¡u'apres avoir dit un menfonge ;
ils pratiquent la vertu, s'ils {ont [eníibles
a
la réputa–
tion d'honn&te homme : mais fi leur tempérament les
poulfe tous deux vers la débauche,
&
s'ils aimenc
mieux la volupté que I'approbation du pub/ic, ils s'a–
bandonneront tous deux
a
leur penchant, le théiil:e
comme
l'ad,ée.
Si vous en domez, jettez les yeux [ur
les nations
cp.lÍont différentes religions,
&
[ur celles
qui n'en ont pas ; vous trOuverez partout les m&mes
pafTions. L'ambition, l'avarice , l'envie, le de[trde fe
venger,l'impudicité,& tous les crimes qllÍ peuvent[a–
tísfaire les paffions , [ont de tous les pays & de tous 165
fieeles. Le
J
uif& le Mahométan , le Turc & le More,
le Chrétien & l'Infidele, l'Indien & le Tartare, Í'ha–
bitant de terre ferme
&
l'habitant des iles , le noble
&
le rotmicr; toutes ces {ortes de gens, qlÚ [ur la
vertu ne ,onviennent, pOUI aiJlfi dire , que dans la