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C E L
ni le frein de l'obeilfance. La liberte etoit l'idole
a
laJ
quelle ils ecoient coi\jours precs rl'offrir jufqu'a la der-
11iere goutre de leur fang. Ce fa nacifme de l'indepen- ·
dance ayoic fc5 avantages
&
fes abus : ils n'etoient ni
fourbes ni ipechans; le menfonge
&
la diffimulation
font ks vices de5 ames balfes
&
des peuples flerris
p ar l'efclavage. lls avoient une- grande vivacite , une
~onception
facile' le creur bon
&
l'ame fiere
&
ek–
Yee. On leur a
reproche d'etre inquiets , legers, cu–
rieux
&
credules j ufqu' a l'exces. !Is avoient une hau–
ee idee d'em<-memes,
&
fur-tout de leur valeur. Cene
fo,lle pretoq1ption les rendoit vains
&
fanfarons ;
ils
infultoient leurs voifins plutot par vanite que clans le
delfein de nuin:. Dans Jes combats, la circonfpeCtion
leur paroilfoit une lachete ,
tout fl:ratageme de guer–
,re um: ballt:ffe, Jes retraites un opprobre : infolens dans
la vietoire, au plus leger revers, ils comboien3 dans
l'abattemenr. Etoient-ils olfenfes, ils ne citoient point
kur
nnemi au tribunal des loix ; leur faracren: im–
p atient ne pouvoit fufI,Jendre leur vengeance,
&
juges
dans lcur propre caufe' .c'etoit avec l'epee qu'ils dif–
Cutoient .Jems droits : tOUte refi!l:ance
choq'uoit Jeur
frene.
~and
ces efprits violens s'abandonnoient a eux–
memes ,
ils.exer~oient
Jes fureurs les plus brntales'
&
les alfaffinats etoient autant d'acres d'herolfme.
J
amais peuple ne mnntra une auffi grande horreur
pour la favitude. Lorfqu'une ville a!Iitgee n'avoit plus
d'efpoir d'etre delivree, ils regardoient cornme indigne:
d'eux d'implorer la clemence du vainqueur: alors ils
pn:noicnt le parti d'egorger leurs femmes , leurs en–
f ans
&
de fe
tuer eux-mcmts. Une armee etoit-elle
obligee de retourner fur fes pas , manquoit - clle de
v oitures pour emrorter !es blelfes, on Jes egorgeoit
fu r le champ de bataille ;
&
ces genereufes vietimes,
au lieu de fe plaindre de cette ferocite, fe felicitoienc
d'etre ainfi prffervees de l'opprobre de la fervitude.
B rennus cekbre par fon expedjtion clans la Thrace ,
touche des
ravages que la famine fai foit dans
fon.
a rmee • confeilla
a
fes
foldats de le
tuer lui-meme
avec tous Jes blelfes ' afin di! menager Jes provifions
d ont ils avoient befoin dans
leur retraite. Ce barba–
re confeil fut. poncruellernent execute. Chicorius qui
lui lucceda dans le commandcment, fit t uer vingt mil–
Je malades ;
&
Brennus, fans attendre qu'on Jui ren–
d it ce lerv ice inhurnain' crut qu'il etoit plus glo–
r ieux de le
CUC!!'
lui-meme. Aucun tra-it ne caracrerife
mieux leur ferocite que ce qu'ils firent avant de livrer
b acaille
a
Antigone. L es arufpices qu'ils confultercnt,
ne leur furent pas favorabks,
&
prevoyant lellr defai–
te , ils tuerent leurs femmes
&
leurs enfans,
&
allerent
enfuite chercher, comme des furieux, la rnort qui les
attendoit dans la rnelee. Lorfque Jes Remains fo bj u–
g uerent Jes Gallo·Grecs , ils furent ctonnes du rnepris
que ces peuples avoient pour la vie,
&
de leur hor–
reur pour
la fervitude. Les captifs rrrordoient leurs
chaines , ils fe tendoient la gorge l'un
ii
l'autre,
& fe
rendoient le fatal fervice de s'ecrangkr reciproquement.
L a frugalite leur etoit
na~urelle.
La vie
noma~e
qu'ils menoient dans le terns de leurs premiers etablif-
. femens , ne leur p·ermettoit pas de rechercher Jes deli–
ces de la table. Ils furent long-terns fan·s con.noitre !'a–
g riculture. Ce forent Jes Phoceens, fondateurs de M ar–
.kille , q ui vers !'an
6 00
avant notre ere, leur appri–
rent a cultiver la terrc '
a
tailler la vigne
&
a
plan–
ter des oliviers : .mais cet art fut lent a prendrc: des
accroilfemens parmi dc;s hommes perfuades que
tout
autre in!l:rument que Jes armes, avili!foit leu rs maiil's.
II
leur frmbloit plus fi mple
&
plus commode de fe
nourrir du gibier de leur chalfe , du lait
&
de la chair
de leurs troupeaux. Cc ne fu t q ue vers
l'an
600
de
la fondation de Rome , que l'agricultur_e fo.rtit de fon
enfance dans la Celtique. II fallut fai re violence ace peu–
ple , pour le rffoudre
a
arrofer de
fa
fueur un peni–
ble fillon. La vie paifible du laboureur rebutoit lc:ur
caraCl:i:re impatient. !ls aimoient
a
fatisfaire leurs de–
firs auffi.tqt qu'ils C:toient formes;
&
la terre eft lent!
a
executer
(es
promdfes. L'eau affaifonnee de mief
OU
de lair, fut leur premier 0reuvage. Des qu'ils eurent
des grains , ils Jes employerent
a
faire de la bierre ;
&
q uoique Jes Phoceens leur eulfent enfcio ne l'art de cul–
tiver la vigne, ils furrnt long. terns
fa~s
en c:xtraire la
liqueur qui flane leurs defcendans. On ne buvoit dans–
toute la Celtique que des vins etrangers,
&
ii n'y avoir
que Jes cornmeryans qui euffent la facilite de s'en pro–
rnrer. Ils prenoient leurs repas affis par terre, pres d'u-
ne table trop petite pour y fervir beaucoup de mers.
L'ufage de la couvrir d'une nappe ou d'un tapis, ne
s'introduifit que long-tetns apres
l'ufage des etoffes.
L eur vailfelle
&
leurs vafes n'etoient que de bois ou–
rl'argile. Les
feigneurs buvoient dans des cornes de
beces fauvages
tuees
a
la chalfe ; Jes braves clans
le
crane d'un ennemi tombe fous leurs coups, ils Jes por–
toirnt fulpendus
a
leur ceinrure , comme un monument
de leur viCl:oire;
&
c'etoit fur.rout, dans Jes banqm:ts
facres, que les g uerriers etaloient avec fa!l:e ces cou–
pes rebutantes.
11
y avoit chaque annee des fefl:ins pu-
•
blics dans. tous Jes cantons de
la Celtiq ue. Le plus
?lagnifique etoit celui ,que Jes
fc:igneurs donnoient le
JOUr
OU
on elifoit k fouverain rnagifl:rat
Ol1
le general.
Les tables etoienr fervies avec plus de profufion que
~e
delicatelfe; des jeunes gens de
l'un
&
de l'aucre
lexe fervoient Jes convives. On voyoit pres des tables
d'immenfes foyers garnis de broches
&
de ch.audiere&
d_'une grande capacite ou cuifoient d.::s animaux en- ·
tiers. L es morceaux Jes plus delicats etoient fervis aux:
plus
.bra~es.
Cet ufage·enfa nglantoit fouvent Jes
fe.te;.
Celui qui fe piq uoit de bravoure, choq ue de la
prere–
rence, difputoit ces morceaux
a
Ia pointe dr l'epee ; ou
iJ fai foit perir fon adverfai re, OU
iJ peri!foit lui meme.
On
at
cufe Jes
Ccltes
d'avoir ete antropophages ,
&
ii .en: diJ?cile de Jes en
jufl~fier,
puirque clans Jes
fa–
mines ' ds egorgeoient fans pitie ks fe mmes ' Jes en–
fans ,
Jes vieillards ,
&
generalement tous cl!-ux qui
n'etoient point en etat de porter Jes armes
1
mais des
fam pamculiers infpires par le dffefpoir, ne doivrnc
point 1mprimer une fletrilfure
a
toute qne nation.
T ant que !es
Celtes
menoient la vie nomade, errans
&
:vagabonds, ils ne s'arreroient que dans Jes lieux
ou ils trouvoienr des fu bfi!l:ances : ainfi ils n'avoient
point de villes, ni d'edifices qui ne font utiks q u'a
ceux qui menent une vie fedentaire ;
&
c'eil la veri–
table caufe pour laquelle ii n'avoient ni temples , ni
) l:arues. Ce ne fut qu'apres avoir reconnu k s avanta–
ge~
de_ l'agric ulrnre , qu'ils fi rent le parrage des terres
qui , JUfqu'alors , n'avoient point eu de polfcffeurs c:x–
cl ufifs. Ils bacirent des granges pour
y
_depofer let.irs
n~o1J!ons.
Ces premiers edifice> t!on.nerent nai!fance aux
v11l~s
, q ue !'on ne fortifia que pour
y
conferver le
butin, L es
Celtes
auroient rouoi de devoir kur
f:
lut
a
des murai lles
:
ils
cherchoi~nt
l'ennemi '
&
It:
ca–
raetere de la lachete eroit de l'anendre. ! Is auroient
cru le
d~shonorer
avcc un cafque ou une cuiraffc;
kur adrelf: etoit leur plus ferme bouclier.
.
Lt premier des arcs qu'ils culcivrrent, fut celm de
Ia_
g~erre;
c'etoit auf1i
le feu l qui atriroit dt: la confi–
deration. Dans Jes pren\iers terns ils alloienr rout nuds ,
ils n'avoienr d'autre parnre que Ieurs armes. Les v_iql–
lards, dans !es froids rigoureux ;
ft:
couv roient de la
peau des bctes done ils avoient devore la .chair. La li–
me:
&
Je martcau forent Jes premiers in!l:rumens con–
nus clans la Cd tique; on s'en fervi t pour faire . des
lances
&
des epees ' avant de Jes employer
a
polir le
foe
&
la beche de!l:ines
a
feconder la terre. L e foi n
des manufaCl:ures fut abandonne
a
des d claves. Tout
ce que nous appellons metier, etoic regarde comme
une occupation avililfa11te, qui degradoit rn€me la po·
fteritc de ceux qui s'y etoient livres. U n
Celte
fe cro–
yoic ne pour la g uerre,
&
ii ne vouloit devoir
fa
(ub–
fi!l:ance qu'a fon epee. Les braves marchoient tof1jours
armes , merne en terns de
pa~.
Le: pillage etoir per–
mis en
tou t terns. La politique avoit introduit cet
abus , pour entretenir
le~
inclinations belliqueufes de