GLO
quelque forre
&
le rend moins dangereux. On doit fe
détier de fon témoignage; il n'eil pas libre: mais qui
oblige l'homme de Lwres
a
fe trahir lui·meme
&
fes
femblables , la nature
&
la vériré?
Ce
n'etl pas ram la craime ,
1'
inrérer, la baffelfe ,
que l'ébloüilfemenr , l'illutioo, i'enrhouliafme, qui ont
porté les gens de Lenres
a
décerner la
gloire
nux for–
titirs éclarans . On en frappé d'une force d'efprir on
d'ame furprename daos les grands
e
rimes, comme daos
les grandes vertus; mais lil, par les mauí qu'elle cau·
fe; ici, par les biens qu'elle fait: car ceue force en
daos le moral, ce que le
fe
u en dans le pbyliq•¡e, mi–
le ou fundle comme lui, fuivam les etfets pernicieus
ou falutaires . Les imagíoatious vives n'en onr vu l'ex–
plolions que comme un dévcloppemem prodígieux des
refforts de la nnture, comme un tableau magnitique
a
peíndre. En admiranl
la caufe on a loüé les eftim :
aínfi les fléaux de la rerre en fom devenus les héros.
Les hommes nés pour la
gloir.
,
l'onr cherchée od
l'opinion
l'avoir mííe. Alexandre avoit fans celfe de–
vam les yeux la fable d' Achille ; Charles
XII.
l'hinoi–
re d' Alexandre: de·la cette émulation fune!le _quí de
-deux roÍ> pleins de valeur
&
de talens, fit deux guer–
•ríers impiroyables. Le roman de Quinte·Curce a peul–
erre fait le malheur de la Suede; le poeme d'Homere,
les malheurs de l' lnde; puitfe l'hi!loire de Charles
XII.
Jle
perpétuer que fes venus!
Le lage feul etl bon poere , diíoiem les Sto'lcíens .
lis a·voient rai[oo: fans un efprit droit
&
un ame pu–
re, l'ímagination n'e!l qu'uo Oircé,
&
l'harmonie qu'
une Grene.
11
en e!l <le l'hinorien
&
de l'orarcur comme do poe–
te:
éclairés
&
verme ux, ce
Cont
les organes
de
la ¡u·
fiice, les flarnbeaux de ·la vérité: pallionnés
&
corrom–
pus, ce ne font plus que les counilons de la profpéri–
ré, les vils ndulareurs du erime.
Les Philo[ophes ont
oíé
de leurs droirs,
&
parlé de
la
gloire
en ma\!Ces .
, Savc1.-•ous, dír Pline
a
Trajan, o
u
réfide la
gloi–
"
u
véritable , la
gloire
immortelle d' un
louveraín ?
"
l.,es ares de triomphe , les rlatues,
les temples me·
me
&
les autels, lont démolis par le re
m~;
l'oubli
,
les eftitce de la terrc: mais la
gloire
d'un héros, quí
,
[upérkur
á
fa pui!Tance illimítée, íair la domprer
&
.. y
mettre un frein, cene
gloire
inaltérable lleurira me·
, me en vieílliiTant.
, En quoi reffembloit
a
Hercule ce jeune iníenfé qui
, prétendoit fuívre fes traces, dít Seneque en parlan!
, d' A Jexandre, luí qui cherchoít la
gloire
fans en con–
,
noi[re ni la namre ni les limites,
&
qui o'avoit pour
, vertu qu'une heureufe témérité? Hcrcule ne vainquit
,
Jamais pour lui-meme: il ttaver[a le monde pnur
le
1
venger,
6<
non pour l'envahír. Qu'avoit·il beÍ<>ín de
'
conquc!tes, ce héro<, l'ennemi de> méchans, le ven–
:: geur des baos, le pacificateur de la terre
&
des m_ors 1
Mnis Alexandre , enclín des l'enfaoce
a
la raplnc ,
,
fut le defolateur des naríons, le ftéau de íes amis
&
de
[<S
enocmis.
11
faifoit coolillor le [ouveraio bien
, a
fe renclre redoutable
il
tous les hommes; il oublínit
" que cet avontage
lui étoit commun 0011- r.ukment
avec les plus féroces, mais encnre avec ks plus la·
, ches
&
les plus vils dos animaux qui fe fom craín-
,
dre par leur "enin
,
.
.
C'cft aioli que les hommes nés pour innrnire
&
pour
juger les aurrc> hommes , devroient leur préfemer faus
celfe en opp litiot¡ la valeur proteétríce
&
la valeur de–
ilruétíve, pour leur apprendre
a
d10inguer le colte de
J'amour de celui de
la crainte , qu'ils cootondent
le
plus li>uvent.
JJ
[uffit, direz·VOUS,
a
\'ambítÍeUX d'elre craint ; la
crainre lui ticnt lieu d' amour : il domine , [es vreux
foot rempli•. Mais l'ambítieux livré
a
lui-méme, n'c!l
plus qu'un homme foible
&
timide . Períuadez
a
ceux
qui le fervent qu'ils fe perdent en le fervant; que fes
cnnemís [ont leurs freces ,
&
qu' il en Jcur bourreau
commun. Rendez·le odieux
a
ceux·m~mes
quí le ren·
dent redourable, que devieot alors cct homme prodi·
gieut devaot qui wur dcvoit trembler 1 Tamerlan, l'ef–
froi de
1'
Alíe, n'en fera plus que la fabk; quatre hom·
mes fuffifeot pour l'enchainer comme un furieux, pour
le ch6tier comme un eofanr. C'e!l
á
quoi foroir rédui–
te la force
&
la
gloire
des conquérans, fi
!'011 arrachoit
au peuple le bandeau de l'illufion
&
les cmraves de la
crainte.
Quelques-uns fe font crus for! fages en metlant dans
la
balance, pour apl>récier la
gloire
d'un vaínqueur, ce
qu'il devoit au haíard
&
a
fes uoupes, ave
e
ce qu'il ne
T•me VII.
GLO
627
devoit qu'
a
lui íeul .
11
s'agit bien
1
a
<le
parta~er
la
gloir.
1 C'e!l la home qu'il faut répandre, c'efl ·l'hor–
re"ur qu'il faut ínfpirer . Celui qui épouvante la <erre
1
en pour elle un dieu infernal ou céleOe; on l'alorora
fi on ne l'abhorre: la [uper!lition ne cuooolr pomr de
milieu.
Ce n'efi pas lrti r¡ui a vainm,
dirn-vous d'un con–
quéran<: 11011, mais
e'
e(!
lui quí a fait vaíncre. N dl–
ce rien que d'illl'pirer
a
une multitude d'hommt; la rt!–
folution de combatrre, de vaincre ou de mourir
Jous
fes drapeaux 1 Cer ai'cendant fur
les efprits fuffi1oit Ju[
feul a Ca
gloire.
N
e
cherche?. done fas
a
détruire
le
merveilleux des
conqu~tes,
mais rendez ce mtrveilleux
aulli dére!lable qu'il
cll
fundlc: c'e!l par-la qu'!l fnut
l'avílir .
Que la force
&
l'<lévation d'une ame bienfaiíame
&
g¿oéreufe, que l'aétivité d'un efprit fupérieur, appliquée
au bonheur du monde, foieot les obJets de vu' hom–
mages;
&
de la memo main qui él
e
vera des 3Uiels
au
deliotéretfemenl'
á
la bonré,
a
l'humanité ,
a
la
cié–
menee, que l'orgueil, l'ambition, la veogeaoce, la cu–
pidité, la fureur, íokot trúnés au
tribunal redoUiable
de !'incorruptible ponériré: c'en nkors que vous fere1.
les Némélis de vorre fiecle, les Rhadamantes des vi–
vans.
Si les vivans vous intimident, qu'avez-vous
a
crain–
dre des morrs 1 vous ne !eur devez que l'éloge du bien;
le blftme do mal
1 VOUS
Jc devez
a
la terre : \'opp!O–
bre auaahé
a
leur nnm rejaillira fur leurs
ímirateurs .
Ceux-ci trembleront de fubír
~
leur tour l'arret qui flé–
trit Jeurs modeles; ils fe verroot dans l'avenir ; ils fré–
miroot de leur mémoíre .
Maís
a
l'égard des vívans memes, quel partí doit
prendre l'homme de Lemes,
a
la vi\e des Cueces
in–
juries
&
des crimes heureux 1 S'élever contre, s'il en
a la
liben~
&
le courage; [e taire, s'il ne peut ou s'il
n'o[e ríen de plus.
Ce fiknce univerfel des gens de Lemes [eroit lui–
meme un jngement terrible, fi
l'on étoít accoOmmé
a
les voir fe réunir pour cendre un rémoignage éclarant
aux aétions v1aimem glorieufes. Que l'oo
fuppofo
ce
concert uoanime,
tel qu'il devroít érre; tous les Poe–
tes, wus le< Hiftoriens,
wus
les Orateurs fe
r~pondant
des extrémités du monde,
&
pretaot
a
la reoommée
d'un bon roi, d'uo héros bienfaíiant , d'un vainqucur
pacifique, des voix éloquemes
&
fublimes poor
r~pan
dre fon nom
&
[a
gloire
da1n l'univers; que tont hom–
me qui par
fes
ralens
&
¡¡,.
vertus aura bien mérité
de fa pan ie
&
de l'humaníré , Í<>Ít
poné comme en
triomphe dans
les écrits de fes comemporains ; qu'il
paroíffe alors un homme ín¡uOe, violem, ambiticux ,
quelque pui1Tant, quelqu'heureux qu'il [oit, les <•rganes
de la
gloire
Ceront muer' ; la terre entendra ce lilcnce;
le tyran l'en tendra lul-mi:me,
&
il
en Cera confondu.
Je
fuis coodamné, dira·r·il,
&
pour graver ma honre
e11
airain on n'nuend plus que ma ruine .
Quel refpeét o'imptirneroient pas le pínceau de la Poé–
lie, le burin de I'Hilloire, la foudre de l'Eloquence
dans des maíns équirables
&
pure.1 Le crayon f<lible'
mais hnrdí, de
l'
Arétin, faífoir rrembler les empereurs
~
La faufle
gloire
des conquérans n'ell pas la feu le qn'il
faudroit convenir en
opprobr~;
mais les príncipes qui la
condamnenr s'appliquent naturcllemem
a
wur ce qui Ju[
re!femble,
&
i<s bornes quí nous lont preferítes ne nous
permeuent que de danner
a
r~fléchir
fur les ob¡ers que
nous parcourons.
La vraíe
gloire
a pour objets J'utile,
J'hoon~te
&
le
ju!le;
&
e'
el!
la i'eule qui
i'oOtieune les regards de la
vériré: ce qu'elle
a
de merveilleux, conone daos des
etforts de talem ou de venu dirígés au bouh<ur des
hommes.
Nous avons obfervé qu'il íembloit
v
avoir une forte
de
gloire
accordée au merveilleux agréable; mais ce
n'e[} qu'une partícipation
a
lo
gloire
anachéc
au
mer•
veílleu>C utile: telle
di
la
gloire
des beaux
Am·.
Les beaux
Arts
ont leur merveilleux: ce merve11leux
a _fair leur
gloire.
Le pnuvo¡¡ de J'E loquc.nce, le ,pre–
n,ge de
la Poélie, le charme de la Muilquc , l_lllu·
tloo de
1~
Peinturc,
&<.
ont dO parottre des
p~od•ges,
daos le tems fur·toU< ou l'Eloquence change01r la fa–
ce des étars
od In Mnfique
&
la Puéfie civilí[oient les
hommes
od la Sculpmre
&
la Peínture imprimoient
a
la
terre ie re[peét
&
l'adoration .
Ces eftets merveilleux des Arrs ont éré mis au rang
de ce que les hommes avoiem proJuit 'de plus étonnanr
&
de plus u
ti
le;
&
l'éclatante célébrité qu'ils om eue,
a
formé l'une des efpeces comprifes fous le nom
gén~-
.
K kkk
:z,
riquc