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XVI]
férence. Il fallut
~ue
les ::éritables .juges ,eulfent en l,e .tems de
~ire: bien-~óf il ~
ra–
menerent la multltude touJours prompte a thanger d aVIs; la partIe du Pubhc
qu~
en–
feigne, diaa
11
la partie qui écoute ce qu' elle deyojt penfer & dire; & le
fuflra~e
des hommes éclairés', joillt aux échos qui le répeterent , ne fo rma plus qu' une V01X
dans tonte l'Europe.
.
Ce fut alors que les ennemis publics
&
fecrets des Lettres
&
de la Philofophie (cal'
elles en unt de ces deux efpeces) réunirent leurs trai ts contre 1'0uyrage . De-El ce tte
foule de Brochures qui. lui furent lancées de toutes parts , & que nous ne tirerons pas
de l'oubli
OU
elles font déja plongées . Si leurs auteurs n'avoient pris de bonnes me–
fures pour etre inconnus
11
la poftérité , elle croir0it que I'Efprit des Lois a été écrit
au milieu d'un peuple de barbares.
M. de
Montefqui~u
méprifa fans peine les Critiques ténébreufes de ces auteurs fans
talent, qui foit par une jaloufie qu'ils n'om pas droit d' avoir, foit pour fatisfaire la
lualignité du Public, qui aime la fatyre & la méprife, outragent ce q u'ils ne peuvent
atteindre;
,&
plus odieux par le mal qu'ils veule,nl:.
f~ire
que
redo~t~b)es
par celu,i qu'ils
fom , ne reuffilfent pas meme dans un genre d écnre que fa facIlIte & fon obJet ren–
dem également vil.
11
mettoit les ouvrages de cette efpece fUl" la meme ligrie que ces
Nouvelles hebdomadaires de l'Europe , dont les éloges [ont fans autorité & les traits
fans effet, que des Leaeurs oiíifs parcourent fan s y ajoúter foi, & dans lefquelles les
Souverains ront infultés fan s le favoir, ou fan s daigner fe venger.
Il
ne fut pas auffi
indiflérent fur les
pr~ncipes
d'irreligion qu'on l'accu[a d 'avoir femé dans
l'
Efprit des
Lois. En méprifánt de pareils reproches, il auroit cru les mériter,
&
l'importatÍce de
l'objet lui fenna les yeux fur la valeur de fes adverfaires. Ces hommes également dé–
pourvús' de zele & également emprefIés d'en faire -paroitre, également etfrayés de la
lumiere que les Lettres répandenr, non au préjudice de la R eligion, mais
a
léur de–
favantage, avoient pris difFérentes formes pour lui porter atteinte . Les uns , par un
ftra tageme auffi puéril que pufinanime, s'étoient éc rit
a
eux-memes; les autres, apdos
I'avoir dé¿hiré fous le mafque de l'Anonyme, s'énoient enfuite déchirés entre eux
a
f(m
occafion. M. de Montefquieu, quoique jaloux de les confondre, ne jugea pas
a
propos de perdre un rems précieux
a
les combattre les uns apres les autres , il fe con–
renta de faire un exemple fur celui qui s'é toit le plus fign alé par fes
ex ces .
C 'étoit l'auteur d 'une Feuille anonyme & pé riod ique, qui crair avoir fu ccédé
a
Pa–
fcal, parce qu'il a fuecédé
a
fes oeinions; panégyriíle d'ouvragcs que' perfonne ne lit,
& apologiíl:e de miracles que l'autorité féculiere a fait celfer des qu'elle
l'
a voulu;
qui appelle impiété
&
fc andale le peu ,d'intére t .que les gens de Lettres prennent
ii.
fes querelles,
&
s'e{l:
alié né ,
par une adrelfe digne de lui, la parrie de la Nati on
qu
'il
avoit le plus d'intére t de ménager. Les coups de ce rcdoutable athlete
fure.ntdignes
des vues qui l'infpirerent; il accufa M, de Montefquieu de SpinoG.fme & de Déifme
(deux imputations 'incompatibles); d ' avoir fui vi le fytte me de Pope (donr
jI
n' y a–
voit pas un mor dans l'ouvrage); d 'avoir cité Plutarque qui n'eft pas un Auteur Chré–
tien; de n'avoir point parlé du Péché originel & de la Grace.
II
ptétendi t en!in que
l'E[prir des Lois étoit une produétion de la Conllitution
'V1tige1tit1JS;
idé~
qu 'on no us
foups;onnera peut-etre de preter par déri{¡on au Critique. Ceux qui onr connu M. de
Montefquieu, 1'ouvrage de Clément
XI.
&
le fien, peuvent juger par cette accufation
de toures les auo·es.
'
Le malheur d'e ' cet écrivain dut bien le décourager;, il vouloit perdre un fage par
I'endroit le plus fenllble
a
tout citoyen" il ne tit que lui procurer une nouvelle gloi–
Xc
comme homme de Leftres ; la
'Défe7tft de l '
EIPrit
des L ois
parut. Cet Quvrage ,
par la modération, la vériré, la finelfe de plai[anrerie qui y regnent, doit etre rega rdé
comme un modele en ce genre. M . de Monrefquieu, chargé par fon adverfaire
d'im~
putations atroces, pouvoit le rendre odieux fans p'eine
¡
il tit mi eux, ille rendit l:idi–
cnle . S'il faut tenir compre
a
1'aggrelfeur d'un bien qu'il a fait fans le voulbir, nous
I
. lui devons une étemelle reconnoiHance de nous avoir procuré ce chef-d 'reuvre . Mais'
ce qui ajoúte encore au mérite de ce morcean précieux, c'e(t que l'Au teur s'y eft
peint lui-meme fans y perrfe
r.;
ceux qui l'onr connu, croyent I'entendre ,
&
la pofté–
rité s'alfurera, en lifant fa
défe1lft ,
que fa converfation n'étoit pas inférieure
a
fes é–
crits; éloge que bien peu de grands homOl es ont mérité.
Une autre' circonftance lui alfure pleinement I'avantage dans cerre difpme : le criti–
que
qu~
pour p'reuve de fon attachement
a
la Religion, en déch ire les Min iil:res , ac–
cufoit naurement le Clergé de France,
&:
fur-tou t la Faculté de Théologie ,
d
'indif–
férence pour la caufe de Dieu, en ce qu'ils
~
profcrivoi ent pas ·aurh entiquement un '
fi pemicieux ouvrage. La Faculté étoit en droit de méprifer le reproche d 'un Ec ri–
vain fans aveu; mais il s'a.giíToit de la R eligion; une délicatelfe loüab le lui
a
fait pren–
dre- le parti d:examiner I'Efprit des Lois. Quoiqu'eJle s'en occupe depuis plu.11eurs an–
nées, elle n 'a ríen prononcé jnfqu'ici; & fUt-i l échappé
ii.
M.
de Momelqu iell quel–
ques inadvertances lége res , prefque inévjtables dans une carri ere fi vafie , l'attenrion
longue
&
fcrupuleufe
qu'el~es
auroienr demandée de la part du Corps le plus éclairé
Tome V.
e
de