A MADEMOISELLE CLAIRON.
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quelque chose
a
ce grand homme, qui, d~ tous
nos écrivains, est celui qui a le plus approché de
la
perfection dans l'élégance et la heauté continue
de' ses ouvrages. C'est surt'out le grand vice de la
tragédie
d'Ariane.,
tragédie d'ailleurs intéressante,
repiplie des sentiments les plus touchants et les
plus naturels, et qui devient excellente quand
v.ous la jouez.
Le malheur de presque toutes les pieces dans
lesquelles une amante est trahie, c'est qu'elles re–
tombent toutes dans la situation
d'Ariane;
et ce
n'est presque que la meme tragédie ~ous des noms
différents.
J'
ose .croire el~ genéral que les tragédies 'qui
peuvent subsister sans cette passion sont sans
contredit les meilleures ; non seulement parce
qu'elles sont beaucoup plus difficiles
a
faire, mais
parce que le sujet étant une fois trouvé' l'amour
qu'on introduirait
y
paraitrait .une puérilité' au
lieu
d'y
etre un ornement.
Figurez-vous le ridicule qu'une intrigue amou–
reuse ferait -dans Athal!e, qu'un grand-pretre fait
égorger
a
la porte du temple ; dans cet Oreste
qui venge son pere ·et qui tue sa mere; dans Mé–
rope., qui, pour venger la mort de son fils, leve
le hras sur son fils meme; enfin dans la plupart
des sujets vraiment tragiques de 1'antiquité. L'a–
mour .doit régner seul, on l'a déja dit;
il
n'est pas
fait pour la seconde place. Une intrigue politique
dans
Ariane
serait aussi déplacée qu'une intrigue