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A MADEMOISELLE CLAIRON·.
Marc-Antoine. Je ne vois pas non. plus qu'il
y
ait
un grand mal
a
pronocer tou.t haut des vers fran–
<_;:ais que tous les honnetes gens lisent, ou meme
des vers qu'on ne
lit
guere : c'est un ridicule qui
m'a souvent frappé parmi bien d'autres; et ce ri–
dicule, tenant
~
des ch0ses sérieuses , pourrait
quelquefois mettre de fort mauvaise humeur.
Quoi qu'il en s.oit, l'art de la cl.éclamation de–
mande
a
la fois tous les talents extériears d\m
grand oraiteur, et tous ceux d'un grand peintre.
II en est de cet art COIJ?,me de tous ceux que les
hommes- ont inventés po,ur charmer l'espriit, ,les
Qreilles ei les yen~: .ils sont tous, enfants d.u génie
7
tous devenus nécessaires
a
la so-~iété perfecti0nnée;
et ce qui est commun
a
tous, c'est qu'il ne leur est
pas permis d'etre médiocres. 11
n'y
a de véritable
gloire que pour les ~rtistes ·qui attei¡p1ent la per–
fection; le reste n'est que toléré.
Un mot
de
trop , un mot hors de s.a place, gate
fo
plus beau .vers; une helle pensée perd tout son
prix' si elle est mal exprimée; elle vous emmie'
si, elle est répétée :
le
meme des inflexions d.e
voix, 0u déplacées, ou peu
1
justes
7
o:u trop peu
variées
7
dérobent au récit toute sa grace. Le secret
de tou.cher les creurs est dans l'assemblage d'une
infinité de nuances délicates, en poésie, en élo–
quence, en déclamation, en peinture; la plus lé–
gere dissonance en to~ll ge.nre est sentie aujour–
d;hui par les connaisseurs; et voila peut~etre pour–
quoi l'on trouye si peu de grands artistes: c'est que
.