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46!l-

que cbez les nations politées le luxe

re~oit

l'empreinte des mreors et qu'il s'y

proportionne; qn'il se modere et se mesure de lui-meme la ou l'bonneur, fe

dévouement et toutes les verti!S sociales sont en respect ; la ou le mérite pcr–

sonnel est placé par l'opinion au nivean de la ricbesse; la enfin ou regnent l'é–

galité civile et l'empire des lois; mais qu'il.devient excessif,

désordonn~,

dan–

ger~ux,

a mesure que la religion faiblit, que la morale s'altere et que les lois

périssent. C'est dans la foi religieuse d'abord, c'est ensuite dans les iustitutions

civiles et poljtiques des nations que les bonnes mreurs ont leur source; elles

y

puisent leur vertu; elles en re¡;oivent leor sanction ; elles en suivent les desti–

nées. L'époque la plus corrompue de notre bistoire ne fut-elle pas précisément

celle ou la religion tomhait sous les coups redoublés du ridicule, entrainant

avec elle les restes vermoulus des institutions civiles et politiqucs de la France?

Alors, en effet, régnait avec l'atbéisme et l'anarchie des idées un luxe raffiné,

aussi malfaisant peut-étre sous le rapport du goüt et

~es

arts que sous le rap–

port des mreurs. Dira-t-on que ce luxe fut la grande cause du dépérissement de

tous les príncipes et de toutes les lois?

U

n'en était, hélas! qu'unc déplorable

conséquence ; il attestait la préexistence réelle d'un mal plus général et plus

profond; l'impuissancc politique ct la satiété morale des classes en qui se

personnifiait cncore la nationalité

fran~aise,

mais qu'une ré,volotion néccssaire

devait bientót détrc\ner !...

Autre objection qui découle naturellement de la premiere:

le luxe amollille

courage.

Jci l'on .rappellera saos doute l'armée d'Annibal qni, victorieuse des

Romains, alla s'abimer dans les délices de . Capoue. Ce fait,

a

la vérité, est

contesté aujourd'h ui pjir beaucoup d'historiens. Quoi qu'il en soit, des exemples

de ce genre ue prouveraient qu'une cbose: c'est que le luxe, auqocl peut aspirer

le commun des hommes, doit etre interdit au:< armées qui, sous le rapport des

regles de condnite et de 1iberté individuelle, formcnt en quelqoe sorte un Etat

a

part dans l'Etat, et qui, sans une austere discipline, deviendraient les lléau:<

de l'humanité. Cette pensée est vulgaire; aussi, sans insistcr davanta¡¡e, me bor–

ncrai-je

a

citer

a

mon tour un trait du grand Frédéric. Un riche gentleman an–

glais, voulant apprendre l'art de la guerrea bonne école, alla s'enróler daos

l'armée prussienne; il

y

parut avec de superbes équipages et tout l'attirail el'un

grand luxe. Surpris cependant de s'y voir si pea cansidére, relégué le plus sou–

vent parmi les bagages et les ambulances, il osa se plaindre au grand Frédérie,

qui lui répondit : " Votre maniere de vivre dans mon camp est d'un grand

scandale. Sachez c¡u'il n'est pas possible, sans beaucoup de fru¡¡alité, de s'en–

durcir aux travaux de la gue.rre; si done vous ne croyez pas pouvoir vous faire

a la mále disci plin e de

mesa~·mées, je

vous exhorte a retourner enAngleterre.

»

!.e luxe, aussi bien que la liberté, est done incompatible avec la discipline

militaire, qui ne saurait se maintenir sans le deSpotisme de I'ordre , sans

l'obéissance passi ve et la régularité de la vie , éléments néces;aires d'un ré–

gime d'exception, qu'on a caractérisé par un spirituel paradoxe, en disant que