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les soldats sont des 'moincs
st!cularist!s:
Mais, grace au ciel, la société n'est pos
soumisc
á
ces dures cxigences; et pour rappcler ici une devise célebre,
1'
ordre
public
y est frl.:re de la
liberte.
Comment done espere-t-on prohihcr le luxe,
sans attenter
a
la liberté e!le-meme
?.... .
Vent-on dire que, dans une nation o
u
regnent toutes les facÍiités de la vi
e ,
sociale, le courage est moins ardent ou plus rare, et qu'un peuple adonné áu
luxe n'est pas bon pour faire un peuple de soldals? Que d'exemples contraires
l'histoire me foumirait
a
l'instant, si j'avais besoin de la consulter pour détruire
cette objcction
!
Sans doute ce courage vulgaire, ce courage de sang, ce mépris
de la vie, c¡ui caractérise les peuplades barbares, ne se montre pas au meme
degré cbez les nations civilisées; mais le courage c¡ui brille cbez celles-ci, c;e
courage qui se manifcste par le sang-froid, pat· l'obéissance, autant que par la
vi vacité de l'action, et qui sait se discipliner sans s'attiédir, ce coorage est une
vcrtu bien supéricure au premier; car il puise sa force, non dans le fanatisme,
~ais
dans le sentiment 'du devoir; car il a une source infiniment plus noble :
l'bonneur ! et l'bonneur est un aiguillon qui se fait sentir avec non moins d'é–
nergie dans les rangs élevés c¡ue dans les classes inférieures de la soeiété. C'est
ainsi qu'an moyen -age la noblesse
fran~aise,
riche ct puissante au milieu de
l'asservissement ct de la pauvreré du peuple, donna, pendant plusieprs siecles,
l'exemple d'un brillan! coura¡;e sur tous les cbarnps de bataille.
Enfin, on ajoute encore (et toutes ces objections en réalité n'en font qu'une,
elles ne sont que l'amplification d'une meme idée ), on ajoute:
"Le luxe énerve
les Etats; le luxe précipite la décadence des nations : [•Asie en es/ aujourd'hui
une preuve vivan/e.»
·Ob! c'esl assigner une bien petite cause
a
de grands effets!
Si merveilleux que soit en Orient ce luxe , tant embelli encore par l'imagina–
tion des poetes, ce n'est point
a
ses désordres et
a
ses abus qu'il faut attriboer
la dégradation et la lente agonie des peuples asiatiques. La polygamie et le fa–
ta1isme, voila bien plutót les plaics véritables et pcut-ctre incurables de
1'0-
rient. Mais laissons lit cet exemple, qui nous entraineraitdans des développements
que ne comporte point l'objet de cette discussion , et voyons si l'histoire n'offre
pas,
a
l'appui de la tbese que nous défendons, des preuves plus concluantcs.
Le luxe enerve les Etats? l'rlais Atbenes, la brillante Atbcnes, sans avoir
!'a–
preté de mreurs de Lacédémone, fut-elle done moins g•·ande et moins forte que
sa rivale , moins fécoude en vertus et en patriotismc? Les lois de"L-ycurguc
firent-elles plus d'illustres capitaines, plus de sages, plus de héros que celles
de SoIon et de Péricles
~
....
On cite souvcnt les Sybarites, dont la triste renommée est devenue provet'-–
biale; mais si ce fut efí'ectivement lcur mollesse qui causa Icor ruine, qu'en
conclure, si ce n'est c¡u'cn se permettant les douceurs de la vie il ne faut toute–
fois négliger ni la guerre, ni aucun des arts c¡ui assorent la puissance?
Voyez Rome: le luxe s'y répandit cnviron deux siecles avant !'ere cbrétiennc,
et cependant elle fut prospere et conquémnte pendant plus de cinq siecles