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Condamnons ces somptuosités excessives, qui, en nccaparant des masscs ele pro–

duits otiles, en décuplent la valeur vénale, et les retirent ainsi viplcmmcnt de

la circulation commune; condamnons ces prodigalités folles, qui u'ont d'autrc

mobile qu'une vanité immorale; ces jouissances matériclles sans frein et sans

mesure, qni engendren tia satiété, ledégout, les suicides, la ruine des patrimoines.

Condamnons surtout cet amour exclusif et furiPnx des ricbesses, qui se'mble

s'étre emparé de notre époque, ct qui, pour se satisfaire, ne recule point devant

les fraudes d'un industrialisrne ébonté. Tendance funeste, rnanie contagieusc,

que toutes les hyperbolcs de la satire et du ridicule n'ont fait qu'ag¡¡raver en–

core, ct qui appelle pent-etre un plus sérieux ct plus puissant remede: une

reforme équitable et logique de nos institutions. Oui, pour qu'on cesse d'adorer

la richesse comme l'idole unique dont on doit tout attendre et tout cspérer,

• il faodra bien, un jour, la dépouiller ele ses prérogatives exorbitantes; il faudra

bien que la société renonce enfin

a

sanctionncr cette sorte de fétichisme, qoi

semble légitirner la fureur avec laquclle chac¡oe citoyen court

a

la fortune,

comme au scul

ti~re ~u

mérite civil, de la capacité politique et de la prééini–

nence dans l'Etat !.. ..

Mais, encore une fois, gardons-nous de confondre dans la meme réprobation

ce désir commun de bien-etre matériel, qui est, quoi qu'on dise, le but immédiat

de l'activité physique et intellectuclle de la plupart des hommes. 11 ne consLitue

un vice que par son .impulsion exclusive; isolé, il s'irrite, sacrifie tout

a

lui–

meme, et n'est bientót plus que le reste corrompo d'nn besoin immortel.et

sacré de notre nature: l'aspiration au

bonheu~

infini ! Mais conteou par l'action

tempérante de nos facultés morales, il est légitime en soi, comme la conservation

meme de nütre existence, et conséqucmment le luxe, qui en est l'iuévitable

rnanifestation, devient un ressort puissant et nécessaire de la vie et de l'acti–

vité des peuples.

Proportiouné aox fortunes diverses, avoué et controlé

a

la fois par la raison

et par le goút, le luxe cst done un bien véritable. Il entretient 1'émulation des

travailleurs; il moltiplie incessamment les industries et les objets d'échange;

plus que le néccssaire, il établit entre les nations les plus éloignées des relations

commerciales éminemment productives pour les unes et les autres; plus que le

nécessaire il établit des rapports entre des peoples qui ne se connaitraient

point , et l'attrait puissant qu'il exerce triompbc aussi meme de l'antipathie

des relit¡ions, des mceurs et des races. L'intéret général bien entendu, les prín–

cipes de la saine morale et de l'économie publique exigent done également

qu'avec la sagc division des propriétés le luxese diviseaussi sagement,se propor–

tionne, se propaBe de plus en plus daos toutes les classes, et qu'il appelle enfin

l'universalité des citoycns

a

jouir, soit dans la vie privée, soit dans la vie pupli–

que , de ses perfectionnements ct de ses bienfaits !

AuGUSTE HussoN ,

Memhrc de la

premi~t·c

classe de l'Iostilut Hislorique,

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