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P. RIVET,
Une !elle hésitation ne saurait exister pour le mol qui désigne la hache
en Polynésien el en Araukan.
L'identité des deux mots a
été
signalée pour la prerniére fois, semble-t-il, par
LE.SSON
(75,
1, 489).
Tout récemment, BROWN el IMBELLONI ont de nouveau
atliré l'attention sur elle
(13,
265;
63,
352).
Voici les différentes formes que I'on trouve dans les divers dialectes poly–
nésiens
(1
03,
223) :
ioki
hache: Maori, Tonga, Futuna,
Niue, Uvea, Nukuoro, Fotuna,
Tongarewa, Mangaia, Mangarewa,
Marquises
loki
hachette de fer: Paumotu
toki
hache de pierre: Rapanui
toki
l1achette de coquille: Nuguria
to'i
hachette: Samoa
toi
hachette: Tahiti
koi
hachette: Hawai'.
Ce mol est nettement apparenté
á
une racine malayo-polynésienne ayant le
sens de <<frappen>
(103,
223), mais, sous sa forme
toki
et avec son sens de
«hache>, il es!, comme le mol
kumara,
nettement polynésien et pan-polynésien".
En Araukan",
toki
désigne la hache de pien·e qui es! !'insigne du chef el
par extension le chef lui-méme
(74,
725- 728).
Le mol étant attesté dés
1606
avec
le sens de «hache>>
(J
18),
toute hypothése d'emprunt post-colombien doit étre
écartée.
Tels sont les faits linguistiques sur lesquels je désirais atlirer J'atiention.
Remarquons qu'ils ne sauraient étre interprétés comme une preuve de la parenté
du Kil'ua el du Polynésien, comme I'ont propasé Palavecino el lmbelloni
(63,
335-368),
á
propos de
kumor
et de
loki;
en effet, si
kumor, kumal.
appartient
bien au Kicua, il es! nettement limité au domaine septentrional de cette langue,
tandis que le mol
toki
est exclusivement araukan "- Les deux mots se rencontrent
done dans des régions trés distantes el dans deux langues différentes.
A tous les points de vue, de tels faits ressorlissent uniquement de l'emprunt
précolombien.
Celte hypothése d'un contad entre la Po!ynésie et
1'
Amérique du Sud avant
la découverte du Nouveau-Monde est d'ailleurs confirmée par d'autres faits el des
traditions, ainsi que nous allons le voir.
u On le trouve cependant
a
Efate
(tOk1,
hache), mais il s'agit manifestement d'un
emprunt.
15
BROWN
(13,
265) donne le nom comme appartenant
a
la langue des iles Chiloé
ou Veliche. le fait est possible, puisque le Veliche est un dialecte araukan, mais je dois
dire que, dans aucun des deux vocabulaires Veliche que j'ai consultés
(15; 18),
je n'ai
1rouvé le mot
toki.
14
Cest par erreur qu'IMBELLONJ dit que le mot a pénétré dans les langues du
Pérou
(63,
352).