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LIVUE QUARANTE-QUATRIÉME.
Enfin le camp lui-meme sur la Drissa n'offrait
aucune sécurité sous le rapport de sn construc–
tion. Généralement on se couvre d'un fleul'e
qu'on vcut défcndrc; ici, au contrairc,on
siétait
placé
~n
al'nut du flcuve, en
y
appuyant ses
elcrricres et ses nilcs. Sur l'indication du géné–
ral Pfuhl, les ingénieurs russcs avaient choisi
un rentrant profond que la Dwina forme ¡,
Drissa, et s'y étaient adossés
1
commc s'ilsavaicnt
été moins soucieux de se rcndrc inexpugnables
sur leur front que sur lcurs flanes et lcnrs dcr–
ricrcs. JI est vrai que sur le front de cecnmp on
avnit cherché
a
se crécr par d'immenscs ou–
vragcs une sorte d'inexpugnabilité nrtificiclle,
qui ptit défier tous les efTorts de l'cnnemi. On
al'ail fcrmé le rentrant dans Jeque! on s'était
logé par une prcmiCrc ligne
d'oum1gcs
de
5,500 toises de dévcloppcmenl, allnnl de !'un
a
l'autrc coudc de la Dwinn. C'étaicnt des abntis,
des épaulcments en terrc trcs-difficilcs
a
csenla–
dcr, et de plus hérissés d'arlillcric. En seconde
ligne, on avait construit elix reeloutes, liées par
des cspCccs de courtincs, et nrmécs égalcmcnt
d'une arlillel'ie trcs-nombreuse. Une portie ele
l'nrmée russe oecupnit ces ouvrages, el le reste,
rangé en arriCrc en masscs profondcs, présCntnit
une réserl'e formidaLlc. Quatrc ponts dcl'nient
assurcr la retraitc de ccllc arméc, si elle était
obligéc d'évacucr la position. Quoique ce camp
dtit opposcr de grands obstaclcs, mémc
a
l'im–
pétuosité des Frnnqais, il cst hicn v1·ai qu'il se
prctait mcrvcillcuscmcnt ¡,la manrouvrc de Na–
poléon, qui
SOllgCait
iJ
Je
tOUl'llCI',
Cl
íl
venir }'
cnfcrmcr Ilarcl¡1y de Tolly. Si en cfTct Napoléon
avnit le tcmps de passcr
la
Dwina et ele se portcr
sur 1cs dcrriCrcs de l'arméc russc, on n'inrnginc
pas commcnt ccllc-ci aurail pu défilcr pnr ces
quatrc ponls dcvant dcux cent millc franqais.
Quoi qu'il en soit, le cri dans l'm·méc 1·ussc
était univcrscl. Les uns s'cn prcunicnt
h
l'idée
memc de baltrc en relrailc dcvnnl les Frnnvais,
les autrcs
i1
l'idéc de s'arrctcr sitól. les nutres
cncorc
i1
ccllc de lnisscr Napoléon s'élcvc1· snr
la
gauchc de l'armée pl'incipalc, et s'intcrposcr
ainsi entre Ilarclny de Tolly el Ilngration. Tous
unnnimcmcut imputaicnl l'idéc qui lcur déplai–
sait nu géuéral Pful1I, aprcs lui nux élrnngcrs
qui semblaicnt ses complicrs, et aprcs cesétran–
gcrs
i1
I'cmpcrcur Alcxnndrc qui lt's pnlronait.
L'ltalicn Paulucci lui-mcmc, q"i "hcrchait
a
se
fairc pardonncr son origine par la violcncc de
son langage,avait dit
h
Alcxandrc que son con–
seillcr Pfuhl étnit un idiot ou un traitrc,
a
c¡uoi
Alcxandre avait répondu en cnvoyant l'arrogant
intcrpellatcur
a
trente licues sur les derriercs.
Mais la colcrc généralc n'co était dcvcnuc que
plus vive.
Ilicntót on ne s'était plus borné
a
blamcr le
plan de cam¡rngnc ; on avail commcncé
a
blamcr
la préscncc meme de l'cmpereur
a
l'nrméc, et
a
cricr conlrc !'esprit de cour transporté dans les
camps, ¡¡, ou il faut un chef dirigcant seul les
opérations militaircs, et point de ces réunions de
courtisans propresseulement
a
troubler celui qui
comnrnnde, ¡, ébranler la confiancc de ceux qui
obéisscnl, " subslituer cnfin la confusion
a
ccttc
unité absoluc, qui cst l'indispcnsablc co!ldition
des succrs
a
In gucrrc. On s'était mis
i1
dirc
qu'Alcxnndrc ne pouvait pas commandcr, qu'il
ne le voulail rnémc pas, bien qu'il ne fllt poiot
dépourrn d'intclligcncc militairc, et que, ne
commandant pas, il cmpcchait de commander,
parce qu'une défércncc inévitablc pour sesavis,
la era in te d'cncourir son blamc ou cc!i1i de ses
familicrs, devnienl ótcr toute décision au ·chef
d'nrméc le plus résolu; qu'il fallail
la
liberté de
l'Crscr, mcme en
SC
trompaat, des torrcnts de
sang, et n'avoir pas dcrriCre soi un maitrc me..
!,Ul'ant Jaquantité
de cesnng versé, la rcgreltant,
ou In rcprochant nux générnux; que des lors
n'agissant pas et empCchant d'agir, il follait
qu'Alcxnndrc s'co allal, et cmmcnat mémc son
frerc, aussi incommodc que lui, et pas plus utile.
Étrnngc spectncle que cclui de ce czar , typc
achcl'é dans l'Europc rnodcrnc de In souvcraioeté
absolue, dépcndnnt de ses principaux courti–
sans, et prcsque exclu de l'arméc par une sorte
d'émcutc ele cour! tant cst profondc l'illusion du
dcFpolismc ! On ne comrnanclc véritablcmcnt
qu'cn proportion eles volontés qu'on cst capnblc
deconccvoir
el
d'cxécutcr :
le
grode, lerang
n'y
f'out ricn, et
le
ma1trc le plus nbsolu sur le tróne
le plus rcdouté o'est souvcnt que le valct d'un
1•nlct qui sait ce que son maitre ignore. Le génie
scul commandc parce qu'il voit et vcut, et lui–
mcmc il dépcnd des bons conscils, car il ne snu–
rait tout ''oir , et si, aveuglé par l'orgueil,
il
écnrte ces conscils, il aboutit
u
la folie, et par In
folie¡, laruine!
L'aristocratie militairc russc, qui tour
a
!Olll'
in–
timidnnt ou soutenant Alcxandrc, l'avait conduit
pcu
¡¡
pcu
u
résister
a
ln domination
fran~aisc,
n'étnil pns disposéc, maintcnant qu'e!lc l'nvait
cntrniné
fl
la gncrrc,
h
se Jaissrr gCner dans la
maniere de In soutenir. Elle la l'oulait 1•iolcntc,
ncharnée, dcscspé1·éc; clic étnit mémc résoluc
a