Table of Contents Table of Contents
Previous Page  244 / 570 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 244 / 570 Next Page
Page Background

250

LIVUE QUARANTE-QUATRIÉME.

Enfin le camp lui-meme sur la Drissa n'offrait

aucune sécurité sous le rapport de sn construc–

tion. Généralement on se couvre d'un fleul'e

qu'on vcut défcndrc; ici, au contrairc,on

siétait

placé

~n

al'nut du flcuve, en

y

appuyant ses

elcrricres et ses nilcs. Sur l'indication du géné–

ral Pfuhl, les ingénieurs russcs avaient choisi

un rentrant profond que la Dwina forme ¡,

Drissa, et s'y étaient adossés

1

commc s'ilsavaicnt

été moins soucieux de se rcndrc inexpugnables

sur leur front que sur lcurs flanes et lcnrs dcr–

ricrcs. JI est vrai que sur le front de cecnmp on

avnit cherché

a

se crécr par d'immenscs ou–

vragcs une sorte d'inexpugnabilité nrtificiclle,

qui ptit défier tous les efTorts de l'cnnemi. On

al'ail fcrmé le rentrant dans Jeque! on s'était

logé par une prcmiCrc ligne

d'oum1gcs

de

5,500 toises de dévcloppcmenl, allnnl de !'un

a

l'autrc coudc de la Dwinn. C'étaicnt des abntis,

des épaulcments en terrc trcs-difficilcs

a

csenla–

dcr, et de plus hérissés d'arlillcric. En seconde

ligne, on avait construit elix reeloutes, liées par

des cspCccs de courtincs, et nrmécs égalcmcnt

d'une arlillel'ie trcs-nombreuse. Une portie ele

l'nrmée russe oecupnit ces ouvrages, el le reste,

rangé en arriCrc en masscs profondcs, présCntnit

une réserl'e formidaLlc. Quatrc ponts dcl'nient

assurcr la retraitc de ccllc arméc, si elle était

obligéc d'évacucr la position. Quoique ce camp

dtit opposcr de grands obstaclcs, mémc

a

l'im–

pétuosité des Frnnqais, il cst hicn v1·ai qu'il se

prctait mcrvcillcuscmcnt ¡,la manrouvrc de Na–

poléon, qui

SOllgCait

iJ

Je

tOUl'llCI',

Cl

íl

venir }'

cnfcrmcr Ilarcl¡1y de Tolly. Si en cfTct Napoléon

avnit le tcmps de passcr

la

Dwina et ele se portcr

sur 1cs dcrriCrcs de l'arméc russc, on n'inrnginc

pas commcnt ccllc-ci aurail pu défilcr pnr ces

quatrc ponls dcvant dcux cent millc franqais.

Quoi qu'il en soit, le cri dans l'm·méc 1·ussc

était univcrscl. Les uns s'cn prcunicnt

h

l'idée

memc de baltrc en relrailc dcvnnl les Frnnvais,

les autrcs

i1

l'idéc de s'arrctcr sitól. les nutres

cncorc

i1

ccllc de lnisscr Napoléon s'élcvc1· snr

la

gauchc de l'armée pl'incipalc, et s'intcrposcr

ainsi entre Ilarclny de Tolly el Ilngration. Tous

unnnimcmcut imputaicnl l'idéc qui lcur déplai–

sait nu géuéral Pful1I, aprcs lui nux élrnngcrs

qui semblaicnt ses complicrs, et aprcs cesétran–

gcrs

i1

I'cmpcrcur Alcxnndrc qui lt's pnlronait.

L'ltalicn Paulucci lui-mcmc, q"i "hcrchait

a

se

fairc pardonncr son origine par la violcncc de

son langage,avait dit

h

Alcxandrc que son con–

seillcr Pfuhl étnit un idiot ou un traitrc,

a

c¡uoi

Alcxandre avait répondu en cnvoyant l'arrogant

intcrpellatcur

a

trente licues sur les derriercs.

Mais la colcrc généralc n'co était dcvcnuc que

plus vive.

Ilicntót on ne s'était plus borné

a

blamcr le

plan de cam¡rngnc ; on avail commcncé

a

blamcr

la préscncc meme de l'cmpereur

a

l'nrméc, et

a

cricr conlrc !'esprit de cour transporté dans les

camps, ¡¡, ou il faut un chef dirigcant seul les

opérations militaircs, et point de ces réunions de

courtisans propresseulement

a

troubler celui qui

comnrnnde, ¡, ébranler la confiancc de ceux qui

obéisscnl, " subslituer cnfin la confusion

a

ccttc

unité absoluc, qui cst l'indispcnsablc co!ldition

des succrs

a

In gucrrc. On s'était mis

i1

dirc

qu'Alcxnndrc ne pouvait pas commandcr, qu'il

ne le voulail rnémc pas, bien qu'il ne fllt poiot

dépourrn d'intclligcncc militairc, et que, ne

commandant pas, il cmpcchait de commander,

parce qu'une défércncc inévitablc pour sesavis,

la era in te d'cncourir son blamc ou cc!i1i de ses

familicrs, devnienl ótcr toute décision au ·chef

d'nrméc le plus résolu; qu'il fallail

la

liberté de

l'Crscr, mcme en

SC

trompaat, des torrcnts de

sang, et n'avoir pas dcrriCre soi un maitrc me..

!,Ul'ant Jaquantité

de cesnng versé, la rcgreltant,

ou In rcprochant nux générnux; que des lors

n'agissant pas et empCchant d'agir, il follait

qu'Alcxnndrc s'co allal, et cmmcnat mémc son

frerc, aussi incommodc que lui, et pas plus utile.

Étrnngc spectncle que cclui de ce czar , typc

achcl'é dans l'Europc rnodcrnc de In souvcraioeté

absolue, dépcndnnt de ses principaux courti–

sans, et prcsque exclu de l'arméc par une sorte

d'émcutc ele cour! tant cst profondc l'illusion du

dcFpolismc ! On ne comrnanclc véritablcmcnt

qu'cn proportion eles volontés qu'on cst capnblc

deconccvoir

el

d'cxécutcr :

le

grode, lerang

n'y

f'out ricn, et

le

ma1trc le plus nbsolu sur le tróne

le plus rcdouté o'est souvcnt que le valct d'un

1•nlct qui sait ce que son maitre ignore. Le génie

scul commandc parce qu'il voit et vcut, et lui–

mcmc il dépcnd des bons conscils, car il ne snu–

rait tout ''oir , et si, aveuglé par l'orgueil,

il

écnrte ces conscils, il aboutit

u

la folie, et par In

folie¡, laruine!

L'aristocratie militairc russc, qui tour

a

!Olll'

in–

timidnnt ou soutenant Alcxandrc, l'avait conduit

pcu

¡¡

pcu

u

résister

a

ln domination

fran~aisc,

n'étnil pns disposéc, maintcnant qu'e!lc l'nvait

cntrniné

fl

la gncrrc,

h

se Jaissrr gCner dans la

maniere de In soutenir. Elle la l'oulait 1•iolcntc,

ncharnée, dcscspé1·éc; clic étnit mémc résoluc

a