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PEROU ET BOLI.VIE.

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sei~neut

et ma1tre pour Je Pérou et

pour Jui -meme, mais Je

mena~ant

de

Ja plus terrible vengeance s'il refusait

d'obéir et d'abjurer son impiété.

Cet

inqualiliable discours , fidele

échantillon du fanatisme du siecle, fut

d'autant plus inintelligible pour les

Péruviens, que !'interprete, peu versé

dans Ja Jangue espagnole et dans l'i–

diome quichua, le traduisit fort mal.

Cepend nt Atahualpa parvint a en com–

prendre q11elques points, et, quoique

aus i indigné que surpris de l'absurde

insolence du pretre espagnol,

il

luí lit

une répon e pleine de clignité, de bon

sens et de modération.

11

dit qu'il était

mal'tre de son royaume, et qu'il trou–

vait fort singulier qu'un pontife étran–

ger se perrnit de disposer de ce qui ne

lui appartenait pas; qu'il ne lui con–

venait eas Je moins du monde de re–

noncer a la religion de ses ancehes et

d'abjurer Je culte du soleil, divinité im–

rnortelle, pour adorer le dieu des Es–

pagnols, qui , suivant son interlocu–

teur lui-meme' était sujet a la mort;

que quant au reste de la harangu\),

i'I

n'y comprenait rien, et serait curieux

de S(}voir ou le pretre avait pui

é

des

choses si extraordinaires: - «Dan ce

livre !

»

s'éeria Valverde en moatrant

son bréviaire. Atahualpa prit le vo–

Jume, !'examina atte11tive111ent, le porta

a son oreille, et le jetant dédaigneuse–

ment aterre:" Cela ne parle pas, dit-il,

et ne m'apprend rien.

»

Furieux de la

profanation que vient de subir Je livre

saint, l'éveque court vers ses cornpa–

gnons, et, d'une voix trernblante de

colere , Jeur críe : " Aux armes! aux

armes , chrétiens ! On insulte le vrai

Dieu; vengez-le sur ces misérables in–

fideles !"Soit que ce signal eat été con–

venu, soit que Pizarre jugeiit qu'en

effet le 111oment déoisif était arrivé, il

s'avanca pour commencer l'attaque, et

lit di re a son frere Fernand d'exéouter

Je mouvement qu'il luí avait prescrit.

En meme temps, l'ordre fut transmis

a

l'artillerie de jouer' et a la cavalerie

d'nssaillir les lndiens de trois cotés dif–

férents, tandis que lui-mfüne condui–

rait l'infanterie contre le corps d'ar–

rnée que commandait Atahualpa en

personne. Ces instructions furent im–

médiatement suivies. Les fantassins,

poussant hardiment jusqu'aux litiéres

qui portaient les chefs, diri!l;erent leurs

premiers coups contre les Indiens qui

entouraient l'Inca et sa suite; mais les

Péruviens étaient en si grand non1bre,

que l¡is vides occasionnés dans leurs

rangs par les bailes des Espagnols

étaient aussitot remplis. Le généra l ,

jugeant avec raison qu'il perdait beau–

coup plus par la mort d'un seul soldat,

qu'il ne gagnait en tuant

100

Péru–

viens, et voulant, en eonséquence,

abréger Je combat, se

fit

jou

jusqu'a

Ja

litiere ou se trouvait Atahualpa.

!cartant a coups d'épée les serviteurs

qui, s'empressant autour de leur mal–

tre, voulaient luí fairl'! un bouclier de

leur corps, il

s'élan~a

sur l'lnc¡l, le sai–

sit

par

ses longs cheveux, et le tira si

violemment, qu'il le

lit

tomber aterre.

En meme temps, les soldats espagnols

qui avai¡mt suivi les pas de leur chef,

frappai er:it

a

eoups redoublés sur la li–

tier1¡ impériale, si bien que Pizarre

re~ut

une blessure a la main. Les

Jn–

diens, futijlux de l'outrage que vient

de subír leur souverain' cherchent

a

le dégager et a punir l'audacieux 11gres–

seur. Leur courage, s'exaltant par la

colere, teur fait oublier le danger, et

accomplir des aetes d'héroique intré–

pidité; mais c'est en vain : la supério–

rité de la discipline et des armes a feu

l'emporte sur la valeur désordonnée et

sur les moyens de défense des Péru–

viens. Pizarre, qui est parvenu a ter–

rasse.r le malheureux Atalrnalpa, s'em–

pare de sa personne et l'emmene. A

cette vue., les Indiens consternés son–

gent

a

leur propre salut. Attaqués sur

plusieurs points par Ja cavalerie, qui

leur inspire une terreur insurmonta–

ble, ils prennent la fuite dans toutes

les directions. Les Espagnols, excités

par l'infüme Valverde, qui, melé aux

combattants, désigne les infidéles au

glaive de ses co111patriotes, égorgent

tout ce qui s'offre

a

leurs coups' et

poursuivent les fuyards dans leur re–

traite précipitée. La confusion devient

telle, que les Indiens, arrivés a un an–

gle du champ clos ou se livre la ba-

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