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L'UNIVERS.
pondit qu'il acceptait l'amitié du roi
d'Espagne, mais a condition que ses
sujets rendraient l'or et l'argent qu'ils
avaient déja enlevés aux habitants du
Pérou, et qu'ils quitteraient immédia–
tement le pays; que, pour s'entendre
a
ce sujet avec le chef des Européens,
il
se rendrait le lendemain
a
Caxa–
marca.
Le rapport que Fernand Pizarre fit
a
son frere, sur son entrevue avec Ata–
hualpa, et sur tout ce qu'il avait vu,
ne laissa pas d'inspirer une certaine
inquiétude au gouverneur. L'aspeet
formidab le du camp ind ien, et le nom–
bre considérable de soldats qui mar–
chaient sous la bann iere du prince,
firent craindre
a
Pizarre d'avoir trop
compté sur la faiblesse de l'ennemi.
Mais on ne s'aventure pas aillsi, les
armes
a
la main , et 'en nombre infini–
nient minime, dans un pays inronnu,
sans avoir prralablement pris la réso–
Jution de réussir ou de succomiJer glo–
rieusement. Les compa¡(nons de Pi–
zarre étaient tou gens intrépides et
éprouvés; le gom'erneur n'eut pas be–
soin d'électdser leur courage pour les
décider
á
affronter les périfs d'une
lutte si inégale.
.
Des deux ed'té , on passa la nuit en
préparatifs; car les Indiens pensaient
bien, comn1e les Espagnols, que la ré–
ponse de leur général aux propositions
du chef des Européens ne pou vait con–
'duire qu'a une rupture.
1
Le lendemain, tandis que Pizarre
faisait ses dispositions de combat,
·l'armée péruvienne se mit en marche,
mais si lentement, qu'elle employa
plus de quatre heures
a
fairr une
licue. Atahualpa
s'avan~ait
dans une
liti ere dorée, portée, sui vant la
cou~
turne, sur les épaules des plus
émi~
nents personnages de sa cour ; sur
son passage, trois cents Indiens, tous
· couverts de la meme Iivrée , débarras–
saient le chemin des moindres obsta–
cles, des plus petites pierres. Aprés la
litiere du prince, venaient les caciques
et les autres grands du royaume de
Quito , également étendus d:lns de
riches litieres. Telle était l'opinion
qu'ils avaient de Ja petite armée espa-
gnole, qu'ils croyaient pouvoir la faire
prisonniere sans coup férir, et sans
meme se déranger de leurs voluptueux
palanquins. Les rapports des gouver–
neurs indiens, qui avaient déja tité en
contact avec
les &ens de Pizarre,
avaient contribué a répandre cette
fausse opinion; l'un d'eux avait fait
dire
a
Atahualpa que non - seulement
le nombre des Espagno ls était presque
imperceptible, mais encore que leur
paresse et leur Jacheté les engageaient,
pour ne pas se fatiguer, a monter sur
de grandes brebis, c¡u'ils appelaient
des chevaux. Ce fut ·donc avec la con–
viction qu'i l n'avait qu'a se montrer
pour disperser cette tourbe d'étran–
gers, que le prince péruvien arriva dans
un chamµ clos situé devant le palais de
Caxamarca. N'apercevant qu'une par–
tie des Espagnols, parce que la cavale–
rie avait requ l'ordre de se cacher,
Atahualpa crut qu'ils
l'attendaient
pour Jui demander gr.1ce. Mais, tandis
gu'il communiquait a pensée aux gens
qui l'en tourai ent,
iJ
vit s'avancer ers
lui un étranger tenant un livre
á
la
main, et portant la tete haute ; c'était
J'éveque Vincent de Val verde, devenu
célebre dans l'histoire du Pérou. Dés
qu'il
fut
assez pre du prince pour en
ctre entendu' le pretre s'arreta devant
Jui, et, luí montrant d'une main ún
crucifix, de l'autre, son bréviaire, il
lui adressa un long discours que !'Inca,
plus surpris_qu'irrité, cut la patience
d'écouter jusqu'au bout. Rien de plus
extravagant que cette harangue : Val–
verde
y
exposait la doctrine de la aréa–
tion, la chute du premier homme, le
mystere de l'incarnation, Ja passioo et
la
résurrection de Jésus-Christ; le
choix que Dieu était censé avoir fait de
saint Pierre pouretreson grand vicaire
sur la terre; le pouvoir de saint Pierre
transmis aux papes, et la donation faite
au roi de Castille, par
fo
pape Alexan–
dre, de tontes les régions du nouveau
· monde. Apres cet étrange bavardage, le
pieux éveque somma Atahualpa d'em–
brasser la religion chrétienne, de re.
connaítre l'autorité do souverain pon–
tife etduroi d'Espagne, lui promettant,
s'il se soumettait, Ja protection de son